Une tonne de cocaïne saisie au port de Dakar en moins d'une semaine : La face visible de l'iceberg, l'État mis devant ses propres responsabilités


En moins d'une semaine, le port de Dakar est le théâtre d'opérations douanières qui ont permis de mettre la main sur une tonne de cocaïne. La première saisie a été opérée le mercredi 26 juin, et 238 kilos de cocaïne ont été découverts dans des sacs jetés dans la malle arrière de quatre voitures de marque Renault Kwid.

Quatre jours plus tard, bis repetita. La douane sénégalaise met la main sur 750 kilos du même produit prohibé. Le même mode opératoire est utilisé par les contrevenants qui ont utilisé des véhicules neufs de la marque française Renault pour transporter leur marchandise estimée à plusieurs milliards de francs CFA.

Cette saisie record, la première depuis celle de 2007 à Mbour où 2,5 tonnes de cocaïne avaient été prises sur des ressortissants de pays d'Afrique de l'Ouest, doit sans doute faire la fierté des douaniers et des forces de défense et de sécurité, mais doit interpeller et mobiliser plus d'un pour que le Sénégal ne soit pas la risée du monde.

La technique utilisée par les malfaiteurs indique que c'est une méthode bien rodée et qu'ils en ont usée et abusée pendant ces dernières années avant que le pot aux roses ne soit tardivement découvert.

Les cartels de la drogue savent prendre les devants pour semer les forces de défense et de sécurité. “El Chapo” mettait la drogue dans des boites de conserve et convoyait cette marchandise du Mexique aux Etats-Unis. Ainsi, il trompait la vigilance des rares incorruptibles policiers mexicains et de la très redoutable DEA américaine qui le surveillait comme du lait sur le feu. Bien sûr, il comptait sur la complicité d'agents de l'État mexicain pour parvenir à ses fins.

S'il est difficile d'établir la complicité d'agents des États brésiliens et sénégalais dans cette affaire, force est de reconnaitre que les responsabilités du chargeur et du transporteur dans cette affaire sont engagées.

Le chargeur, c'est Renault qui dispose d'une usine de fabrication à San José do Pinhais, à Curitiba, capitale de l'État de Parana. Est-il utile de rappeler que, pour l'ensemble des deux saisies, c'est à bord de 19 véhicules de la série Kwid de Renault que des sacs contenant de la drogue ont été dissimulés ? En tant que chargeur, le fabricant de voitures français pouvait-il ignorer la présence de ces sacs douteux dans les malles des Kwid d'autant plus que les navires sont des Ro-ro, c'est à dire ne doivent transporter que du roulant? De ce qu'on sait de l'obligation de renseignement, il apparait que le chargeur, Renault dans ce cas d'espèce, est garant de l’exactitude de ses déclarations quant à la nature et la valeur de la marchandise. En aucun cas, elle ne peut s'absoudre de cette obligation. Des explications convaincantes sont attendues du fabricant de véhicules qui s'est établi dans cette partie du Brésil vers 1998. Mais que dire de Grimaldi ?

L'armateur italien dont deux de ses navires, à savoir le navire Grande Nigeria et le navire Grande Africa se sont tristement illustrés en se faisant prendre à Dakar pour transport de cocaïne pure, est habitué des faits.

Le 07 août 2018, le navire Grande Nigeria dans laquelle les 750 kilogrammes ont été découverts, a fait l'objet d'une fouille par la sûreté urbaine de Santos qui a fini par découvrir 1,2 tonne de cocaïne cachée dans 18 valises dissimulées dans des conteneurs chargés de riz et de déchets. Malgré cette prise, le navire a été autorisé à quitter le port de Santos le 09 août à destination d'Anvers, en Belgique.

Trois jours plus tard, informe jeunemarine.com du 16 août 2018, la Grande Francia, un autre navire de Grimaldi dont le siège se trouve à Palerme, en Italie, a été visité par des hommes armés qui le suivaient à bord une embarcation. L'équipage a alerté la patrouille navale qui est intervenue avec un peu de retard pour mettre le grappin sur les intrus. Toutefois, une fouille de la cargaison a permis de découvrir dans deux conteneurs 1,3 tonne de cocaïne dans des sacs. Dans ce même port de Santos, une saisie de 1,8 tonne de cocaïne a été réussie par les services de douane brésiliens, en mars 2019.

Selon nos informations, un navire de Grimaldi vient à Dakar tous les neuf jours. Il est donc fort probable que le port de la capitale de la Téranga soit utilisé comme passage pour convoyer cette substance illicite vers le vieux continent. Le port de Hambourg était la destination finale de quatre des 15 véhicules de marque Renault Kwid saisis au PAD. C'est dire...

Dès lors, il appartient à l'État du Sénégal de donner la preuve de sa réelle volonté de lutter contre le trafic de stupéfiants. Il est vrai que le navire a été saisi mais, selon des sources introduites dans le fonctionnement des activités portuaires, de lourdes sanctions doivent tomber sur Grimaldi. Mieux, une saisine de l'État italien s'imposerait selon notre interlocuteur qui estime que c'est un manque de respect notoire à nos franchises que de vouloir faire du port une plaque tournante de la cocaïne. De même, le Brésil d'où visiblement la cargaison a été chargée devrait être saisi.

Aussi, il est attendu du Sénégal la protection des agents de la Douane qui, de main de maître, ont démantelé cette route de la drogue basée sur ce qu'on appelle le “RIP-OFF”, c'est à dire utiliser des moyens légaux pour transporter de la marchandise illicite, en comptant sur des complicité au départ comme à l'arrivée. Notre source est convaincue que les organisateurs de ce voyage pas comme les autres, ne se laisseront pas faire et feront tout pour pérenniser leur trafic. Pour leur faire face, recommande-t-il, l'État du Sénégal doit se donner des moyens conséquents, en travaillant cependant en étroite collaboration avec les organismes qui luttent contre le trafic de drogue. En bref, en faire une affaire d'État, car ça semble bien le cas...
Dimanche 30 Juin 2019




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