Abattage de l’hippopotame de Kédougou : Le Gouverneur William Manel, a-t-il outrepassé ses prérogatives ?


Abattage de l’hippopotame de Kédougou : Le Gouverneur William Manel,  a-t-il outrepassé ses prérogatives ?
Le Dimanche 31 Mars 2019 aux environs de 5 h du matin, les populations de Kédougou ont aperçu un hippopotame vers la mare de Dalaba longeant les habitations de ce quartier et celui des quartiers de Compagnie et de Dinguessou.
L'animal a causé beaucoup de dégâts dans les maisons où il cherchait refuge. Mais vu de la foule qui s’agrandissait, l’animal  a été perturbé et paniqué. Malgré la présence des forces de défense et de sécurité, l'hippopotame va perturber la quiétude de la ville jusqu'à ce qu'il tombe dans une fosse septique d'où il ne pouvait plus sortir.
C’est dire donc que l’animal était devenu totalement inoffensif et ne constituait plus une menace pour les populations. Pourquoi donc l’avoir abattu ? 
Interpellé sur la question, le commandant Moussa Ndour,  responsable de la Zone d'intérêt Cynégétique (ZIC) de la Falémé et chef de la Faune de Kédougou, a tenu à préciser que la décision d'abattage de l'hippopotame, n'était nullement l'intention des autorités en charge de la question, mais elle est due à un manque de moyens matériels auquel le service fait face pour immobiliser l'animal, car dans des situations pareilles la première option à faire c'est de neutraliser l'animal, mais malheureusement dira-t-il à Kédougou, il  ne dispose pas de neutralisants. Ainsi il s’en est référé à l’autorité administrative, le Gouverneur de la Région  de Kédougou, M. William Manel en l'occurrence, qui aurait  donné l’ordre d’abattre l’animal et de l’enterrer. Les autorités ont ainsi fait appel à un chasseur du nom de François, Directeur du campement le Relais, qui a abattu l'animal de 5 balles de calibre 375 à la tête. Suffisant pour susciter l’indignation et la colère de toute une population et des amis de la nature. Tous sont conscients que c’était ni la meilleure décision, ni celle voulue par les populations qui étaient tristes face à l'horreur du jour. 
Dès lors, la question qui se pose est de savoir si le Gouverneur de région avait pris la bonne décision ? Tous semblent dire non, d'autant que les raisons avancées par le Commandant  Ndour ne tiennent véritablement pas la route. Si dans toute la région, il ne disposait pas de neutralisants, il ne manque tout de même pas  à Kédougou de filet pour capturer l’animal, qui rappelons-le était déjà pris au piège, et le ramener dans son fleuve au lieu de l’abattre, surtout devant des enfants. Appartenait-il au gouverneur de région de prendre une telle décision ? Sur cette question la loi et les textes sont clairs. L'Hippopotame est un animal protégé donc lui occasionner la mort ou lui infliger des blessures sans nécessité est un délit réprimé par la loi. Son abattage obéit donc à un protocole préétabli et à une lecture profonde du droit pénal, notamment des causes d'exonération de la responsabilité pénale. Au-delà des considérations d'opportunité de la mesure, il se pose un problème de légalité. Seule l'autorité judiciaire pouvait prendre une telle décision et sur cette situation d'urgence agir. À priori, c'est le Procureur de la République du ressort de Kédougou qui pouvait autoriser la mise à mort de l'animal, après avoir apprécié la situation et  conclure à pareille nécessité. Ce qui aurait exonéré le tireur de toute responsabilité pénale. En fait, dès qu'il y a dans une situation les contours d'une infraction pénale, l'autorité judiciaire demeure la seule compétente, l'autorité administrative étant éjectée. C'est dire que le Gouverneur de la région de Kédougou, aurait fauté. 
Selon l’avocat Me Bamba Cissé « si cet hippopotame a été abattu alors qu’il était coincé dans une fosse septique à Kédougou, ce sont alors des faits extrêmement graves qui méritent l’ouverture d’une enquête pour que les auteurs soient traqués. L’hippopotame est une espèce intégralement protégée au sens du code de la protection de la faune qui, en son article 27 in fine, prévoit des peines allant « de 1 à 5 ans pour quiconque abat volontairement des espèces intégralement protégées sans permis scientifique. En tout état de cause, il faut nécessairement qu’une enquête soit ouverte sur ces faits... »
Lundi 1 Avril 2019




Dans la même rubrique :