Après plus de neuf mois d’incarcération, Mouhamadou Ngom, dit Farba, a comparu devant le président du Collège des juges d’instruction du Parquet financier, Idrissa Diarra, en présence d’un substitut du procureur, El Hadji Alioune Abdoulaye Sylla. L’audition, prévue pour être relativement concise, s’est finalement étirée sur plus de quatre heures, entravée par l’état de santé jugé préoccupant de l’inculpé. D’après ses avocats, Farba Ngom peinait à respirer, frôlait parfois l’étouffement et sombrait même dans la somnolence, contraignant le juge à accorder de longues pauses pour lui permettre de reprendre ses esprits et de prendre ses médicaments. Un tableau clinique qui, selon la défense, a profondément marqué le déroulement de cette confrontation judiciaire.
Malgré cette fragilité physique, Farba Ngom a répondu à l’ensemble des questions qui lui ont été posées. Mais c’est précisément la nature de ces questions qui intrigue. Toujours selon L’Observateur, l’audition aurait été essentiellement centrée sur les relations entre Farba Ngom et l’homme d’affaires Tahirou Sarr, coaccusé dans ce dossier explosif. Une orientation qui suscite l’étonnement de la défense : aucune interrogation directe n’aurait porté sur l’infraction de détournement de deniers publics, pourtant au cœur du dossier et fondement de la détention du maire des Agnam.
« Il est poursuivi pour un détournement de 31 milliards de FCfa, et aucune question n’a porté sur le Trésor public », martèlent ses avocats, qui parlent d’une anomalie majeure. Pour eux, cette absence conforte l’idée que les accusations ne reposent pas sur des éléments établis. Me Baboucar Cissé, l’un de ses conseils, est allé jusqu’à qualifier l’infraction reprochée de « chimère », estimant qu’elle ne servirait qu’à justifier une détention prolongée.
Sur le fond, Farba Ngom a été interrogé sur un point précis : a-t-il remporté un marché public ou bénéficié d’un virement du Trésor public ? À ces deux questions, sa réponse a été catégorique : non. Il a même invité le magistrat instructeur à vérifier ses déclarations par voie de réquisitions, affirmant n’avoir jamais eu le moindre lien financier avec le Trésor. « Je ne connaissais même pas où se trouve le bureau du Trésorier général », aurait-il déclaré, selon des sources de L’Observateur, ajoutant qu’il ne disposait ni du numéro du Trésorier général ni de celui du payeur général.
L’audition s’est ensuite focalisée sur les flux financiers relevés par la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif). Le rapport ayant servi de base au réquisitoire évoque notamment quatorze chèques, pour un montant total de 5,3 milliards de FCfa, émis par la société Sofico de Tahirou Sarr au profit de la SCP Tidjania, liée à Farba Ngom par l’intermédiaire de son frère Ismaila Ngom. À cela s’ajoutent douze virements, cumulant 6 milliards de FCfa, enregistrés en juillet 2020 sur un compte de la SCP Doworou, également contrôlée majoritairement par Ismaila Ngom. Pour Farba Ngom, loin de constituer des opérations suspectes, ces mouvements financiers seraient au contraire la preuve de leur parfaite traçabilité. « Si j’avais voulu dissimuler quoi que ce soit, je n’aurais pas utilisé des virements et des chèques entièrement traçables », aurait-il soutenu devant le juge.
Au-delà du binôme Farba Ngom–Tahirou Sarr, l’audition a également abordé les relations supposées avec Amadou Sall, fils de l’ancien président Macky Sall, visé par un réquisitoire supplétif. Là encore, le député-maire des Agnam a nié toute transaction ou relation, affirmant ne connaître ni la société Woodrose ni certaines personnes citées dans le dossier. Des dénégations fermes, consignées selon des sources proches du dossier relayées par L’Observateur.
Poursuivi pour complicité de détournement de deniers publics portant sur 91 milliards de FCfa, ainsi que pour détournement et blanchiment de capitaux évalués à 31 milliards de FCfa, Farba Ngom avait été placé sous mandat de dépôt le 27 février 2025. Transféré depuis septembre dernier au pavillon spécial de l’hôpital Aristide Le Dantec, il a déjà été évacué à plusieurs reprises pour des soins. Son coaccusé, Tahirou Sarr, devrait à son tour être entendu dans les prochains jours