Une nuit aux urgences... (Par Amadou Tidiane WONE)


Je ne souhaite pas à mon pire ennemi d'avoir un malade sur les bras et de se retrouver, en urgence, aux prises avec la réalité de nos services hospitaliers.

Il ne s'agit pas de la compétence et de l'esprit de sacrifice incroyable des médecins et spécialistes que l'on peut rencontrer,  à toutes les heures du jour et de la nuit, mettant toute leur énergie au service de leurs patients. Nous pouvons, à cet égard , nous vanter d'avoir des praticiens d'une compétence avérée mais aussi d'une abnégation au delà de l'imaginable. Respect. Respect!

Il ne s'agit même pas de l'arrogante médiocrité des personnels subalternes. De l'accueil à la prise en charge directe, on a bien souvent envie de donner un coup de poing sur la gueule de ceux qui manipulent votre patient sans égard, ni savoir, ni savoir-faire. Le manque de savoir-vivre en prime... Il n'y a rien de pire qu'un ignare imbu de sa personne!

Il ne s'agit de rien de tout cela...

Ce dont il est question ici c'est de la pauvreté extrême, indescriptible et inadmissible du plateau technique de notre système de santé.  Rien ne marche vraiment. On manque de tout. Mais il y a en plus, une inorganisation et un manque de coordination tels que je viens de vivre  en direct la situation suivante: dans la nuit du dimanche 18 au lundi 19, TOUS les services de réanimation Cardio des hôpitaux de Dakar étaient en "désinfection!" En même temps!  Le brave médecin qui s'occupait de notre malade, téléphone collé à l'oreille, a fait le tour de toutes les structures. Rien. Et c'est bien parce que mes frères, soeurs, épouse et belles-soeurs ont mis en branle toutes leurs relations que nous avons pu dénicher un lit...vers minuit.  Arrivés aux urgences vers 21h, plusieurs va et vient entre la pharmacie, les labo d'analyse...les caisses pour payer chaque acte et notre malade, nous sommes rentrés chez nous vers 3h du matin, lessivés et anxieux... et s'il arrivait quelque chose d'imprévisible... Genre un accident de grande envergure à Dieu ne plaise? Que ferait-on des blessés?

Plus prosaïquement:

- Combien de sénégalais ne disposent pas du réseau de solidarité agissante que nous avons pu mettre en œuvre?

- Combien de sénégalais ne disposent pas de trois cent cinquante mille francs en espèces pour faire face, immédiatement, à tous les frais sans lesquels notre patient ne pouvait pas être pris en charge correctement?

Je vous passe certains détails croustillants du genre : au moment d'aller au scanner, le préposé aux machines avait disparu! Une demi heure de recherche après on le retrouve en train de dîner enfermé quelque part loin de ses appareils...La réalité dépasse la fiction!

Franchement, arrêtons  de parler pour ne rien dire! Les discours sur l'émergence et autres performances macro-économiques sont irréels voire tragi-comiques face à la réalité pure et dure.

Je demande solennellement aux gouvernants, à l'opposition, à la Société civile de parler de la réalité sans fards.  Je les adjure de sortir des discours convenus. Ils doivent descendre sur le terrain. Aller voir les choses telles qu'elles sont et les changer le lendemain! C'est ainsi que l'on pourra s'en sortir. Aller voir les écoles de la banlieue et du Senegal profond. Et se demander quels actes concrets poser pour qu'il n'y ait plus de classe de 140 élèves à la rentrée suivante. Si on est incapable de trouver une solution définitive à ces cas précis, à quoi ça sert d'avoir une administration publique avec des fonctionnaires aux CV kilométriques?
Le Premier Ministre, ses ministres et les hauts fonctionnaires doivent faire des visites inopinées sur le terrain. Constater les disfonctionnements et les sanctionner sévèrement pour prévenir toute récidive.

En vérité il nous faut, outre un réel sens des priorités, du SÉRIEUX, de la RIGUEUR et de la DISCIPLINE. Pour le reste, il suffit de s'inspirer des MEILLEURES PRATIQUES à travers le monde entier pour trouver des SOLUTIONS DURABLES à chacun de nos problèmes.

Quant au plateau technique, supprimons le HCCT et affectons les sommes prévues à la réalisation de trois services d'urgence aux normes. Il paraît qu'avec deux milliards chaque on pourrait s'en offrir. Ça coûte combien le HCCT ?

En attendant, prions pour mon malade et tous les hospitalisés au Senegal! Ils en ont vraiment besoin!

Amadou Tidiane WONE
woneamadoutidiane@gmail.com
Mardi 20 Septembre 2016
Dakar actu




1.Posté par nobs le 20/09/2016 10:57
Est ce que tu pensais comme ca quand tu etais ministre? Rien n'a change et tout a commence avec TON Wade de. Il faut accepter que Macky a herite tout ca de Wade. Ils sont tous pareil toi y compris monsieur ex ministre. C'est la continuite de VOS actions, PS, et PDS.

2.Posté par citoyen le 20/09/2016 11:20
COMMENT PEUT T-ON IGNORER CES REALITES APRES AVOIR PARTICIPE A L'exercice du pouvoir pendant plusieurs annees.Comme diraient les marketeurs, il faut partir des besoins des clients pour faire une offre politique.
Sinon c'est toujours nous autres goorgorlou, qui allons trinquer

3.Posté par M. Ndiaye le 20/09/2016 14:23
Merci Son Excellence et que vous le disiez peut rassurer d'aucuns que c'est bien une réalité tangible... Affectant notre vaillante population, mais aussi occasionnant des surcoûts inutiles dans le cas d'un transfert a l’étranger juste parce que le niveau de service clientèle dont vous déplorez fait problème...

Le Sénégal mérite bien plus que cela, mais comme vous le dites en conclusion, il s'agit d'un probleme de non-priorite nationale et tout le monde en souffre...

S'il y a un secteur qui m’intéresse en tout cas c'est bien la reforme de celui de la santé... Il s'agit simplement d'une réorganisation d'ensemble avec les divers prestataires impliqués, qui se sucrent dans le dos des pauvres clients sunugaliens... du fait justement d'une certaine cécité institutionnelle... Peut mieux faire!

M. Ndiaye
realpolitiks@hotmail.com

4.Posté par Am le 20/09/2016 17:08
Il vous a fallu tomber de l arrogance du système alternoce pour savoir ce que vivent les sénégalais au quotidien c est trop tard maintenant assumez les erreurs de votre ancien systeme et goûtez à la vie des gorgorlous que vous n avez pas votre système et vous voulu ou pu changer. Maintenant une fois sur la touche des remplaçants ça se permet de crier .

5.Posté par Lhomfort le 20/09/2016 18:01
Monsieur le ministre...
Bon rétablissement à votre cher malade.
Que Dieu lui redonne une santé d'ange.

Mais c'est cela le senegal.
Les populations déplorent chaque jour ces situations qui ne cessent de miner la stabilité sociale.
Dommage que quand on est ministre au Sénegal, on a l'oreille totalement attentive aux élephants blancs de Wade ou de Macky... -et qui d'autre demain-, ...qu'au cri de coeur des senegalais qui meurent devant leurs hopitaux publics pour plusieurs raisons...
- manque de place
- malade non recommandé
- personnel ignorant
- manque de caution
- et j'en passe
Tout cela connaitra une fin. Le mal c'est que cela risque d'etre brutal et apocalyptique.

6.Posté par citoyen le 21/09/2016 16:16
Monsieur le ministre
çà aussi c'est de l'arrogance " Il ne s'agit même pas de l'arrogante médiocrité des personnels subalternes. De l'accueil à la prise en charge directe, on a bien souvent envie de donner un coup de poing sur la gueule de ceux qui manipulent votre patient sans égard, ni savoir, ni savoir-faire. Le manque de savoir-vivre en prime... Il n'y a rien de pire qu'un ignare imbu de sa personne! " Et le terme médiocrité ne convient à aucun corps de métier plus qu'à celui des politiciens
pour le reste m'associe à la réponse de ce brillant médecin

Je suis parfaitement d'accord avec vous M. Wone. Seulement cela m'étonnerait que ce soit aujourd'hui que vous êtes au courant de cet état des faits. Depuis combien de décennies le personnel sanitaire crie-t-il (cris étouffés) son désarroi? Lorsque Mme Wade inaugurait en grandes pompes un déchet d'appareil de cobalt thérapie pour nos cancéreux (appareil qui n'est plus utilisé depuis longtemps dans les pays qui se respectent, nos voisins de Mauritanie ont un accélérateur de particules eux...) tout allait bien peut être? L'hôpital Le Dantec était déjà en ruines (physiquement et humainement), lorsque, au détour de façades repeintes, le président Macky Sall venait inaugurer 2 appareils qui fonctionnaient depuis un bon moment. Depuis 10 ans que j'y travaille, la détresse des patients me crache tous les jours à la figure M. Wone. Vous dites que les unités de cardiologie étaient toutes en désinfection? Il est vrai que c'est anormal mais je vous invite à venir voir de vous-même nos plafonds qui fuient à chaque pluie créant un risque infection majeur chez des patients que les médecins sont censés soigner et non précipiter vers les abysses desquelles ils ne reviendraient pas.
Je suis en phase avec vous lorsque vous évoquez la liquidité que vous avez du débourser pour la prise en charge de votre patient à qui je souhaite un prompt rétablissement. Posez donc la question aux gouvernants qui ont abandonné l'hôpital public en le transformant en établissement public de santé qui S'AUTO-GERE. ce qui sous entend qu'il doit se débrouiller pour être à jour avec les fournisseurs de consommables, gérer l'énorme masse salariale avec sa pléthore de personnel (pas toujours très utile), regardé de loin et du coin de l'oeil par l'état qui a démissionne (ils ne se soignent pas chez nous en tout cas). Ces mêmes hôpitaux sont les parents pauvres du ministère de tutelle qui préfère s'investir sur des plate-forme "flashy" telles que VIH, paludisme, vaccination...( je ne dis pas qu'il ne le faut pas mais un peu plus d'équilibre serait le bienvenu). Actuellement, l'hôpital le dantec est au ralenti: blocs opératoires et reanimation fermés (groupe électrogène en panne depuis 2 semaines) totalité des bâtiments de la médecine Interne entrain de s'écrouler... Et nous que devons nous dire à nos patients pour qui nous sommes sensés être un recours? Comment devons nous leur expliquer que nous n'avons pas les moyens de faire correctement notre travail, de maintenir un minimum de dignité humaine dans des salles sans intimité et sans eau courante? C'est en 2016 que vous vous en rendez compte? C'est la première fois que vous êtes directement confrontés à la misère du sénégalais lambda? Je pense que vous étiez bien au courant et que vous avez fermés les yeux avec lesquels vous regardiez de très loin un problème qui ne vous avait pas encore atteint. Loin de moi l'idée de me disculper. Nous sommes les premiers coupables à avoir laissé faire les choses, à n'avoir pas criè assez fort la détresse de ceux qui, au mépris de tous les affronts qu'il subissent et des difficultés qu'ils rencontrent pour aller mieux, continuent à nous faire confiance (malgré eux?).

7.Posté par Ameth Pam le 26/09/2016 20:43
Tragédie d'ampleur? Celle du Le Diola vous avait trouvé aux affaires et vous aviez même fait le discours d'hommage... Ne saviez - vous pas que les hôpitaux étaient dans un état déplorable ? Y aviez-vous seulement fait un tour pour voir comment étaient pris en charge les quelques rescapés ? Que le Seigneur assiste votre malade.



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