USA : La tension monte encore d'un cran entre Trump et les médias

L'affaire liée à un article retiré par CNN, qui a coûté leur poste à trois journalistes chevronnés, a suscité de nouvelles attaques violentes de Donald Trump contre les médias qui, de leur côté, ne passent rien à son administration.


USA : La tension monte encore d'un cran entre Trump et les médias
Six tweets sur les "fausses infos" ou les "faux médias" en deux jours, le président américain a déchargé une nouvelle rafale sur sa cible favorite, la presse. L'occasion était trop belle de rebondir sur l'affaire CNN, qui a vu la chaîne retirer un article insuffisamment étayé, mettant en cause l'équipe Trump et ses liens supposés avec la Russie. 

Outre CNN, rebaptisé FNN pour "Fake News Network" (la chaîne des fausses informations), le président s'en est pris à ses cibles habituelles, les grandes chaînes nationales NBC, CBS et ABC, ainsi qu'au New York Times et au Washington Post. 

Relation conflictuelle
Pour Stephen Reese, professeur de journalisme à l'université du Texas, cet épisode s'inscrit dans la continuité d'une relation conflictuelle, née lors de la campagne présidentielle. "Il allait y avoir une erreur (de la part des médias), c'était certain", dit l'universitaire, pour qui il n'y a rien à déduire de l'écart de CNN. Mais pour d'autres, l'affaire témoigne d'une dérive de la presse. 

"Durant les six mois de la présidence de Donald Trump, nous avons assisté à un pétage de plombs sans précédent de la plupart des médias", a fustigé Michael Goodwin, l'éditorialiste du quotidien conservateur New York Post, dans un billet publié mercredi. "Les standards (du journalisme) ont été jetés par dessus bord dans la frénésie qui vise à faire tomber le président", a-t-il insisté. 

"Il ne publient rien de faux", explique, au sujet des médias couvrant la Maison Blanche, Richard Benedetto, professeur à l'American University, mettant de côté l'article de CNN. En revanche, selon lui, "ils sélectionnent ce qu'ils publient et ce qu'ils ne publient pas et, dès lors, cela ne donne pas une vision juste de ce qui se passe au quotidien à la Maison Blanche". 

Gonfler les audiences
Des critiques reprochent à la presse d'orienter sa couverture pour améliorer ses audiences, ses abonnements ou son lectorat, selon le support, qui sont au beau fixe depuis l'irruption de Trump dans le paysage politique américain. Une idée renforcée par des vidéos mises en ligne ces dernières heures par le site ultra-conservateur Project Veritas.

Dans l'une d'elles, un producteur de CNN, filmé en caméra caché, affirme que si la chaîne consacre autant d'espace aux liens supposés de l'équipe Trump avec la Russie, "c'est à cause des audiences". "C'est un business", ajoute-t-il. "Je pense qu'il y a beaucoup de téléspectateurs de gauche de CNN qui veulent voir Trump vraiment scruté au microscope", poursuit le producteur John Bonifield, pour qui il y a deux poids deux mesures. "Si nous avions fait la même chose avec le président Obama (...), cela aurait déplu à notre public." 

Pour Stephen Reese, "il est difficile de faire le tri entre" les intérêts économiques et "les objectifs professionnels", purement journalistiques. Les chaînes d'information "sont un peu plus orientées vers le commercial", observe-t-il, "mais pour le Times et le Post, je pense qu'ils font simplement leur travail". "Cela peut les aider indirectement parce que les gens reconnaissent le besoin de sources légitimes d'information objective", dit-il, avec des centaines de milliers d'abonnements supplémentaires à la clef, "mais je ne pense pas que ce soit leur objectif premier". 

Richard Benedetto fait, lui aussi, la comparaison avec la couverture de l'administration Obama, qui bénéficiait notamment du fait que beaucoup de journalistes "étaient globalement d'accord avec sa politique". "Nous avons le contraire actuellement", selon lui. 

"Vu le comportement de Trump, il y a tellement de matériau" à rapporter "qui se répercute négativement sur l'administration que je ne pense pas qu'ils aient à aller bien loin pour déclencher de nouvelles attaques", répond Stephen Reese, pour qui cette situation est avant tout le fait de ce nouveau gouvernement, plus que de la presse.

Une chose est certaine pour beaucoup d'observateurs, l'affaire CNN et les nouvelles attaques ne vont pas faire évoluer l'image de la presse dans l'opinion. "Cela ne fera pas grande différence", estime Richard Benedetto. Entre les critiques de Trump et ses partisans, "les audiences sont déjà tellement segmentées et fragmentées..."
Jeudi 29 Juin 2017




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