TOURNEE ECONOMIQUE DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DANS LA VALLEE : LE POLE TERRITOIRE FLEUVE EN GESTATION ?


TOURNEE ECONOMIQUE DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DANS LA VALLEE : LE POLE TERRITOIRE FLEUVE EN GESTATION ?
Le chef de l’Etat, le Président Macky Sall sera l’hôte de la vallée du 26 au 30 octobre et du coup, tous les projecteurs sont tournés vers  le nord.
Qu’attendre de cette visite, de ce face-à-face entre la première autorité du pays en charge des politiques publiques et les populations, les producteurs et les acteurs du développement de tous ordres ? Il aura par-devers lui en tout cas, deux instruments de mesure et de correction à l’aune desquels il appréciera, jugera et jaugera tout ce qui tombera sous son regard ou sera entendu ou touché: le PSE et l’Acte III de la décentralisation ; tout sera ramené à ces deux paradigmes.
Le périple du chef de l’Etat au cœur de la vallée intervient dans un contexte particulier, marqué d’une part par l’achèvement de l’exécution de la phase I de l’Acte III de la décentralisation qui s’est décliné en trois points : la communalisation intégrale, l’érection du département en collectivité locale et la suppression de la région, l’entame de la mise en place de  la phase II dominée par le montage des pôles  territoires,  supports par excellence des politiques publiques de développement et d’autre part par une saison des pluies désastreuse sur une bonne partie de l’espace Nord.
Le Plan Sénégal Emergent (PSE) dont un levier cardinal est l’agriculture est certainement un motif important de ce déplacement parce que la vallée est une zone de prédilection pour cette activité.
La vallée des paradoxes. Depuis des millénaires, la nature dicte sa loi aux hommes. Les politiques post indépendance n’ont pas su ou pu inverser cette tendance lourde qui a induit l’émigration et donc vidé la région de ses forces vives,  de ses bras valides.
Il suffit qu’il y ait un déficit pluviométrique plus ou moins marqué pour qu’un chamboulement de la vie soit noté, sans jamais penser à ce gisement hydrique important qui dort sous nos pieds. Les effectifs des troupeaux des différentes espèces évoluent en  dents de scies et les seules parades restent la transhumance et le dédoublement des têtes de bêtes en années fastes. Une fuite en avant au lieu de faire face aux calamités et apporter une réponse sur place.
L’agriculture et l’élevage sont conduits dans le même état d’esprit, la subsistance, avec peu d’input donc pratiquement impossible de faire des réserves. Les responsabilités sont partagées entre les politiques et le réceptacle que sont les acteurs  du développement avec leurs organisations paysannes très peu outillées en réalité pour prendre en charge leur développement.
Les politiques agricoles au lendemain des indépendances reposaient sur la pluviométrie, donc avec une tare congénitale liée à la non maitrise de l’eau. Les cultures vivrières dominaient avec des rendements très faibles, et la couverture alimentaire faisait appel aux cultures de décrues qui étaient très courues.
La sécheresse des années 70 et 80 fut un tournant et imposa une politique tournée vers la maitrise de l’eau, la création des sociétés de développement autour des grandes zones écologiques et un encadrement dense des producteurs  avec prise en charge de tous les segments de la production, du financement à la commercialisation en passant par les équipements et l’octroi d’intrants. L’Etat était le maitre d’œuvre et le maitre d’ouvrage du développement rural.
Le désengagement de l’Etat et son corollaire, la Nouvelle Politique Agricole (NPA) de 1984, induits par les politiques d’ajustement structurel se sont traduits par la responsabilisation entière des producteurs sans préparation et le virage a eu des incidences calamiteuses avec un impact fort négatif sur les productions.
Cet affaissement de l’intervention de l’Etat a conduit à une dégradation de l’appareil de production avec des paysans /agriculteurs peu formés et peu ouverts aux innovations technologiques socles des performances  qui ont pour noms diversification, intensification et qualité.
C’est aussi cette situation au bout d’un parcours long et sinueux que le chef de l’Etat retrouvera dans la vallée.
L’année 2014-2015 sera difficile à tout point de vue dans le Nord, singulièrement dans le département de Podor. Le troupeau qui a subi une forte saignée liée à la mortalité par manque de pâturage a commencé à transhumer depuis mars et le flux continue vers la zone sylvo-pastorale, le bassin arachidier, le Sénégal Oriental et la frontière avec la Gambie. Cet état de fait est exacerbé par un manque criard de crues, cette soupape de sécurité qui atténuait les charges négatives de la péjoration du climat. Les contre coups que subit l’environnement sont visibles à l’œil nu et les stigmates de la dégradation des sols sous formes de taches cancéreuses sont perceptibles. Au total un  milieu de plus en plus hostile qui nécessite une thérapie de choc.
Le Président de la République revient dans la vallée porteur d’un discours nouveau avec comme toile de fond, le référentiel du PSE au cœur duquel git l’agriculture appelée à créer l’autosuffisance en riz entre autres, à résorber le chômage des jeunes, à contribuer de façon significative à booster le PIB. Cette agriculture s’invitera au forum d’Aéré Lao et retiendra particulièrement les attentions. Ironie du sort. Aéré Lao avait fortement retenu l’attention du Président Mamadou DIA qui en avait fait un centre  d’impulsion du développement rural. On est tenté de dire qu’on rebelote et on recommence. L’heure de faire de la vallée la Californie du Sénégal a-t-elle sonnée ? En tout état de cause ce sont 120.000 hectares de terres fertiles et irrigables dont regorge Podor et qui ne demandent qu’une politique hardie de mise en valeur. Il est quand même étonnant, voire surprenant qu’un tel potentiel ne soit exploité dans sa grande majorité que sur un mode extensif. L’Ile A Morphil, parce qu’on ne peut pas ne pas en parler, est un immense réservoir de sols de toutes sortes capable à elle seule de couvrir une bonne partie de nos besoins alimentaires autant en productions céréalières qu’animales dans une démarche d’intégration. Une SAED newlook, c’est à dire profilée en fonction des besoins du moment  et dont l’expertise ne souffre d’aucun doute, alliée à des organisations paysannes redynamisées,  et des partenaires telles que la Chine, la Corée, l’Inde, etc. peut et doit assurer cette mission d’utilité publique. Nos factures rizicoles et laitières peuvent trouver là des débuts de solution. Des mesures d’accompagnement adaptées, du financement à la commercialisation en passant par la transformation, le stockage, la conservation pour toutes les spéculations et les filières sont naturellement requises pour l’atteinte des objectifs.
Un domaine particulièrement important est la formation des producteurs dans des structures de formation polyvalentes et la création de Lycées agricoles pour préparer les jeunes aux multiples métiers agricoles et opérer ainsi une relève douce des paysans par de jeunes agriculteurs aptes à raisonner leur itinéraire  technique et leur  projet personnel après avoir acquis un savoir être et un savoir-faire scientifique. L’apprentissage de la gestuelle dans ces métiers nécessite une formation théorique et pratique alternées, fondement d’une gestion rigoureuse des différentes activités. Un Institut supérieur ou une Université en  agriculture et en Eau est une exigence de la vallée. Du reste, ces structures  pourraient relever de l’OMVS pour le compte des bassins des fleuves Sénégal et Niger.
A côté de la formation professionnelle, autant initiale que continue, la recherche-développement et l’encadrement des producteurs apparaissent comme des stratégies innovantes de haute portée.
Le développement agricole, voir rural nécessite aussi beaucoup d’infrastructures de soutien, depuis les aménagements jusqu’aux pistes de production et à ce titre l’Ile A Morphil baigne dans les périmètres irrigués villageois  (PIV) non réhabilités depuis plusieurs années et l’enclavement pour ne rien arranger accentue les difficultés de tous ordres et ce malgré les ponts de Madina Ndiathbés et de Ngoui apparaissant comme des œuvres inachevées. L’agriculture familiale et l’agriculture de rente devraient trouver ici un équilibre harmonieux pour le bénéfice des populations et de la communauté sénégalaise toute entière. L’élevage de son côté doit évoluer vers la stabulation et l’intensification de ses productions. La pêche et la foresterie compléteraient le dispositif de sécurité alimentaire qui reste un objectif prioritaire et à très court terme.
L’agriculture et les infrastructures dans le PSE apparaissent comme des sur priorités, et de ce point de vue la vallée est un terreau fertile et un espace de prédilection pour leur déploiement et leur mise en œuvre. Dès lors, le déplacement du chef de l’Etat n’est pas fortuit et l’écoute, les échanges avec les producteurs et les techniciens qui ponctueront  la marche à pas de charge lui permettront de jauger le degré d’engagement des populations et au besoin les haranguer pour un Sénégal émergent. Cette forme de communication avec les acteurs à la base fondée sur le contact direct et les poignées de mains est de nature à encourager les agriculteurs, éleveurs et pêcheurs. Nul doute que cette démarche participative et incluse du chef de l’Etat est la seule qui vaille par ce que débouchant sur un consensus fort bâti sur un partage des idées et des expériences vécues.
Rappelons que 60 à 65% de la population sénégalaise vit en milieu rural et tire ses revenus de l’agriculture au sens large du terme pour apprécier positivement le PSE et mesurer l’importance du déplacement.
L’autre axe majeur du périple Nord est certainement la phase 2 de l’acte III de la décentralisation avec les pôles territoires comme réceptacles des politiques publiques de développement. Ce deuxième centre d’intérêt du déplacement du chef de l’Etat avait été abordé lors de la concertation nationale avec les  exécutifs locaux. Il avait suggéré que la base, à travers les conseils départementaux s’implique dans la définition et le cadrage des pôles territoires .Il avait lors de cette rencontre parlé du pole Casamance déjà en activité, esquissé les contours d’un pôle qui regrouperait les régions de Kaolack, Fatick etc.
Au Sénégal, les cadres de conception du développement retiennent en gros cinq à six zones écologiques bien typées pour porter les actions de développement : la Casamance naturelle, le Sénégal Oriental, le Fleuve, le Bassin arachidier, les Niayes et la zone sylvo-pastorale. Chacun de ces ensembles éco-géographiques présente des caractéristiques assez homogènes et spécifiques à une grande échelle pour justifier une ou des interventions bien ciblées. Ces identités remarquables pourraient être les matrices des pôles territoires de développement au- delà des divisions administratives.
La vallée du Fleuve Sénégal présente quant à elle deux constantes naturelles, une variable institutionnelle, et une variable démographique. Le fleuve, colonne vertébrale de la région et première constante avec trois fonctions principales que sont l’irrigation, la production d’énergie et la navigation est couplée avec la deuxième constante représentée par les 24.000 hectares irrigables. La variable institutionnelle est symbolisée par la SAED, qui est devenue un gisement d’expertise avérée, une mémoire du développement agricole  de la vallée. On ne peut pas  imaginer le Nord sans elle. La variable démographique est incarnée par la population dont  une frange importante de jeunes inactifs et un segment féminin brave qui cherche emploi comme les premiers nommés. Tout naturellement, on ne peut évoquer la vallée sans penser à cette onde de choc qu’est l’émigration qui la traverse de part en part et constitue sous un certain angle une tendance lourde négative.
Ces quelques considérations listées à grands traits militent en faveur d’un Pôle Fleuve avec une composante walo et une composante diéri, allant de Saint Louis à Bakel ; en d’autres termes le Bassin du Fleuve Sénégal. Pour être précis et clair, la proposition est de faire porter le pole Fleuve/Nord par le Bassin du Fleuve Sénégal qui sera l’élément structurant de cette entité.
Au terme de ce périple il est permis de penser que si le PSE et la phase 2 de l’Acte iii de la décentralisation se sont imprimés dans la conscience collective de manière indélébile avec leur appropriation qualitative par les populations, il restera à trouver des stratégies pour mobiliser et canaliser les énergies vers un Sénégal émergent. Parce que le lynchage qu’il faudra trouver entre le PNAR (Programme national d’autosuffisance en Riz) dans une  démarche de diversification, d’intensification et d’intégration des productions et le pole territoire fleuve appelé à trouver toutes les ressources nécessaires pour opérer un saut qualitatif en vue de jeter aux calendes grecques la pauvreté qui assaille les populations est du domaine du possible.
PSE/Acte III de la décentralisation,  PNAR/Pôle Fleuve tels me semblent être les couples, les binômes autour desquels les hommes, les femmes et les jeunes de la vallée devront se retrouver en rangs serrés pour construire leur cadre de vie dans la  perspective d’un Sénégal émergent.
 
                                                               Dr Yéro Hameth DIALLO
                                                                Ancien Ministre
                                                                 1er Adjoint de la commune de Méri   
Samedi 25 Octobre 2014




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