​Reportage à Kobokhoto, chez l’orpailleur assassiné à Bokhody : « En tuant Yamadou, ils nous ont appauvri davantage »

La mort du jeune orpailleur Yamadou Sagna a dévasté les siens. Reportage chez les Sagna à Kobokhoto, à plus de 120 kilomètres de Kédougou.


​Reportage à Kobokhoto, chez l’orpailleur assassiné à Bokhody : « En tuant Yamadou, ils nous ont appauvri davantage »

La nuance est forte. Le contraste frappant. Ça chante, ça danse dans une concession de Kobokhoto alors qu’en face, à moins de 50 mètres, c’est la souffrance. Les Sagna n’ont pas le cœur en fête. Au contraire, chez eux, l’horloge a cessé de tourner depuis la mort de Yamadou. Affligé, le père ne sait plus à quel fils confier le destin de sa famille.


Lui-même orpailleur, Seyni Sagna, la quarantaine, a dû arrêter de travailler après un accident remontant à 2012 qui lui a valu l’amputation de son pied gauche. Heureusement pour lui, il avait un fils conscient des responsabilités qui étaient les siennes dès lors que son père n’était plus opérationnel. A la culture des champs, Yamadou Sagna ajoutait la recherche de l’or avec une machine détectrice. Le 13 février dernier, cet outil de travail a été confisqué par des auxiliaires de douane. Mal lui en a pris de réclamer son bien aux soldats de l’économie. Le jeune orpailleur de 24 ans a été froidement abattu par l’un d’entre eux dans des circonstances que la justice élucidera. La nouvelle de sa mort a provoqué une syncope générale dans la famille. Seyni Sagna venait de réaliser qu’il a perdu le seul relais à même de lui permettre de subvenir aux besoins de sa famille. Ne lui parlez surtout pas du « jaxal » de l’Etat. Cet argent a servi à assurer les dépenses liées aux obsèques.


Le malheur est d’autant plus grand que la mère du défunt ne jouit plus de toutes ses facultés mentales depuis des lustres. Trouvée prostrée sur un lit en bambou installée dans la cour de la maison mortuaire établie à Kobokhoto, à plus de 120 km de Kédougou, à seulement 03 kilomètres de la frontière malienne, Sadio Makalou ne risque pas de revenir à la raison de sitôt. L’unique raison pour laquelle elle se battait encore a cessé d’exister. L’enfant qu’elle a bercé et dont elle n’a jamais oublié le nom a été tué à Bokhody, village situé dans la commune de Missirah, dans le Sirimana.


Quant à la femme, disons la jeune veuve de Yamadou, elle est au bord de la folie. Habillée en noir, le tout coiffée par un voile qui ne laisse apparaître que son visage, ses bras et ses pieds, Sending Cissokho a presque étouffé un fou rire lorsque nous lui avons demandé de se rappeler sa première réaction à l’annonce de la mort de son mari. Mais ne nous y méprenons pas. Cette jeune femme de 22 ans qui vient à peine de frapper à la porte du bonheur a perdu goût à la vie. Tout ce qui lui reste, c’est de ressasser les souvenirs des 07 belles années passées en compagnie d’un mari qu’elle bénira jusqu’à la résurrection.


Le jeune orpailleur était aussi un père irréprochable. Son fils aîné, Mamoudou Sagna a couru lorsqu’on lui a annoncé que son géniteur était de retour. Sa déception a été grande au point de faire craquer des membres de l’équipe de Dakaractu. Pendant quelques minutes, le tournage a été interrompu, le temps que les uns et les autres sèchent leurs...larmes. Quoiqu’innocent, il n’a rien raté du tour de passe-passe dont il vient d’être victime. Sa sœur cadette, Fatoumata n’a pas encore l’âge de comprendre ce qui se passe. Agée de 12 mois, elle sera mise dans la confidence plus tard. La jeune fille qu’elle sera regrettera sans doute l’excellent père qu’aurait pu être Yamadou. D’ici là, sa mère dans les bras de laquelle elle s’est blottie tentera de combler le vide paternel qui a fait une incursion si brutale et cruelle dans sa vie.


​Reportage à Kobokhoto, chez l’orpailleur assassiné à Bokhody : « En tuant Yamadou, ils nous ont appauvri davantage »



Lundi 27 Février 2017




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