DAKARACTU.COM - Ce 19 juillet, un des proches collaborateurs du chef de l’Etat, Abdoulaye Wade, m’a appelé pour me dire qu’il voulait me rencontrer. Nous nous sommes retrouvés dans un café du centre-ville de Dakar. Après les salamalecs d’usage, il m’a fait les confidences que voici : « Le président est très fâché contre Madické. Je me demande même s’il ne va pas le limoger. Non seulement le limoger mais également le poursuivre sur la base d’un rapport rédigé au moment où il était ministre de l’Energie. Madické a publiquement foutu la honte à Ablaye Wade en allant faire écrire à un journaliste que le président a été snobé par le roi d’Arabie Saoudite qu’il voulait rencontrer. » « Qu’est-ce qui prouve que c’est lui qui l’a fait ? », me suis-je permis de l’interrompre. Réponse de mon interlocuteur :« Le président dispose d’un enregistrement de sa conversation avec le journaliste. Un enregistrement extrêmement précis. Pour te dire que la discussion a été longue, il y a même un moment où Madické dit au journaliste de ne pas quitter et de lui donner un instant pour uriner. » Ma « source » m’a quitté en insistant fortement pour que je « traite la question sur dakaractu.com ». J’ai accepté de le faire.
Chose promise, chose due. Après vérifications et recoupements, conformément aux règles régissant la déontologie du journalisme, je me suis rendu compte que la réalité est beaucoup plus complexe que ce que mon informateur du palais a voulu me faire écrire. Que s’est-il réellement passé ?
Suite à la une « le roi Abdallah snobe Wade » du quotidien L’As, un très proche collaborateur du chef de l’Etat lui a exhibé le journal avec ce commentaire : « Vous avez vu ce que Madické a fait écrire ? La preuve enregistrée existe que c’est lui qui l’a fait. » Abdoulaye Wade a aussitôt convoqué son ministre des Affaires étrangères. Et lui a lancé : « Je t’ai toujours fait confiance. Mais je dois te dire que je suis très touché de lire que le roi saoudien m’a snobé. Fais attention à ce que tu dis avec la presse. On me dit que tu as été enregistré. » Avant de s’entendre répondre : « M. le président, je n’ai rien dit à aucun journaliste. Aucun enregistrement n’existe. Celui qui prétend en détenir un n’a qu’à l’amener pour qu’on l’écoute. Et puis, franchement, comment puis-je dire à un journaliste que j’ai mené un lobbying qui s’est terminé par le fiasco ? L’article en question s’attaque plus à moi qu’à vous. Il me traite d’incapable. » Si cette dernière remarque a convaincu Wade de la bonne foi de Madické, ce dernier est sorti du bureau du chef de l’Etat avec la désagréable sensation d’être perçu comme déloyal. Sans attendre, il a rencontré Karim Wade, fils et ministre d’Etat de son président de père. Et lui a dit : « Je me sens blessé de constater que quelqu’un a emmené le président à douter de ma loyauté. Tu as les moyens de vérifier la véracité ou non de ce dont on m’accuse. Je te demande de tirer cette affaire au clair et d’informer le président de ce qui s’est réellement passé. » A en croire un proche de Karim Wade, ce dernier a procédé à certaines vérifications, puis s’est rendu au domicile de son homologue du gouvernement pour lui dire : « Toute cette affaire est montée de toute pièce. Le président en est convaincu. Personne n’a pu lui fournir le fameux enregistrement qui te compromette. » Sans réussir à rassurer totalement son interlocuteur qui a subi un autre coup dur.
En déplacement à Touba le jour du soulèvement populaire du 23 juin, pour rencontrer le khalife général des mourides, Madické Niang s’est vu accuser d’avoir tenté de fuir. Parti à 14h 30 par hélicoptère et revenu à 18h 30, alors que plusieurs quartiers de Dakar continuaient à brûler, il a mal vécu d’avoir été soupçonné de quitter le navire en pleine tempête.
A quoi sont dues ces attaques répétées contre Madické Niang ? A l’atmosphère qui règne dans l’entourage présidentiel, aujourd’hui en proie à un violent jeu de massacre et à une impitoyable guerre de succession. Madické Niang est d’autant plus dans la ligne de mire qu’il est trop proche du chef de l’Etat. Cet avocat de métier a défendu Abdoulaye Wade pour la première fois en 1985, alors que ce dernier était dans l’opposition. En 1991, Wade a fait de lui un conseiller officieux lorsqu’il est entré dans le gouvernement de majorité présidentielle élargie d’Abdou Diouf. Puis ils ont fait front ensemble lors de l’affaire Me Séye puis des événements du 26 février 1994. Pour avoir été à ses côtés au cours de toutes ces épreuves, l’avocat a une histoire commune très intense avec l’actuel chef de l’Etat. « Madické est plus qu’un ami, c’est le petit-frère que je n’ai pas eu », a dit Abdoulaye Wade à son fils. Est-ce pourquoi Karim Wade respecte et écoute le ministre des Affaires étrangères ?
Abdoulaye Wade et Madické Niang se voient et se téléphonent plusieurs fois par jour, s’enferment plus qu’à l’accoutumée depuis le soulèvement populaire du 23 juin. Ce qu’ils se disent intrigue. Une telle position dans l’épicentre du pouvoir place l’ex-avocat dans le viseur de ceux qui aspirent à plus d’espace dans la cour et de ceux qui lorgnent le trône vu l’âge avancé de son occupant.
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