Culture : Mati Diop, réalisatrice franco-sénégalaise : « Mon film Atlantique est parti de... »


Premier long métrage de fiction, le Film Atlantique de la franco-sénégalaise Mati Diop est au Festival de Cannes pour chercher la Palme d’or. La dame, une jeune réalisatrice franco-sénégalaise s’est confiée sur sa production. Une production née au cours d’un voyage à Dakar, alors que les voyages périlleux étaient des plus intenses au Sénégal, avec le phénomène ‘’Barça ou Barzakh’’.
 
‘’C’est un grand jour pour mon équipe et moi’’, ont été alors les premiers propos de la cinéaste franco-sénégalaise.  Mati Diop, est tout heureuse. Et sa joie était palpable au cours de son entretien. ‘’Je réalise sans réaliser, j’essaye de me rendre compte que c’est un coup plus grand que moi. Mais en tout cas, j’avoue que ce qui prime c’est l’émotion et la fierté de venir présenter mon film avec mes acteurs qui ont voyagé de Dakar avant-hier, d’être ensemble’’, a-t-elle confié au micro de France 24.
 
Concernant ce film ‘’Atlantique’’, elle renseigne que c’est une histoire d’émigration clandestine vue par les femmes. Ce récit dit de ‘’point de vue féminin’’ est, selon la réalisatrice, ‘’parti de ce que j’ai ressenti au moment où en 2008 j’ai passé du temps à Dakar et où je suis arrivée en pleine vague massive de départs en Europe. Et face à cette réalité, j’ai consacré un court métrage qui s’appelle Atlantiques où j’enregistre et recueille le récit du voyage en mer, d’un jeune homme qui s’est confié à ses deux amis. L’un de ces deux est un cousin à moi. Et c’est à travers lui que j’ai eu une approche de cette période qui m’a beaucoup marquée. Parce que moi, au moment où, très librement, j’effectuais un mouvement de l’Europe vers Dakar, à la rencontre de mes origines, il y avait une jeunesse qui faisait le chemin inverse par une autre voie. Et je pense que cette collision est centrale dans mon travail. Cette question d’exil, c’est aussi un miroir entre l’Afrique et l’Occident. Et comme je suis métisse, je crois que c’est un canal central de mes préoccupations’’, a déclaré Mati Diop. 
 
‘’J’ai le sentiment que mon oncle Djibril Diop Mambéty a laissé un grand chantier’’
 
Dans ses explications, elle a précisé avoir entamé son film avant que ne surgissent ces histoires de terrorisme. ‘’J’ai commencé à réfléchir sur les questions migratoires et la montée de l’extrémisme violent, il y a 10 ans. On n’était pas encore là. Ce qui était là en ce moment, c’est le phénomène de l’émigration clandestine. Cette masse, ces départs massifs, c’est déjà quelque chose. Et moi, j’ai senti que c’était important qu’un film soit dédié à cela. Et j’étais épouvanté à l’époque par la manière que les médias de masse relayaient ce sujet. Il n’était évidemment plus question de personnes, ni d’individus, mais de statistiques. Et c’était déjà comme ça, il y a 10 ans’’.
 
Concernant l’émigration clandestine au Sénégal, elle dit avoir préféré ‘’redonner la parole aux acteurs de fait. Leur vie, leur réalité leur appartient ; mais elle est trop souvent abimée et trahie par d’autres personnes’’.
 
La réalisatrice qui est, par ailleurs, une des 4 femmes en compétition au Festival de Cannes, revient ainsi sur sa réaction le jour où elle dit avoir appris la nouvelle de sa sélection à ce festival de Cannes. ‘’C’était un vrai moment d’émotion pour moi quand j’ai appris ma sélection. Parce que cet accomplissement, ce n’est pas quelque chose que j’ai isolé. Cette victoire elle est autant individuelle que collective dans la mesure où je dois cette sélection, cette place, au travail que je fournis depuis des années à bâtir ce film que je suis très fière de venir montrer; mais je pense que je suis aussi là grâce à la lutte d’un certain nombre de femmes qui ont œuvré pour plus d’égalité et de parité entre hommes et femmes’’.
 
L’occasion a été mise à profit par la cinéaste pour parler de ses origines. ‘’J’ai un amour fou pour le Sénégal qui est sans doute irrationnel. Je pense que la raison pour laquelle j’ai le désir de faire le film, c'est à la fois un endroit qui m’inspire immensément, c’est un endroit puissamment ciné-génique et cinématographique, mais aussi je sentais que j’avais des choses à faire. J’ai le sentiment que mon oncle (Djibril Diop Mambéty) a laissé un grand chantier’’.
 
Samedi 18 Mai 2019




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