ENTRE EXCÈS, OFFENSES, REVIREMENTS ET PYROMANIE/ AHMED Khalifa NIASS tel qu'en lui-même (Par Cheikh Lamane DIOP)


 
Le premier souvenir que j'ai eu de M. Ahmed Khalifa Niasse est resté à jamais gravé dans ma mémoire d'adolescent. Du reste, ce n'est pas un exemple à offrir à la jeunesse du pays.  Lors de la campagne électorale pour l'élection présidentielle et les législatives combinées de février 1988, j'étais là-bas dans mon village natal à Thiowor. 

La télévision n'y était qu'à ses premiers balbutiements et fonctionnait cahin caha grâce à une batterie de voiture et à une antenne hertzienne rafistolée. Un soir de campagne, nous étions agglutinés devant le petit écran, lorsque surgit sur la lucarne magique un individu au teint clair, barbe et moustache fournies, coiffé d'un couvre-chef oriental. 

Ce monsieur que certains affabulaient du sobriquet d'ayatollah de Kaolack, était estampillé chef religieux. Pendant le journal de campagne de ce soir-là donc, il occupa le temps d'antenne du Parti démocratique sénégalais (PDS) de Me Abdoulaye Wade dont il était membre. Je ne me souviens pas des détails de son discours. 

En revanche, j'ai retenu que c'était une diatribe sans concession contre le président en exercice Abdou Diouf et son parti, le PS, avec bien sûr une sanctification de Me Wade et de la formation libérale.

Le lendemain, à la même heure, face aux mêmes téléspectateurs, je découvre le même personnage, mais cette fois-ci dans le temps d'antenne du Parti socialiste au pouvoir. Et, ô surprise, il faisait l'exact contraire de ce qu'il s'était ingénié à faire, 24 heures auparavant. C'est-à-dire, élever Abdou Diouf au rang des saints et descendre en flammes Abdoulaye Wade et son parti. Cet épisode télévisuel fut un choc pour le jeune adolescent, élevé dans la pure tradition villageoise, dans une famille "daara". Comment quelqu'un qui se dit chef religieux peut-il, en l'espace de quelques heures, tourner casaques à cette vitesse supersonique et pire, transformer des vérités en légendes et vice versa ?
 
Plus qu'un caméléon pour ce transhumant avant l'heure, c'est cette girouette qui, dans un funeste élan, s'emploie à brûler le Sénégal, particulièrement après la publication des premiers volumes de l'Histoire générale du Sénégal, sous la direction du Pr. Iba Der Thiam. 
Du reste, ce multirécidiviste nanti de relations douteuses avec des dirigeants internationaux peu recommandables, slalome depuis bien des années dans le marigot politique sénégalais, entre affaires et affaires, par ses bravades et ses grossières provocations, ne parvient heureusement pas à assurer la fonction de pyromane en chef et maitre-chanteur qu'il tente souvent d'assumer au gré des humeurs que lui ont imposées les différentes infortunes qui ont jalonné son tumultueux parcours politico-économico-confessionnel. N'a-t-il pas déjà été incarcéré en 1981 pour collusion avec le colonel Kadhafi, ennemi public numéro 1 de l'époque? Il fut en effet accusé d'avoir débarqué à l'aéroport international de Yoff avec deux terroristes libyens pour des opérations de sédition contre le Sénégal.

Pas la peine de s'attarder sur le bilan insignifiant du ministre en charge de l'édification de la nouvelle capitale sous le régime du président Abdoulaye Wade, ni rappeler sa subite conversion à la «wadolatrie », non pas la religion du père, mais du fils Karim, « ministre du ciel et de la terre", préparé pour succéder au pater. L'on se rappelle encore de ses sorties ubuesques contre l'artiste-musicien Youssou Ndour. « C'est moi qui lui ai interdit de composer et interpréter un une chanson en l'honneur de Karim Wade parce que je ne veux pas qu'il meurt», plastronnait-il Quelle morbide et perfide prophétie pour les beaux yeux du » prince héritier » !

À bientôt 80 hivernages, le tonitruant Ahmed Niasse ne s'est pas encore assagi. Mais, à cet instant, la cinglante réponse de l'érudit Thierno Amadou Tidiane Ba de Médina Gounass, à propos de ses pernicieuses spéculations sur le califat de la Tidjanya, suffit à déconstruire le mythe AKN.

Toutefois, il faudra que les pouvoirs publics réfléchissent sur le cas de cet individu à prendre en charge. L'appel à la raison que lui a  adressé publiquement le Chef de l'État, son "ami", semble dérisoire; le risque zéro n'existant pas. La prison pour ce fantasque "octogêneur"? Sûrement pas la meilleure idée. Cependant, on ne peut s'empêcher de penser à l'asile ou à la résidence surveillée. Une étincelle de trop dans le cocktail politico-confrérico-maraboutico-confessionnel du moment n'est pas à exclure.
 
Cheikh Lamane DIOP, Journaliste
Mercredi 18 Septembre 2019




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