Accords signés avec les syndicats : le Gouvernement pris en flagrant délit de mensonge.

Le 26 février 2022 après pratiquement deux mois de perturbations, le Gouvernement du Sénégal et les syndicats les plus représentatifs ont signé ce que tous les acteurs ont qualifié d’accord historique. Dès lors, l’espoir était permis pour un système éducatif stable au moins pour de nombreuses années. Mais trois mois après, c’est la déception la plus totale. En effet, les augmentations prévues sur les salaires des enseignants n’ont pas été au rendez-vous et les syndicats ont décrété une série de grèves.


Les détails de l’accord du 26 Février...

Dans le cadre de la mise en œuvre des points du protocole d'accord, les deux parties se sont entendues sur 7 points particuliers pour le relèvement de la rémunération des personnels de l'Éducation et de la Formation. Le premier point porte sur la revalorisation de la prime scolaire. Un choix décidé afin d'améliorer le revenu des instituteurs, instituteurs adjoints, maîtres d'enseignement technique et professionnel et maîtres contractuels, la prime scolaire est revalorisée à hauteur de 220%. Elle passe ainsi de 25 000 F Cfa à 80 000 F Cfa. Il est précisé que la mise en œuvre de cette augmentation de 55 000 F Cfa se fera sur un échéancier de 3 ans comme suit : 20 000 F Cfa à compter du 1 mai 2022; 25 000 F Cfa à compter du 1 janvier 2023 et enfin 10 000 F Cfa à compter du 1 janvier 2024. La revalorisation de l'indemnité spéciale d'enseignement occupe la seconde place et représente 50% de la solde indiciaire sur la base de laquelle elle est calculée.

Cette indemnité, selon ledit accord, est passée de 50 à 60% de la solde indiciaire à compter du 1er mai 2022. La revalorisation de l'indemnité de contrôle et d'encadrement pédagogique, d’un montant actuel de 150 000 F Cfa, est revalorisée au taux de 100%. Cet accord qui est le 3e du genre est ainsi doublé et porté à 300 000 F Cfa selon un échéancier de 02 ans, soit : 75 000 F Cfa à compter du 1 mai 2022 ; 75 000 F Cfa à compter du 1 janvier 2023. Ensuite, vient la question de la revalorisation de l'indemnité de recherche documentaire et de surcharge horaire en 4e position. Pour cette indemnité, il est retenu, selon la catégorie, une revalorisation à 114% comme suit : augmentation de 70 000 F Cfa à 150 000 F Cfa pour les professeurs de l'enseignement secondaire (Pes), professeurs contractuels et assimilés; augmentation de 65 000 F Cfa à 140 000 F Cfa pour les professeurs de l'enseignement moyen (Pem), professeurs contractuels et assimilés: - augmentation de 60 000 F Cfa à 130 000 F Cfa pour les professeurs de collège d'enseignement moyen général (Pcemg), professeurs contractuels et assimilés.

Une mesure qui sera mise en œuvre sur un échéancier de 2 ans. Dont 43,75% à compter du 1 mai 2022 et 56,25% à compter du 1 janvier 2023. Le 5e point de ce protocole d’accord porte sur la revalorisation du point indiciaire de 5 points. À ce niveau, le Gouvernement s’engage à augmenter la valeur du point indiciaire des points se traduisant par une évolution de 51,43 F Cfa à 56,43 F Cfa. S’ensuit l'indemnité représentative de logement allouée aux enseignants à compter du 1 mai 2022. La seule indemnité que le gouvernement a accepté de défiscaliser.

Concernant la revalorisation du régime indemnitaire des fonctions dirigeantes et administratives, les deux parties se sont entendues sur la proposition du Gouvernement d'adopter une approche fonctionnelle, en lieu et place de la création de corps des administrateurs scolaires, renseigne ledit protocole d’accord signé. Celui-ci prévoit la mise en place d’un dispositif opérationnel de renforcement de capacités. La revalorisation de l'indemnité versée aux enseignants occupant une fonction dirigeante et administrative, a été retenue…

Par ailleurs, les parties ont réaffirmé leur engagement en faveur des cinq priorités du ministère de l'Education nationale. Il s’agit de ‘’promouvoir un climat social apaisé dans l'espace scolaire; renforcer l'efficience et l'efficacité du système; renforcer les capacités des acteurs pour un meilleur pilotage de la qualité ; assurer à tous un accès à une éducation de base de qualité; systématiser l'éducation aux valeurs’’. Dans cette même lancée, il est évoqué la mise en place d’un dispositif de suivi de l'accord à compter de la date de signature du présent accord. Ce comité de suivi, composé de représentants de la Présidence de la République, du gouvernement, des organisations syndicales représentatives, entre autres, est chargé de veiller à la mise en œuvre correcte dudit accord.

Mais que s’est-il donc passé ?

À la date du 15 Mai 2022, dans un document édité par les services du ministère des finances, le Gouvernement, ayant senti venir des problèmes, a rendu publique une disposition selon laquelle, « Conformément aux dispositions légales et réglementaires, toutes les revalorisations d’indemnités sont fiscalisées exceptée l’indemnité représentative de logement » Au lendemain de la publication de cette note, les syndicats sont montés au créneau pour tirer la sonnette d’alarme et prendre à témoin l’opinion nationale et internationale. Et à l'arrivée, ce qu’ils craignaient s’est confirmé. Les montants versés sur les salaires des enseignants sont de loin inférieurs à ce qui a été indiqué. Il suffit de comparer les déclarations du ministre des Finances Abdoulaye Daouda Diallo relatif à la synthèse des augmentations des salaires des enseignants.

Selon le ministre A. D. Diallo, à travers un document lu, mais non partagé, l’augmentation par catégorie d’enseignants se présente ainsi qu’il suit : pour les inspecteurs simples, l’écart des salaires nets entre les mois d’avril et mai est de 103 690 F Cfa, pour l’inspecteur en fonction, l’écart entre avril et mai est de 179 000, pour les PES (professeur d’enseignement secondaire), l’écart est de 96 474 en augmentation, pour les PES en fonction, l’écart est de 112 943 F Cfa. Pour les PEM (professeur d’enseignement moyen) simple, l’écart est de 107 690 F Cfa, pour le PEM en fonction, l’écart est de 109 423 F Cfa, pour le PCEMG (professeur de collège d’enseignement moyen général) simple, c’est 108 111 F Cfa, pour le PCEMG en fonction, l’écart est de 102 474 F Cfa. S’agissant d’un instituteur simple, l’écart est de 82 031 F Cfa, pour un instituteur en fonction, c’est 125 888 F Cfa. L’instituteur-adjoint simple gagne 46 366 F Cfa de plus et les instituteurs-adjoints en fonction, c’est 72 666 F Cfa. Mais les chiffres de la Direction du budget sont en porte à faux avec ce qui a été arrêté de commun accord, sous le regard des témoins. Dans le tableau 11 intitulé ‘’synthèse des augmentations nettes des salaires des enseignants’’, il est prévu des minimas et des maximas par catégorie en fonction des grades. L’inspecteur doit avoir au moins 204 000, au plus 265 000 F Cfa à la fin du mois de mai. Ce qui est loin des 103 690 à 179 000 indiqué par le ministre.

Dans le tableau, chaque PES doit recevoir une augmentation comprise entre 143 000 et 214 000. Pour les PME, c’est entre 126 639 et 178 000, pour le PCEMG, l’écart se situe entre 124 000 et 164 000 F Cfa. Quant à l’instituteur, il doit avoir au moins 76 942 au plus 128 000 F Cfa, l’instituteur adjoint doit avoir entre 68 510 et 105 000 F Cfa. Le problème, c’est que ce tableau n’a pas été annexé au document portant accords entre Etat et enseignants. Mercredi, le gouvernement a partagé avec la presse le document portant accord, oubliant délibérément l’autre comportant le tableau récapitulatif. Y a-t-il eu un malentendu entre le gouvernement et les syndicats de l’enseignement ? Existerait-il des soupçons sur une volonté cachée de saboter ? Voilà les questions qui méritent d’être posées au moment.

Les syndicats accusent le Gouvernement de non-respect de la parole donnée.

À moins de deux mois du déroulement des différents examens au niveau national, le Cusems et Saemss annoncent une série de débrayages. Ils réclament le respect scrupuleux des termes des accords pris avec le gouvernement. C’est pourquoi ils ont tenu une conférence de presse, ce 25 mai 2022, pour édifier l'opinion nationale sur la situation de l'école sénégalaise. En cette fin du mois de mai 2022, première échéance retenue pour la mise en œuvre du volet financier de ce protocole, la preuve est faite que le gouvernement du Sénégal n'a point honoré ses engagements souscrits en présence de témoins appartenant à la société civile : COSYDEP, Coalitions EPT, A.P.E., CDS/SEF, HCDS.... « Nous demandons à toutes les organisations présentes lors de la signature du protocole d'accord de sortir de leur silence et venir dire la vérité à la population », a déclaré le secrétaire général du Cusems, Abdoulaye Ndoye.

La Direction Générale du Budget (DGB) avait sur instruction du ministre des finances et du budget, Abdoulaye Daouda Diallo, produit un tableau consignant les minima et maxima qui après imposition, devaient s'ajouter sur le salaire de chaque agent lors de la première échéance (Mai 2022) et lors de la deuxième échéance (Janvier 2023). Le CUSEMS et SAEMSS demandent au gouvernement de déposer sans délai les indemnités des enseignants, a-t-il ajouté. Il terminera par dire que tant que le gouvernement n'a pas respecté ses engagements, il n'y aura pas cours dans les écoles, en commençant ce vendredi 27 jusqu'à la fin de la semaine prochaine...Même son de cloche chez tous les autres syndicats membres du G7 qui affirment avec force que l’Etat s’était bel et bien engagé à verser les montants net d’impôts.

« Excepté l’indemnité représentative de logement défiscalisée allouée aux enseignants à compter du 1er mai 2022, toutes les autres indemnités sont fiscalisées. Cela est contenu dans cet accord » Abdoulaye Daouda DIALLO.

Les syndicats de l’enseignement sont dans la rue pour dénoncer un non-respect du protocole d’accord du 26 février dernier. Il s’agit d’une série de débrayages, d’une grève totale, de boycott des évaluations des examens des cellules pédagogiques et des conseils de classe et cerise sur le gâteau, la rétention d’informations administratives. Une série d’actions condamnée par le ministre en charge des Finances et du Budget, Abdoulaye Daouda Diallo. Celui-ci dit ne pas comprendre l’empressement des syndicalistes à déterrer la hache de guerre sans même avoir attendu de percevoir leur bulletin de salaire. Les syndicalistes qui disent avoir constaté que les augmentations tant attendues sur leurs salaires n’étaient pas effectives, reprochent à l’État d’avoir effectué des retenues sur leurs revenus mensuels ont été recadrés par le ministre Abdoulaye Daouda Diallo. Ce dernier a demandé aux enseignants d’attendre de percevoir leurs bulletins de salaire pour relever les points respectés et ceux non respectés, avant de monter au créneau. Le ministre a profité d’une conférence de presse, ce mercredi 25 mai 2022, pour déplorer les actes posés par lesdits syndicalistes après l’accord signé entre l’État et eux. ‘’Excepté l’indemnité représentative de logement défiscalisée allouée aux enseignants à compter du 1er mai 2022, toutes les autres (indemnités) sont fiscalisées. Cela est contenu dans cet accord’’, a précisé le ministre. Il s’agit des indemnités relatives à la prime scolaire ; celle dite spéciale d’enseignement ; de celle de contrôle et d’encadrement pédagogique ; de celle de recherche documentaire et de surcharge horaire ; mais aussi la revalorisation du point indiciaire de 5 points. Ce sont donc 7 points de ce protocole d’accord dont le gouvernement dit avoir tous ‘’scrupuleusement, respectés’’. C’est ‘’un effort financier sans précédent qui a été fait en faveur des enseignants. Cette augmentation ne concerne que 2022-2023. À partir du 1e janvier 2024, d’autres augmentations suivront’’ a précisé le ministre Abdoulaye Daouda Diallo.

Ce dernier d’ajouter « par principe un revenu a vocation à être fiscalisé. Sous ce rapport, il est clairement indiqué que les montants qui font l’objet d’une augmentation ne sont pas exemptés d’impôt’’. Il a précisé en outre, qu’un impôt au Sénégal ne peut dépasser 43% du revenu. Et c’est le montant le plus élevé. Donc, en aucune façon un enseignement ne peut être imposé à ce niveau (50%), c’est impossible’’, a déclaré le ministre. Objectivement, poursuit-il, « pour ce qui concerne le gouvernement rien n’a été omis concernant les termes de ce protocole d’accord signé avec les syndicalistes, a-t-il souligné avec ‘’beaucoup de regrets’’. Des regrets parce que d’avis qu’il d’avis que « le bon comportement aurait voulu que les syndicalistes de l’enseignement attendent de recevoir des salaires pour apprécier. Jamais dans l’histoire syndicale du Sénégal on a eu à enregistrer une telle augmentation de salaire. Tout ce qui sera encore dans nos possibilités de prendre en charge les éléments d’amélioration du système éducatif, on va le faire. Le dispositif suivi de l’accord mis en place, il fallait attendre la sortie des bulletins de salaire et des paiements des soldes pour pouvoir apprécier la situation et voir s’il y a des points non respectés. » a conclu ADD.

« Cette question avait reçu une réponse claire de la part du gouvernement qui confirmait que les montants indiqués dans le tableau présenté étaient les nets d’impôts » (COSYDEP)

Lors des négociations entre le gouvernement et les syndicats d’enseignants, la Cosydep et d’autres organisations de la société civile, faisaient partie des organisations ayant joué le rôle de témoin et de facilitateur. Ainsi, lorsque la polémique est née entre les deux parties, l’organisation dirigée par Cheikh Mbow a tenu un point de presse, ce jeudi 26 Mai 2022, pour clarifier les choses. Dans un document rendu public, il ressort clairement que c’est le gouvernement qui a tout faux. « Durant toutes les plénières, notamment la dernière qui a duré près de 15 tours d’horloge, les syndicats n’ont cessé de demander au gouvernement de préciser le net à percevoir après toutes les opérations fiscales. Cette question avait reçu une réponse claire de la part du gouvernement qui confirmait que les montants indiqués dans le tableau présenté étaient les nets d’impôts », indique Cheikh Mbow, directeur exécutif de la Cosydep.

Autrement dit, c’est l’Etat qui n’a pas respecté ses engagements, malgré les dénégations du gouvernement, à travers quelques ministres sous la houlette d’Abdoulaye Daouda Diallo. Sur la base du rappel ci-dessus, « la COSYDEP lance un appel pour le respect scrupuleux des accords au risque de perturber l’espace scolaire, d’entraver le déroulement normal des évaluations ou de mettre mal à l’aise les partenaires, facilitateurs et autres bonnes volontés », ajoute Cheikh Mbow. Ce dernier assure avoir tenté de mener une médiation quand la crise a éclaté, ce qui explique son silence durant les premiers jours. Mais face à l’échec de cette médiation, la Cosydep se trouve dans l’obligation de témoigner pour l’éclatement de la vérité.

Des pistes de sortie de crise

L'organisation pense que ce n’est pas le moment de replonger l’école dans une crise. De ce fait, elle rappelle à l’Etat l’importance de respecter ses engagements dans ce contexte. Et toujours selon l’organisation syndicale, « des solutions de sortie de crise existent et c’est prévu dans le protocole d’accord ». En effet, à la signature de l’accord il était prévu la mise en place d’un comité de suivi. Ce qui malheureusement n’a été mis en place que deux mois après la signature et attend toujours d’être institutionnalisé. Ce comité de suivi aurait pu, s’il avait été mis en place anticipé sur tous les malentendus notés cette semaine. C’était à ce comité, cadre d’échange et de concertation, de réunir les acteurs autour d’une même table. En outre dans les accords, le gouvernement s’était engagé au « traitement et la correction des manquements par émission spéciale au besoin. ». C’est dire donc qu’il est encore possible de sauver l’année scolaire. Mais il faut pour cela que le Gouvernement reconnaisse ses erreurs et s’engage à les réparer. Et c’est le chef de l’État qui est personnellement interpellé.
Vendredi 27 Mai 2022




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