Respect des droits humains, mauvais traitements, usage excessif de la force : le Sénégal « maltraité » sous Macky Sall


Respect des droits humains, mauvais traitements, usage excessif de la force : le Sénégal « maltraité » sous Macky Sall
Amnesty International a publié à l’occasion de l'examen du Sénégal par la Commission Africaine des Droits de l’homme et des peuples, en sa 56ème session à Banjul (Gambie), un document intitulé « Sénégal : des promesses non tenues ». Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce document révèle des aspects de la gestion sous le Président Macky Sall pas reluisants.
A la suite de l’élection présidentielle de février-mars 2012 qui a vu la victoire de Macky Sall, indique le rapport, le Sénégal a eu l’occasion de prendre des mesures pour renforcer le respect, la protection et la promotion des droits humains, note le document qui nous a été transmis.  Mais malgré les engagements pris par les autorités sénégalaises depuis plusieurs années et réaffirmés dans le rapport périodique de l’Etat, les forces de sécurité utilisent régulièrement et en presque totale impunité la torture et les autres mauvais traitements.
Pour exemple dit le rapport, le 7 février 2015, la Cours d’Assises de Dakar a condamné deux hommes à vingt ans de travaux forcés suite au décès d’un jeune agent auxiliaire de police, Fodé Ndiaye, malgré le fait que leurs déclarations avaient été obtenues sous la torture.
Amnesty International indique avoir rencontré les deux hommes à la prison de Rebeuss à Dakar en 2012. Un des prisonniers a indiqué à Amnesty International que : « les officiers de police de la Direction des investigations criminelles (DIC) m’ont accusé d’être impliqué dans le meurtre d’un officier de police. J’étais complètement nu. Ils ont menotté mes mains et mes pieds et m’ont frappé avec leurs mains, leurs pieds et des matraques (lifs). Puis, ils ont plongé ma tête dans un seau d’eau. Ils ont suspendu mes pieds au plafond. Pendant ce temps, les coups et les insultes se poursuivaient. A un moment donné, ils m’ont détaché du plafond. Un d’eux a fait trois entailles avec un couteau sur mon sexe, du sang a coulé, puis ils ont versé un produit irritant sur les plaies. A chaque fois, ils m’ont demandé d’avouer que j’avais participé au meurtre du policier. Devant mon refus d’avouer, ils ont continué à me frapper avec leurs pieds et leurs mains. Un des officiers de police a alors branché un fil électrique et me l’a mis sur le corps. C’était très dur. J’ai hurlé de toutes mes forces. Je me suis évanoui à quatre reprises. On m’a présenté au procureur qui a dit que ce n’était pas normal de torturer les gens. Quand on m’a emmené à la prison, les gardiens m’ont battu la journée de mon arrivée. »

Outre les préoccupations soulevées par la Commission africaine en 2003 qui n’ont pas été prises en compte, Amnesty International s’inquiète également des violations du droit à un procès équitable, du droit de liberté de réunion pacifique et du droit d’accès à la justice.
Procès équitables
Le 23 mars 2015 la Cour de répression de l'enrichissement illicite, une cour ad hoc prévue par la loi 81-54 du 10 juillet 1981, a condamné Karim Wade, ex-ministre et fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, a six ans d’emprisonnement et un amende de 138 239 086 396 FCFA (environ 210 744 000 EUR) pour acquisition illicite de biens.
Amnesty International est préoccupée par le fait que la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI) ne soit pas conforme aux normes internationales et régionales en matière d’équité de procès, surtout du fait qu’aucun recours n’est possible après le verdict.
La Commission africaine considère « le droit de faire appel devant une instance juridictionnelle supérieure » comme un « élément essentiel d’un procès équitable » Elle a aussi constaté des violations de la Charte africaine dans des cas en Mauritanie, au Nigeria, en Sierra Leone et au Soudan où des personnes et notamment des civils ont été reconnus coupables devant des tribunaux spéciaux ou militaires pour lesquels aucun appel n’était possible .
La recommandation aux autorités sénégalaises est la suivante : modifier la loi 81-54 du 10 juillet 1981 qui a créé la CREI pour la mettre en conformité avec les normes internationales et régionales en matière d’équité de procès, et notamment en faisant en sorte que la Cour permette un recours après le verdict.
Usage excessif de la force pour réprimer la liberté de réunion
Amnesty International est préoccupée au sujet de l’usage excessif de la force par les organismes sénégalais chargés d’appliquer la loi pour réprimer les rassemblements pacifiques et la dissidence. Le droit de manifester pacifiquement a été menacé dans les mois précédent l’élection présidentielle de 2012 lorsque le ministre de l’Intérieur décréta « l’interdiction temporaire de manifester sur la voie publique ». Malgré cet ordre, les manifestations ont continué mais ont été violemment réprimées par les forces de sécurité en janvier et en février 2012. Les troubles ont fait plusieurs blessés et ont pris un tournant particulièrement dramatique lorsque les forces de sécurité ont tiré à balles réelles sur des manifestants à Dakar et dans d’autres villes, tuant plusieurs d’entre eux 31.
Sous la présidence de Macky Sall, les autorités sénégalaises continuent de poursuivre en justice les manifestants qui ont participé et ont osé s’exprimer aux manifestations organisées par des partis politiques et des ONG de même qu’ils utilisent la force excessive, voire parfois arbitraire, pour le maintien de l’ordre lors des manifestations.
En janvier 2014, des lycéens ont manifesté à Oulampane (Casamance) pour demander davantage de professeurs. L’armée est intervenue en utilisant des balles réelles ; quatre lycéens ont été blessés. Un haut représentant de l’armée a condamné ces actes et a annoncé que les militaires impliqués seraient amenés à rendre des comptes ; aucune mesure concrète n’a cependant été prise et aucune enquête n’a été ouverte au cours de l’année.
Pendant tout le mois d’août, des étudiants ont manifesté contre les retards de versement des bourses à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, ce qui a donné lieu à plusieurs confrontations avec les forces de sécurité. Bassirou Faye, un étudiant, est mort après avoir reçu une balle à la tête, tirée par la police lors d’une manifestation. Un policier a été arrêté en octobre et inculpé pour homicide.
Depuis 2011, Amnesty International a enregistré au moins sept cas de personnes tuées par des organismes responsables de l’application des lois lors de manifestations. Alors que des enquêtes et des procès sont en cours, aucun des responsables n’a encore été condamné.
Les recommandations aux autorités sénégalaises sont les suivantes : veiller à ce que les responsables de l’application des lois aient reçu la formation et les équipements adéquats pour maintenir l’ordre public sans recourir à la force de manière excessive ou injustifiée en conformité avec les Principes de base de l'ONU sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois ; effectuer des enquêtes indépendantes et impartiales dans tous les cas où les forces de sécurité ont blessé ou provoqué la mort en raison de l’usage de la force et engager sans délai, faire en sorte que l’usage de la force de manière arbitraire ou abusive par des responsables de l’application de la loi soit puni en tant qu’infraction criminelle en vertu de la loi nationale. Les officiers supérieurs doivent être tenus responsables s’ils savaient ou auraient dû savoir que leurs subordonnés ont recours ou ont eu recours à l’usage illicite de la force et s’ils n’ont pas pris les mesures en leur pouvoir pour l’empêcher, l’interdire ou le signaler.
 
Mardi 28 Avril 2015
Dakar actu




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