A l’heure de l’Emergence des Economies Africaines : Rentabilité des grands projets et compréhension des facteurs déterminants du Coût Moyen Pondéré du Capital (CMPC)


 A l’heure de l’Emergence des Economies Africaines :  Rentabilité des grands projets et compréhension des facteurs déterminants du Coût Moyen Pondéré du Capital (CMPC)
L’objectif de cette contribution est de présenter les enjeux conceptuels liés à la détermination complexe du Coût Moyen Pondéré du Capital (CMPC) dans le contexte sous régional voire régional ouest africain, et surtout l’impact qu’il pourrait avoir sur la rentabilité des grands projets d’infrastructures du continent.
 
Ainsi l’objet de cette contribution n’est guère de décliner les principes, les méthodes et les outils utilisés pour le calcul du CMPC mais simplement de rappeler l’importance de disposer d’un taux d’actualisation approprié afin de garantir aux grands projets d’infrastructures une rentabilité et une pérennité  conséquentes.
 
Dès lors, il convient de noter que la théorie financière du risque et de la détermination du coût du capital a été conçue pour l’essentiel dans les pays développés, sans prendre véritablement en compte la dimension socioculturelle et la spécificité des pays africains qui présentent un contexte différent.
 
Dans une perspective d’émergence, une voie dans laquelle la plupart des pays africains se sont engagés à travers de vastes plans d’ensemble de projets et programmes, il est important de pouvoir le mesurer dans le but de mieux maîtriser l’impact du coût du capital qui peut fortement affecter la rentabilité attendue de ces projets et programmes.
 
D’une manière générale, pour assurer la mise en place des financements nécessaires à l’exploitation des grands projets d’infrastructures, les bailleurs devraient être convaincus que le projet est avant tout techniquement faisable, économiquement viable et  répond à l’orthodoxie  financière et bancaire.
 
Sur ce dernier point, l’établissement de la faisabilité technique présuppose d’abord d’apporter la démonstration que la construction du projet s’effectuera selon le calendrier proposé au sein du cahier des charges et à l’intérieur de l’enveloppe budgétaire validée. Ensuite que le projet pourra produire suffisamment de cash de manière optimale une fois mis en exploitation afin de rémunérer les actionnaires.
 
S’agissant de la viabilité économique, le projet devra faire montre de sa capacité à générer des cash-flows en volume assez conséquents pour absorber l’intégralité des charges liées aux remboursements des intérêts consentis ainsi que des revenus significatifs dans l’hypothèse d’un retournement de marché ou de l’avènement de circonstances défavorables.(Crise institutionnelle , guerre, catastrophes naturelles.).
 
  1.  La phase d’analyse des risques est donc cruciale
La règle qui prévaut révèle que les banques n’apportent pas de fonds à un quelconque projet à la seule condition que ce dernier soit viable en permanence car  la difficulté à cet égard est que le projet ne peut naturellement se prévaloir d’une quelconque historicité. Pour cette raison bien comprise, les banquiers veilleront à transférer les risques financiers du marché à des tiers par le biais de conventions juridiques nouées avec des compagnies d’assurance ou de réassurance.
 
 
*         Coût du capital : un concept de sélection de projet et d’évaluation des actifs 
Dans le calcul du coût moyen pondéré du capital, nous nous fondons sur l’hypothèse que le rendement des actifs dépend du niveau de risque de ceux-ci.  Autrement dit, le rendement qu’exige un bailleur donné lorsqu’il investit un montant selon sa parité dans un projet est une fonction du coût du capital est un bon indicateur du degré de risque perçu par le marché ou le projet pour les capitaux investis.
 
Mieux connaître et fixer le coût capital avec exactitude permet de déterminer le taux de rendement requis pour l’actualisation des cash-flows du projet. Le rendement exigé par les investisseurs d’un projet donné dépend largement du taux d’actualisation utilisé qui doit rémunérer le temps et le risque. Plus le taux d’actualisation est élevé, moins les flux attendus du projet sont faibles et plus les délais de récupération des capitaux sont éloignés.
 
En Afrique, le coût du capital est souvent problématique; il  entraîne des délais de récupération des capitaux assez longs et induit de longues  durées de concessions ou contrats. Il est alors important et judicieux de  maîtriser davantage le coût du capital pour mieux garantir aux projets des rendements escomptés et prétendre obtenir des concessions ou  des contrats  avec des  durées raisonnables. La formule suivante se décline ainsi est la mieux utilisée pour analyser l’impact du coût moyen pondéré du capital:

 
 
 
 
 
 
Le CMPC est important  à plus d’un titre dans la mesure où il permet d’actualiser les flux ou cash-flows futurs d’un projet ou d’une entreprise permettant ainsi de mesurer la création de la valeur ajoutée et de richesse en termes d’ingénierie financière pour un projet donné, équivaut à générer une rentabilité économique supérieure au coût du capital engagé après impôts.
 
Le coût du capital s’avère ainsi être un concept voire un bon indicateur de performance dans les choix de décisions d’investissement et de financement. Dans la plupart des pays émergents africains, si le recours à un coût du capital pertinent reste très marginalisé, il est important de noter qu’en absence du critère en occurrence coût du capital, la décision d’entreprendre un projet d’investissement ou d’appréhender la valeur d’une entreprise, peut présenter des risques considérables. Bon nombre de projets entrepris sur le continent africain échouent et continuent encore de connaitre un taux d’échec assez élevé  en raison de critères  incontournables non pris en compte  aussi bien dans les études de faisabilité que dans la mise en œuvre.
 
  1. Risques liés au rendement des fonds propres
Le rendement des fonds propres investis dans un projet s’obtient à partir de la formule dite modèle d’équilibre des actifs financiers (MEDAF) qui  met en évidence deux éléments déterminants qui sont le béta et la prime de risque pouvant être écrite ainsi:
 
 
 
 
 
En pratique, ces données financières (essentiellement en ce qui concerne la prime de risque et le béta des marchés financiers des pays émergents et africains dits immatures), soulèvent d'énormes difficultés car elles sont souvent incomplètes, très volatiles, de court terme et d'une précision parfois discutable.
Cependant, il est à la fois indispensable et primordial de déterminer, à l’avance, le taux de rendement exigé par les investisseurs avant de pouvoir calculer la valeur actuelle nette d’un projet et prendre une décision par rapport à l’acceptation ou au rejet de celui-ci.
 
Dans cette optique,  il est primordial de se baser sur des données financières exactes et précises pour le calcul du CMPC susceptible d’engendrer une valeur actuelle nette qui prendrait en compte les différents paramètres requis. Si un bon nombre de Pays africains tendent aujourd’hui vers l’émergence économique et le développement durable à travers un management de projet innovant et performant, il est incontournable que les différents Etats s’orientent et s’engagent, à la fois, vers une meilleure estimation des paramètres financiers utilisés dans les calculs liés incidemment à la détermination du coût du capital pouvant garantir un taux de succès élevé du projet.
 
 
2.1 Le béta ou vers un bêta local:
Dès lors, toute la question est de savoir comment définir une mesure précise à partir des marchés financiers africains d’autant plus que pour les investisseurs censés évaluer ces projets d’investissements, les enjeux sont extrêmement importants. Le problème est d’autant plus complexe que les différents pays de la sous-région voire même du continent ne sont pas homogènes du point de vue du risque.
 
Si certains pays présentent une stabilité politique et économique (Sénégal par exemple) au sein d’un marché financier sous régional (BRVM), d’autres, par contre, présentent en revanche un niveau de risques assez avancé. Bien évidemment, cette hétérogénéité au sein même des blocs sous- régionaux limite la capacité à élaborer un cadre méthodologique approprié permettant d’évaluer avec précision les actifs à partir du modèle d’évaluation des actifs financiers, du fait de la volatilité du bêta et de l’ambigüité liée à la détermination de la prime de risque.
 
Le bêta ainsi peut être calculé avec un indice local ou un indice international en se basant sur la zone économique de référence et de l’hypothèse en termes de segmentation des marchés. Si on admet que les marchés financiers sont segmentés, on peut dès lors  calculer le bêta avec un indice local de la (BRVM). Dans l’hypothèse d’une globalisation des marchés, le bêta doit être calculé avec un indice international qui, peut-être, ne tiendra pas en compte les réalités locales. Bien évidemment, en fonction du mode de calcul retenu, la valeur du bêta peut présenter des différences importantes qui peuvent impacter le taux de rendement des actifs qui, à son tour, peut impacter sur le coût du capital qui, à son tour peut affecter la rentabilité des projets.
 
En résumé, les marchés financiers dits immatures englobent essentiellement les marchés africains et ceux des pays émergents se décrivant et se caractérisant par la volatilité très élevée de leurs rendements.
Ces marchés sont dans la plupart des cas, en faible corrélation avec les marchés développés. Cette situation rend souvent les estimations basées sur les rendements historiques dans ces marchés financiers aussi complexes que problématiques.
 
2.2 La prime de risque 
Tout d’abord, la théorie financière éprouve des difficultés à intégrer dans un même modèle, l’ensemble des risques financiers (change, économique, politique, etc.) pour déterminer la prime de risque. La prime pays est définie comme étant le risque de défaut du pays mesuré par une agence de rating, de la volatilité et du marché actions et des obligataires du pays en question. Cette prime de risque pays pourrait avoir un impact sur le taux de rentabilité exigé en fonction de l’importance des ressources financières engagées ; cet impact étant une fonction de la taille du projet.
 
Si celui-ci est de faible taille, son impact sur le taux sera alors moindre. Par contre, si le projet est conséquent, gourmand en cash et exige un investissement lourd, l’impact peut être considérable. Ainsi, pour une meilleure estimation de la prime de risque, du fait de la très grande diversité des pays africains et le risque politique très important qui prévaut dans certains pays, il serait judicieux d’intégrer une prime de risque politique. Ce faisant, la meilleure mesure possible de ce risque dans un pays africain donné serait le «spread souverain», et non pas la volatilité de la bourse sous régionale ou locale composée de pays à degré de risque variable.
 
  1. Risques liés aux taux élevés de la dette 
Le coût du capital pose un énorme problème à l’ensemble des pays émergents et surtout aux pays africains, en particulier. Si dans la plupart des pays développés les taux d’intérêts sont raisonnables, par contre, en Afrique, le loyer de l’argent peut facilement engendrer des taux bruts avec des records, vertigineux qui peuvent facilement dépasser les 12%.  Ces taux élevés plombent d’abord la rentabilité et le développement des entreprises du continent, occasionnant au passage un taux de mortalité assez élevé chez la catégorie des plus vulnérables que sont les PME/PMI.
 
Cependant, ces taux à deux chiffres ne sont pas sans conséquences car ayant un impact sur la rentabilité des projets d’infrastructures induisant des délais de récupération des capitaux investis souvent trop longs. Dès lors, il urge de constater que le coût de capital en sa composante «taux de la dette» est un des facteurs de frein qui atténue la rentabilité des projets africains de par les intérêts très élevés exigés  par les prêteurs, synonymes de charges financières qui affaiblissent et inhibent les cash-flows disponibles de ces derniers.
 
Si dans les économies dites développées, la méthode du CMPC est souvent  utilisée pour déterminer le taux d’actualisation des flux attendus du projet, en revanche, dans les pays émergents, notamment africains, cette méthode présente de sérieuses limites du seul fait d’un manque de précision des informations financières disponibles collectées auprès des différents marchés financiers. Dans le cas d’un financement hybride, la composition du capital ou l’investissement initial devient plus complexe alors, on  se heurte alors à des obstacles dans la tentative d’y extraire un taux approprié pour actualiser les flux du projet.
*         L’adoption d’une Valeur Actuelle Nette (VAN) ajustée 
Dans la plupart des grands projets entrepris en Afrique, les devises sont exprimées soit en dollar ou en euro alors que la monnaie locale est le Franc CFA dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest, par exemple.  Cela pose un problème lié au taux de change. Concernant ce risque de change,  nous savons que le taux d’actualisation est fonction de la devise dans laquelle sont exprimés les cash-flows des projets à entreprendre. Si les cash-flows  générés par les projets situés dans la zone CFA sont en monnaie locale, il est alors nécessaire de définir pour l’investisseur étranger un équivalent dans sa propre monnaie soit en dollar soit en euro. Ces futurs cash-flows anticipés, évalués dans la monnaie étrangère, devraient plutôt être actualisés au taux de l’investisseur étranger et non au coût du capital de la zone franc ouest africaine.
 
Ainsi, cette valeur nette actuelle ajustée intégrant plusieurs paramètres fiables (coût des fonds propres, coût de la dette et taux sans risque) pourrait s’avérer être un outil pertinent puisque très intégrateur et permettre  de prendre en compte l’ensemble des risques potentiels pouvant être liés aux calculs du (CMPC). Ces différentes spécificités pourraient pallier aux nombreux problèmes de mesure qui apparaissent dans la détermination du taux d’actualisation des projets aussi bien en Afrique que dans les pays émergents.
 
  1. Vers une Technique du Financement de Projet «SPV» Innovant
Il est donc admis que l’innovation dans ce sens peut constituer un facteur de survie et de rentabilité dont va dépendre un bon nombre de projets dont les mécanismes de financement deviennent de plus en plus complexes et hybrides. Pour mieux maitriser des paramètres liés aux calculs du coût du capital, la disponibilité d’informations financières précises est plus qu’indispensable.
 
Pour le moment le déficit de données et d’indices constitue une problématique qui limite la capacité d’élaborer un cadre méthodologique permettant d’évaluer le risque relatif au coût du capital en Afrique, en général.  Ensuite, la recherche en Finance et la composition des marchés financiers africains encore dits immatures ne permettent pas,  à l’heure actuelle, de concevoir  des mesures de risques assez précises et sophistiquées intégrant le coût du capital, ce qui peut être considéré comme une limite. Des travaux de recherches sont indispensables et auront pour fruits de permettre aux différents pays de la zone de  bénéficier d’un quelconque avantage en matière de coût du capital du fait de la diversification géopolitique de leurs investissements.
 
Selon le modèle d’équilibre des actifs financiers (MEDAF), l’investisseur ne doit être rémunéré que pour le risque systématique car le risque spécifique peut être éliminé par diversification.  Ainsi, en fonction du niveau de risque systématique intégré dans un projet, ce dernier est plus ou moins risqué à condition que le bêta soit calculé avec un indice local ou un indice international de l’hypothèse que l’on fait quant-à la segmentation des marchés. En effet, de nombreux projets en Afrique échouent en raison d’une politique de gestion des risques presque inexistante. Il est donc essentiel pour les pays africains de s’orienter vers l’utilisation d’un  CMPC adéquat. Ce taux équitable, utilisé pour actualiser les futurs cash flows des grands projets pourrait ainsi permettre de minimiser et les risques et les délais de récupération des capitaux qui sont souvent assez longs et synonymes de concessions de longue durée.
 
  1. Conclusion
Pour mieux maitriser les aspects liés à ce risque de coût de capital, l’Afrique de l’Ouest en général et le Sénégal en particulier doivent anticiper et mettre en œuvre une recherche sur le degré de pratique des taux dans la zone monétaire ouest africaine qui soient supportés et appuyés par des facteurs explicatifs et une politique d’harmonisation solide.  Bien évidemment que pour le moment le déficit de données et d’indices constitue une sérieuse limite quant à la capacité pour les pays concernés d’élaborer un cadre permettant de minimiser les risques inhérents au coût du capital.
 
 Ensuite, le niveau national voire sous-régional de la recherche en Ingénierie Financière et la composition des marchés financiers africains ne permettent pas à l’heure actuelle de concevoir des mesures de risque rigoureuses et pertinentes intégrant un calcul adéquat du coût du capital, ce qui peut  être considéré comme une seconde limite.
Dés lors des recherches  de qualité sur les «Bonnes Pratiques» appliquées aux problématiques du coût du capital et ayant pour finalité de fournir une vaste gamme d’outils sophistiqués en ingénierie financière de projets et programmes adaptée au contexte africain, s’avère être une démarche rigoureuse pour remédier aux difficultés évoquées et garantir aux projets et programmes, une forte rentabilité.

Pr Hamdouraby Sy, Ph.D, Professor of Risk Management (CASR 3PM ACADEMY)
 
M Edmond Victor Emmanuel Habib Kamby
Ph. D Doctorant (CASR 3PM ACADEMY), en Modélisation et Ingénierie Financière de Grands Projets

 
 
 
 
Vendredi 13 Janvier 2017




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