Hausse du prix de l’électricité : Comment les clients réagissent-ils ? (Par Dr. Thierno THIOUNE)


Faut-il rappeler que la disponibilité de l'électricité à des prix abordables est un facteur essentiel qui détermine toute une panoplie d'activités productives, conduit à la croissance économique et réduit la pauvreté.
 
Au Sénégal, cette disponibilité est administrée par la régulation des tarifs qui est basée sur la méthode des plafonds de prix (« Price cap ») c’est-à-dire le montant maximum de revenu autorisé à la Senelec.
 
Senelec, étant un monopole avec une fonction de coût total sous-additive, a un avantage en ne se spécialisant pas dans un des segments à savoir la production, le transport ou la distribution de l’électricité. En effet, Senelec en phase d’expansion, présente un coût marginal (Cm) et un coût moyen (CM) décroissants. Seulement, dans sa phase d’expansion, Senelec ne pouvait plus supporter la tarification au coût marginal qui correspondait jusqu’ici à l’objectif de surplus collectif maximum. Cette situation entraîne, dans le court terme, une tarification à perte pour l’entreprise publique et il appartient à l’État d’assurer la couverture de ce déficit avec des politiques de subvention notamment celle avec la deuxième LFR lui octroyant 125 milliards de FCA. A défaut, le manque à gagner pour la Senelec serait intenable au regard du renchérissement du prix du baril de pétrole principal source de production de l’électricité car tenez-vous bien plus de 54% de nos recettes d’exportations passent à la trappe pour payer les importations de fuel.
 
Que fallait-il faire alors ? Quel rôle devrait jouer le FSE ? Faudrait-il continuer les subventions ? A contrario, faut-il augmenter les tarifs pour compenser cette augmentation du prix du baril de pétrole ?
 
A mon sens, la grande préoccupation des dirigeants devrait se situer sur la problématique suivante :
Comment les clients de Senelec réagiraient-ils aux Prix ?
 
Cette sensibilité des prix de l’électricité sur la demande des ménages mérite une attention particulière.
 
En effet, une analyse rigoureuse permettrait de faire le point sur les évolutions de la demande d’électricité des acteurs économiques. Elle aurait permis au gouvernement d’estimer les conséquences sur les revenus des ménages, les conséquences selon la zone de résidence et les conséquences sur les modes d’équipements en électroménagers compte tenu du basculement d’une certaine classe modeste vers la classe des revenus moyens voir supérieurs. Et le point le plus important, c’est l’estimation des élasticités prix c’est à dire la sensibilité sur le niveau de vie des ménages suite à une hausse des prix de l’électricité.
 
Premièrement, il faut retenir qu’à court terme, suites aux évolutions des prix, les ménages ont des possibilités limitées pour adapter leur dépense d’électricité. Donc, ils n’ont aucune réponse de substitution. Ils ne peuvent changer de type d’énergie moins coûteuse ou abandonner totalement l’électricité fournie par Senelec au profit d’autres modes de fourniture à la moindre hausse des prix.
 
Deuxièmement, ce ne sera qu’à long terme, que les ménages seront capables de réduire leur consommation d’électricité et ceci même s’ils font a priori partie des catégories pour lesquelles la consommation d’électricité semble peu compressible.
 
Oui, c’est vrai que les ménages à faible revenu, qui constituent 54% de la clientèle ne sont pas affectés par cette hausse des prix de l’électricité, comme l’a mentionné le Directeur de la Senelec.
Oui, est-il aussi vrai que le manque à gagner pour la Senelec se chiffrerait à 12,191 milliards si la hausse n’était pas répercutée.
 
Seulement, il est d’autant plus vrai que conséquemment à la hausse de 10% du prix de l’électricité, les ménages diminueraient de plus 7,03% leur consommation d’électricité à long terme. Cette diminution de la consommation joue un effet pervers sur la Consommation Finale qui est un élément important de la composition de notre PIB pouvant entrainer de potentiel perte de point de croissance.
 
Ce qui n’est pas aussi surprenant, c’est que les ménages qui ont un niveau d’équipements élevé paient plus facilement des factures salées et sont plus aptes à développer des stratégies de fraudes.
 
En somme, à long terme, tous les ménages, même les plus modestes, adapteraient leurs consommations d’électricité aux prix.
 
En somme, ce qui est important à savoir c’est qu’il faut pour Senelec de trouver le modèle économique qui adopte la coïncidence des trois situations de maxima d’efficience (productive, allocative, redistributive) conduisant à un prix de vente de l’électricité permettant aux ménage de garder leur pouvoir d’achat, aux entreprises d’être compétitives et à l’économie nationale de gagner des points de croissance.
 
 
Dr Thierno THIOUNE 
Maître de Conférences Titulaire FASEG/UCAD
Directeur des Etudes du CREFDES
Membre du Comité Scientifique du LARED/CREA
 
Mercredi 11 Décembre 2019




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