AN 19 LE JOOLA / ENTRETIEN AVEC … Ely Bernard Diatta « Il reste trois points sur les sept et l’autorité est dans les dispositions de faire des efforts »

C’est lui qui avait surpris plus d’un lors de la commémoration du naufrage du Joola en 2019 avec un discours rentré dans les annales. Il s’appelle Ely Bernard Diatta, chargé des Affaires juridiques de l’association des familles de victimes du naufrage du bateau "Le Joola", et il avait perdu son frère. Un discours qui avait ému tout le monde et provoqué la tenue d’un conseil des ministres sur le naufrage, suivi d'actions concrètes de l’État du Sénégal. 19 ans après, que reste-t-il du naufrage ? Dans cet entretien, il est revenu sur les acquis de la longue lutte de l’association. Car sur les sept points, il ne reste que trois à satisfaire et l’autorité est sur le point de faire des efforts sur ces points restants. Mais toutefois, il attire l'attention de l’État sur le suivi psychologique car il est en train de faire des ravages auprès des familles.


« Cette phase de réinsertion socio-professionnelle est la plus importante à travers une discrimination positive de l’État »

Depuis ces trois dernières années, le dossier a grandement avancé et la problématique liée au décret d’application de la loi 2006 a été solutionnée. Les orphelins majeurs laissés en rade établis à Ziguinchor ont reçu pas plus tard avant-hier des chèques symboliques. Mais le recensement va continuer pour retrouver les autres. De surcroît, des dispositions ont été prises par l’État pour l’insertion de ces orphelins dans le circuit socio-professionnel. C’est cette phase qui est la plus importante du dossier. Parce que leur remettre 1 milliard ne pourra pas remplacer les victimes. Le problème du Joola n’est pas un problème d’argent, mais un mal qui est au fond de nous que nous essayons d'extérioriser parce qu’on veut revenir à la normale comme tout le monde. Cette phase de réinsertion socio-professionnelle est la plus importante à travers une discrimination positive que l’État nous a proposée pour les insérer dans le tissu socio-économique et aussi à travers le programme kheyu Ndaw gni. Il y a 371 orphelins recensés parmi ceux qui étaient laissés en rade ; mais le recensement va continuer.

« Au départ nous avions sept points mais aujourd’hui, il ne reste que trois points et l’autorité est dans les dispositions de les solutionner »

Il y a le renflouement de l’épave, la prise en charge psychosociale et la vérité qui est la justice qui restent. La problématique qui est liée à l’entretien des cimetières, le chef de l’Etat va dégager dix millions de francs CFA pour entretenir tous les cimetières du Joola qui est une étape importante pour nous, familles des victimes. Moi qui vous parle, c’est en 2002 que j’ai compris l’importance d’un cimetière. Quand le dossier n’avance pas on va le dire, mais quand ça marche, il faut le dire. Au départ nous avions sept points mais aujourd’hui, il ne reste que trois points et l’autorité est dans les dispositions de les solutionner et nous ne pouvons qu'apprécier.

Nos remerciements à toutes les autorités qui ont pris à bras le corps ce dossier

Nous disons merci au Chef de l’État, mais aussi à la ministre Aminata Assome Diatta. Elle est en train d’abattre un travail phénoménal pour les familles des victimes. Elle a été reconduite marraine de l’association, mais aussi maman des orphelins du Joola. Je vous dis, depuis 18 ans, on cherchait une femme de cette trempe qui pourra accompagner le dossier, c’est récemment que nous avons trouvé cette bonne dame sur notre chemin. Nous disons merci au maire Abdoulaye Baldé, au gouverneur qui a contribué à faire avancer le dossier, aux femmes du bois sacré, à son excellence Paul Abel Mamba Diatta et le Clergé catholique qui a inscrit le dossier du Joola dans son calendrier liturgique, à toute la communauté musulmane, … Nos remerciements à toutes les autorités qui ont pris à bras le corps ce dossier

Il y a une situation de traumatisme qui est en train de décimer les familles et moi je suis malade

Moi Ely qui vous parle, je suis malade comme tous les membres de l’association. Il y a une situation de traumatisme qui est en train de décimer les familles. Ce traumatisme se manifeste sous des formes variables. Ça dépend de la personne. Il y a deux ans que j’ai commencé à ressentir l’effet du Joola. Certains, c’est en 2002 qu’ils l’ont senti et ça continue,  par contre d’autres pas encore. C'est selon.

Le renflouement va permettre à leurs âmes de se reposer et de nous libérer

Le renflouement va nous libérer, il va nous permettre de faire le deuil, de nous comporter comme tous les Sénégalais. Il va permettre à ces victimes qui sont dans l’eau, qui ne cessent de se manifester à l’endroit des familles pour nous supplier de les tirer de l’eau pour permettre à leurs âmes de se reposer définitivement sur terre. Ça va libérer les esprits, ça va libérer toutes les familles des victimes. Ce phénomène est un ressenti.

Le dernier mot

On doit vivre le Joola au quotidien. Il doit être enseigné dans les universités, dans les écoles, sensibiliser toute la population sur un bon comportement et à une introspection. L’autorité nous a dit qu’il y a beaucoup de jours fériés. Et c’est compréhensible. Par contre, à l’image du World Trade Center aux États-Unis, le 11 septembre, on peut marquer une journée de pause sur toute l’étendue du territoire, ça fera du bien, et ça permettra aux populations de se rappeler. 
Samedi 25 Septembre 2021




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