Rapport 2014 de la Cour des comptes : Subventions indues, détournements et manquements dans l’attribution des logements à la SNHLM

Le rapport 2014 de la Cour des comptes qui a été rendu public hier, lors d’une conférence de presse, épingle la Société nationale des habitations à loyer modéré. De 2008 à 2012, la SNHLM a accordé beaucoup de subventions aux directeurs de cabinet du président de la République et aux acteurs politiques membres du Parti démocratique sénégalais (Pds). Autre manquement : les logements et parcelles n’ont pas été attribués dans la transparence.


 La Société nationale des habitations à loyer modéré (SNHLM) a-t-elle été la vache laitière des autorités étatiques sur la période allant de 2008 à 2012 ? En tout cas, durant cette période, révèle le rapport de la Cour des comptes qui a été rendu public hier, la SNHLM a accordé d’importantes subventions. Les principaux bénéficiaires, rapporte le document, sont des dahiras, des chefs religieux, des acteurs et partis politiques, le ministère chargé de la tutelle technique. Même la Présidence de la République a bénéficié des largesses de la société entre 2008 et 2012. « Sur demande des directeurs successifs de Cabinet du président de la République, la SN-HLM a accordé, durant la période sous revue, des subventions à la Présidence en vue de l’achat des billets d’avion pour le pèlerinage à la Mecque. Les montants s’élèvent respectivement à 4 600 000 F CFA, 4 042 000 F CFA, 4 600 000 F CFA et 4 900 000 F CFA, en 2008, 2009, 2010 et 2011 », dévoile la Cour des comptes.
 
Après la Présidence de la République, vient le ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat, tutelle de la SNHLM. Ce département, d’après la Cour a bénéficié d’appui de la Société nationale des habitations à loyer modéré pour « l’organisation d’arbre de Noël, l’achat de billets d’avion pour le pèlerinage à la Mecque, l’organisation de séminaire à Saly, l’organisation de Forum et la prise en charge d’activités diverses ».
 
Les acteurs et partis politiques ont aussi été bien gâtés par le Directeur général de la SNHLM, selon le rapport épluché par « EnQuête », Ahmadou Mokhtar Ba. Au rang des bénéficiaires figure en bonne place le Directeur de l’école libérale du PDS, Abdoulaye Ndao. Pour les journées culturelles de l’école libérale qu’il a organisées en 2010, il  a bénéficié d’une subvention de 200 000 F de la SNHLM. Simon Bassène, huissier du Président de la République d’alors, a aussi bénéficié en 2011 d’une subvention de 200 000 F de la SNHLM pour les fêtes de Pâques. Le responsable de la mobilisation du PDS pour le congrès d’investiture du Président Abdoulaye Wade, Samba Touré, a aussi bénéficié d’un appui de 1 million de  F CFA de la SNHLM. Le plus grand montant accordé à un acteur politique par cette société revient à El Hadj Sada Diallo, de l’Union des jeunesses travaillistes libérales (UJTL) de Nioro. Ce dernier a bénéficié d’appuis évalués à 1 million 300 000 F CFA pour  « l’hospitalisation de son père, le parrainage de la finale de football, le jumelage de la jeunesse libérale », indique le rapport. Vu toute cette manne financière accordée à des tiers, la Cour des comptes demande au directeur général de la SNHLM de « cesser l’octroi de subventions pour des activités n’ayant aucun rapport avec l’objet social de la société et de proscrire toute forme d’appui à des partis ou acteurs politiques ».
Détournements
En outre, le contrôle des exercices allant de la période de 2008 à 2012 de la Société nationale des habitations à loyer modéré (SNHLM) a permis à la Cour des comptes de déceler beaucoup d’incongruités dans la gestion de cette entreprise qui a en charge de construire des habitations sous forme de location-vente. Pire, des cas de détournements sont relevés dans le rapport 2014. Le plus grave, rapporte le document, c’est le cas du Directeur des affaires juridiques et domaniales M. Saliou Mbaye. Ce dernier, restitue le rapport, « percevait, chaque mois, le montant d’un loyer fictif dans le cadre de la gestion du sinistre des HLM Hann Maristes sur la base d’un faux contrat de bail ». La Cour a même évalué le montant du préjudice à 9 millions de F CFA. Le second détournement est à mettre à l’actif du chef d’agence de Ziguinchor. Oumar Traoré, souligne le document de la Cour des comptes, « encaissait directement les loyers et apports en utilisant les carnets de quittances destinés à l’encaissement des produits divers. Le préjudice est estimé par les contrôleurs à 80 millions. Le troisième cas, c’est l’agent Pape Babacar Faye. Ce dernier, qui avait accès aux dossiers des clients, présentait, d’après le rapport, « de fausses procurations et encaissait l’argent des remboursements sur les grandes parcelles ». Si ces détournements ont été possibles à la SNHLM, c’est parce que, révèlent les services de Mamadou Hady Sarr, il y a « des failles graves dans le dispositif de sécurisation des recettes ».
En outre, les contrôleurs de la Cour des comptes ont aussi noté que le Directeur général, Ahmadou Mokhtar Ba et certains de ses collaborateurs ont utilisé abusivement des bons de carburant pour des déplacements privés. Quant les experts de la Cour ont vérifié ces bons, ils ont très vite noté que « plusieurs déplacements ont été effectués pour des raisons autres que celles relatives à l’objet de la société ». « Concernant l’objet de ces missions, il est mentionné laconiquement le motif raison de service ». Aucun rapport n’est produit pour ces missions. Ces déplacements sont effectués le plus souvent le week-end », incrimine le rapport. Les principales destinations du Directeur M. Ba étaient surtout Kaolack, Nioro, Touba et Tivaouane, ajoute le document.
 
Le Pds et ses membres bien servis
 
 
 
Le rapport 2014 de la Cour des comptes note, en effet, que « la politique d’habitat est dénaturée par l’attribution de parcelles de très grande superficie sur des bases peu transparentes, sans aucune garantie ni contrôle de l’exercice déclaré ». Dans l’octroi de ces logements, même des personnes qui sont parties à la retraite ont été servies. Le rapport renseigne que dans la phase d’extension des HLM Bongré à Kaolack, Le Dg de la SNHLM à l’époque, Ahmadou Moctar Ba, a octroyé deux parcelles au Parti démocratique sénégalais qui devait y ériger son siège. Mais les contrôleurs de la Cour ont constaté que jamais cette attribution n’a été faite parce que le Pds disposait déjà d’un siège dans cette ville. Le Directeur général a repris ces deux terrains qu’il a réaffectés au chef d’agence de SNHLM Kaolack, un certain Ibrahima Kamara. Poursuivant les vérifications, les contrôleurs ont remarqué que ce dernier a vendu les parcelles à M. D. Ce même M. Kamara a aussi construit un immeuble sur les réserves de la SNHLM et a aussi deux terrains dans la cité de HLM Bongré. Après Kaolack, le Directeur général de la SNHLM a encore octroyé des terrains au Parti démocratique sénégalais à Nioro et à Saint-Louis, informe le rapport 2014 de la Cour des comptes.
Oumar Sarr dispose de 3 logements pour le prix d’un seul
En plus des affectations assez douteuses, des personnes qui ont légalement bénéficié de parcelles n’ont pas respecté le principe du paiement au comptant. Un certain Mme Anna Niang qui, à l’époque, était à la Présidence de la République, a eu à bénéficier du logement « n°4120401 de type MS4 à Saint-Louis pour le prix de 25 millions 461 023 F CFA. La Cour note que la dame n’avait effectué aucun versement ». Après Mme Niang, il y a le cas d’Oumar Sarr, ancien ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat et actuel Coordonnateur du Parti démocratique sénégalais. Dans le programme de logements de Dagana, la SNHLM a signé un contrat de vente au comptant au bénéfice du maire de Dagana pour trois logements de type MS4. Cependant, les contrôleurs de la Cour des comptes ont relevé qu’ « Oumar Sarr n’a versé que 15 millions 224 412 F CFA, soit le prix d’un seul logement ». 
Cependant, si des manquements ont été notés dans l’attribution des logements, c’est parce qu’au départ, la Cour des comptes a constaté que le Comité de direction qui devrait être composé des représentants des ministères de tutelle et de trois membres élus par le Conseil d’administration et qui devrait faire office de « commission d’attribution des logements et parcelles réalisés par la Société » ne l’a jamais fait. En lieu et place, il a été érigé une autre structure appelée  « comité de Direction » présidée par le Directeur général de la SNHLM et composée des différents directeurs ». Et c’est cette entité qui procédait aux attributions de logements et de parcelles. Ce qui constitue, d’après les contrôleurs, « une violation des dispositions de l’article 20 des statuts de la SNHLM ».
Samedi 2 Juillet 2016
Dakar actu




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