Réflexions sur la Caisse d’avance de la Ville de Dakar et le débat sur les poursuites judiciaires contre le Maire de Dakar


Réflexions sur la Caisse d’avance de la Ville de Dakar et le débat sur les poursuites judiciaires contre le Maire de Dakar
A l’issue de la confrontation entre le maire de Dakar et ses co-inculpés, les avocats du premier se sont laissés aller au triomphalisme en soutenant que les seconds ont dégagé toute responsabilité de leur client dans les fausses factures de riz et de mil qui servent de justificatifs pour les décaissements mensuels de 30 millions au Trésor public. Le maire en tant qu’ordonnateur, ne peut pas ignorer l’existence de ces fausses factures, car dans la procédure de liquidation, c’est lui-même qui vise ces factures et atteste de leur conformité avec le service fourni à son organisme.
De manière pratique, si le maire n’a pas produit les fausses factures, c’est lui qui les valide quand même, pour ensuite les envoyer au receveur municipal et demander le paiement en faveur du fournisseur, tout en sachant qu’il n’y a pas de fournisseur, car l’argent décaissé sur cette base lui est ensuite versé en mains propres, lui qui n’a fourni ni riz, ni mil, et cela, personne ne le nie. Donc, dire que le maire n’a pas réalisé les fausses factures n’a aucun sens, car ces fausses factures sont quand même produites à son seul bénéfice, lui sont transmises, il les authentifie et demande leur règlement avec l’argent public qui va ensuite finir dans ses poches. C’est à lui que profite le crime car les 30 millions enlevés chaque mois au Trésor public à l’aide de ces fausses factures atterrissent dans ses mains. Ce qui laisse intacte sa responsabilité dans l’affaire. Bou doul sathie, ndéyou sathie la.

Alors que ses prédécesseurs, Mamadou Diop et Pape Diop, prenaient chacun des arrêtés pour créer des caisses d’avance, Khalifa Sall, lui, n’a jamais signé d’arrêté dans ce sens depuis 2009 qu’il dirige la mairie et entretient effectivement une caisse d’avance. Il a préféré se fonder sur un arrêté pris par son prédécesseur Pape Diop en janvier 2003 et dont certains spécialistes doutent même de l’actualité juridique, pour avoir sa caisse d’avance à lui, avec l’usage scandaleux mis en lumière par l’IGE. Dès lors, on comprend aisément la recommandation de l’IGE d’ouvrir une information judiciaire sur, entre autres, les conditions de création de la caisse d’avance sous Khalifa Sall.. En tout état de cause, Khalifa Sall trouvait plus commode de s’accrocher à cet arrêté à la valeur douteuse, pour pouvoir dire ultérieurement : ce n’est pas moi qui ai créé la caisse d’avance, je l’ai trouvée ici et j’ai laissé les choses en l’état.
C’est quand même scandaleux pour un dirigeant qui a voulu construire son identité publique sur la bonne gouvernance, de s’approprier ainsi des pratiques prévaricatrices en pensant libérer sa conscience et se dédouaner devant l’opinion avec cette phrase : ce sont mes prédécesseurs qui l’ont institué. Bokou massi mo guene dou mane rek.

Les partisans du maire de Dakar soutiennent que les 30 millions mensuels de la caisse d’avance sont des fonds politiques. En plus de l’illégalité manifeste de la pratique consistant de la part du maire à s’octroyer d’autorité 360 millions de fonds politiques annuels, ne reposant sur aucun texte de droit, pas même une délibération du conseil municipal (un vrai séddalé bouki), une telle affirmation constitue un aveu public de détournement de fonds publics, car l’argent concerné figure dans les ressources budgétaires de la Ville de Dakar et est régulièrement affecté à des rubriques précises qui n’ont rien à voir avec les fonds politiques.

Les partisans du maire de Dakar évoquent une pratique instituée de longue date et qui serait reconnue même par les autorités supérieures de l’Etat (sans qu’aucune trace de cette reconnaissance ne soit produite) ; ce qui, selon eux, confèrerait une base juridique d’essence coutumière à la pratique en question. Cette théorie qui tente de trouver son fondement dans la valeur juridique de la coutume est anéantie par une simple opération de transfert et de généralisation : la valider signifierait que le ministre de la Santé, celui des collectivités locales ou n’importe quel autre ordonnateur de budget qui, à sa prise de fonctions, constate que son prédécesseur s’octroyait, en l’absence du moindre texte consacrant la légalité de la pratique, une partie du budget de son organisme au titre de fonds politiques, peut pérenniser cette pratique, qui en deviendrait de facto légale parce que relevant d’une coutume. Dans une société attachée à des valeurs, le vol ne saurait gagner ni légalité ni moralité simplement parce qu’il a été pratiqué à répétition au fil du temps 

On parle de justice sélective en faisant état de rapports bloqués parce qu’incriminant des proches ou partisans du Président. Ceux qui défendent cette thèse ne sauraient citer un seul rapport dans ce cadre. Le défi est lancé, qui ose peut tenter de le relever.

Lorsque le Président parlait d’avoir mis le coude sur certains rapports, il répondait aux critiques de certains membres du PDS qui lui reprochaient l’emprisonnement de Karim Wade, et il faisait allusion aux rapports sur le FESMAN qui incriminaient gravement Sindjely Wade. Dans une réaction humaine compréhensible par tout humain, le Président a estimé inadmissible que les 2 enfants de son prédécesseur soient envoyés en même temps en prison, même s’il faut reconnaître que c’est leur père qui les a conduits dans cette situation. Il a donc décidé de ne pas transmettre les rapports du FESMAN à la justice. Il l’a fait en toute tranquillité de conscience et en toute responsabilité, et si c’était à refaire, il referait la même chose sans hésiter.

 

Maissa Mahecor Diouf
Membre fondateur APR
Conseiller municipal à Fatick
MEMBRE DE LA COJER
Mardi 28 Mars 2017




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