« Une baisse trop rapide de l’euro ne serait pas une bonne chose »

L’euro est passé, jeudi 5 mars, sous 1,10 dollar, pour la première fois depuis septembre 2003. Pour Patrick Artus, économiste en chef de Natixis, cette dépréciation est une bonne nouvelle pour l’industrie française. A une condition toutefois : que cette baisse ne soit pas trop rapide.


« Une baisse trop rapide de l’euro ne serait pas une bonne chose »

La baisse de l’euro face au dollar est-elle une bonne nouvelle pour la France ?


L’effet net de la dépréciation de l’euro sera positif pour l’économie française, car, compte tenu du niveau de gamme de nos produits, nos exportations sont sensibles à la variation des prix. Nous gagnerons plus en exportant davantage que ce que nous allons perdre avec des importations renchéries.

Néanmoins, il ne faut pas surestimer l’importance du gain lié à la baisse de l’euro. Prenons un exemple : depuis l’été 2014, le prix du baril de pétrole en dollars est passé d’environ 115 à 60 dollars (104 à 54 euros), l’euro était ramené de 1,40 à 1,10 dollar. A ce niveau-là, on a perdu avec la dépréciation de l’euro la moitié du gain que nous avons enregistré sur le prix du pétrole en dollars.


A qui profite l’euro faible ?


La dépréciation de l’euro entraîne des transferts massifs. C’est un bon point pour l’industrie qui va regagner des parts de marché. C’est un mauvais point pour les ménages qui vont, par exemple, payer plus cher leur énergie, ou pour l’ensemble des acheteurs de matières premières.

Compte tenu de l’état de l’économie française et de ses fragilités, c’est plutôt une bonne chose de soutenir l’industrie.


Jusqu’où l’euro peut-il baisser ? Jusqu’où ce recul est-il souhaitable ?

 

Je ne suis pas sûr que l’on puisse poser la question en ces termes. Plus que la question du niveau de la monnaie unique par rapport au dollar, c’est celle de la rapidité de sa dépréciation qui importe.

En règle générale, on estime qu’un gain de compétitivité de 10 % – une dépréciation de l’euro d’autant – conduit à une augmentation des exportations de 7 %. Mais encore faut-il pour cela que l’industrie ait les capacités de production suffisantes pour vendre à l’export. Une baisse extrêmement rapide ne serait pas une bonne chose, car l’industrie n’aurait probablement pas les moyens d’y répondre faute d’avoir investi suffisamment ces dernières années.


En fin de compte, qu’est-ce qui fait baisser l’euro ?


La Banque centrale européenne s’apprête à injecter des liquidités avec son programme d’assouplissement quantitatif (quantitative easing ou QE) à partir du 9 mars. Les rachats de dettes publiques et privées vont conduire à la baisse des taux d’intérêt qui seront proches de zéro ou négatifs.

Lire aussi : La BCE donne le coup d’envoi à ses rachats de dettes

Cela va inciter les investisseurs en obligations à se tourner vers les obligations étrangères. Cette sortie attendue de capitaux fera baisser l’euro. Parallèllement, le QE devrait aussi faire monter les actions.

 

Autrement dit, l’euro ne baisse que si les sorties de capitaux en obligations étrangères dépassent les entrées de capitaux liées à la hausse des actions. C’est ce que l’on a constaté au Japon. En revanche, au Royaume-Uni, en 2012, la livre sterling s’est appréciée. Il est donc assez difficile de dire quels seront les effets du programme lancé par Mario Draghi, le président de la BCE.

 

Vendredi 6 Mars 2015




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