RÉVÉLATIONS SUR LES RAMIFICATIONS DE L’AFFAIRE MAKHTAR DIOKHANÉ : Comment les Boko sénégalais ont été ferrés

Les révélations du Général Cheikh Guèye sur les intentions de Mokhtar Diokhané et ses accointances avec le cancer Boko Haram sont une douloureuse réalité. Depuis l’arrestation de ce dernier, au Niger, les forces de sécurité sénégalaises ont multiplié les coups de filet qui tendent à attester que celui qui se présente comme un enseignant en arabe était un ambassadeur de l’organisation terroriste.


Les déclarations du Chef d'Etat Major Général des Armées qui a affirmé qu'un certain Diokhané avait tenté d’installer une cellule de Boko Haram au Sénégal après avoir subi une formation, font froid dans le dos.

Pourtant, le Général Cheikh Guèye a bien raison. Depuis plusieurs mois maintenant, la vigilance et la perspicacité des forces de police et de gendarmerie ont permis de mettre la main sur plusieurs personnes supposées appartenir à l’organisation terroriste. Et toutes ces personnes gravitent autour de Makhtar Diokhané.

Dans cette guerre secrète, les services de sécurité peuvent compter sur l’appui des plus hautes autorités dont le dernier acte a été de faire voter à l’Assemblée nationale, il y’a de cela quarante huit heures, une loi qui va rendre plus efficace nos vaillants services secrets qui, dans l’ombre, font face à ce fléau qu’est le terrorisme.

Selon les informations de Libération, cette loi a institué un cadre juridique qui définit les missions des services de renseignements, les moyens mis en œuvre, les mécanismes de contrôle des activités, les règles spéciales à leurs personnels ainsi que les infractions relatives au renseignement. Le premier objectif visé par ce texte est d’assurer la sécurité nationale à une période de menaces réelles où les grands pays subissent encore les attaques terroristes malgré leurs moyens techniques colossaux en renseignement.

Le deuxième objectif est d’assurer la sécurité des citoyens sans violer leurs droits et le troisième est la protection des hommes du renseignement. Car, effectivement, la menace est là.
Les enquêtes menées conjointement par la Division des investigations criminelles (DIC) et la Section de Recherches de Dakar ont effectivement permis de réunir des indices graves et concordants contre Makhtar Diokhané. L’instruction pilotée par le juge du premier cabinet a fini de confirmer les renseignements obtenus par les forces de sécurité. Que sait-on exactement sur Makhtar Diokhané ?

Les rares informations disponibles sur la notice rouge émise par Interpol indiquent qu’il est né le 17/08/1986 à Médina Gounass. Il parle l’arabe et le Wolof et il était recherché lors de l’émission de la notice pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, blanchiment de capitaux dans le cadre d’activités terroristes en bande organisée, acte de terrorisme par menace ou complot et financement du terrorisme.

Rapatrié en même temps que trois «Boko»

Makhtar Diokhané se présente, dit-on, comme un «enseignant en arabe» et c’est sans doute là tout le problème. Comme nous le révélions, courant 2015, les autorités nigériennes ont mis la main sur plusieurs combattants de Boko Haram qui tentaient de rallier la frontière après avoir quitté Sambissa où l’organisation terroriste a ses quartiers. Makhtar Diokhané qui a appris ces arrestations par divers canaux a quitté Dakar pour rallier le Niger afin de faire libérer des compatriotes qui faisaient partie du lot des personnes arrêtées.

Signalé par les autorités sénégalaises qui le filaient depuis un bon moment, il a été arrêté et écroué au Niger en même temps que les compatriotes interpellés à savoir Cheikh Ibra B., Ibrahima M. et Omar Y...
Selon Libération, tous les trois ont avoué avoir combattu pendant un an pour Bokko Haram en plus de préciser qu’ils ralliaient le Sénégal sur demande de leur «encadreur», Diokhané en l’occurrence. Ils ont été extradés à Dakar et écroués dans le secteur aménagé de la prison du Camp Pénal de Liberté VI.

Pourtant, Diokhané nie être un combattant mais reconnaît avoir enseigné le Coran à des membres de Boko Haram qui le rémunéraient en conséquence. Les services sénégalais croient savoir que Makhtar Diokhané, dont l’homme à tout faire Leyti Niang a été intercepté à Rosso, est plus impliqué que ce qu’il tente de faire croire. Il apparaît plutôt comme un «ambassadeur» de l’organisation terroriste dont le but était manifestement d’installer une cellule au Sénégal. Plusieurs témoignages l’attestent formellement aujourd’hui.

Déjà, pour un «enseignant en arabe», il disposait de sommes colossales dont l’origine intrigue. Il a ainsi remis 11 millions de FCfa à un entrepreneur, écroué dans le cadre de la procédure, pour construire une mosquée alors que 8 millions étaient saisis lors des perquisitions effectuées dans son domicile. Ce, en plusieurs envois effectués en faveur de Marième C., son épouse qui a joué un rôle très actif dans une autre affaire débusquée par les autorités judiciaires.

Marième C., femme fatale?

En effet, en poursuivant les investigations dans le cadre de ce dossier, les forces de sécurité ont arrêté le nommé Moustapha Diatta qui venait de sortir alors de la mosquée de «Masjid Juma» ou «Mosquée Ibadourahmane» sise à Fann, vers le Canal 4, où il accomplissait la prière de «Timiss». Ce «vendeur d’aquarium», qui habite la Sicap Karack est soupçonné d’avoir convoyé en Libye la nommée Ndèye Sy K., ses trois enfants mineurs et son mari, Ameth B. dit Zaid Ba, tué à Syrte.

Au cours des investigations, les enquêteurs établissent des liens entre Diatta et un certain Aboubacary N., vivant en Mauritanie. Celui-ci est considéré comme un membre d’une cellule terroriste dirigé par Mohamed N. alias Abou Youssouf. Grâce à la coopération policière, Mohamed N., Aboubakry N. et six autres personnes sont arrêtées en Mauritanie, extradés sur Dakar avant d’être placés sous mandat de dépôt.

Dans le groupe des personnes interpellées, on retrouve Lamine C. dit Abu Javaar qui a reconnu avoir combattu dans les rangs de Boko Haram. C’est justement de ce dernier qu’est partie l’affaire dite des terroristes présumés interpellés à Yoff Tonghor.

Dans le cadre de cette enquête, les frères A. C. dit Abdallah (élève en classe de première) et P. K.C (élève en classe de terminale) ainsi que El Hadji M. B. (étudiant) et T. S. N.B (élève en classe de première), tous domiciliés à Yoff Tonghor, ont été mis en examen et écroués. Ce sont les déclarations faites par Lamine C. lors de son interrogatoire qui ont permis l’arrestation de ces quatre personnes.

Libération a appris que Lamine C. a avoué aux enquêteurs que ce sont les susnommés qui l’ont convaincu de rejoindre les rangs de Boko Haram en plus de lui avoir fourni les moyens financiers pour rallier le Nigéria.

Les aveux du combattant Lamine C.

Après son brevet de fin d’études en arabe obtenu dans un village du Fouta, Lamine C. est venu poursuivre ses études à Dakar. A cet effet, il avait posé ses baluchons chez son grand-père M.C. à Yoff. Et c’est en ce moment qu’il fait la connaissance des petits fils de ce dernier à savoir A. C. et P.K.C et de M.B.

A ses dires, ces derniers faisaient des prêches sur le Jihad dans une mosquée faisant face à la maison familiale des C., en plus de justifier les horribles exactions commises par le cancer Boko Haram. Mieux, ils finiront par le convaincre de rejoindre le théâtre des opérations au Nigéria. C’est d’ailleurs M.B. qui donnera à Lamine C. 150.000 de FCfa pour le transport.

La même somme sera remise à une personne qui était du voyage : Marième S, l’épouse de Makhtar Diokhané. Lamine C. avait ajouté qu’après avoir combattu dans les rangs de Boko Haram, il est revenu au Sénégal où il était hébergé par M. B. Par la suite, il est parti en Mauritanie - d’où il a été arrêté - pour reprendre ses études coraniques. Il précisait que lors de son séjour, A. C. est revenu à la charge pour l’appeler au téléphone et lui proposer de reprendre le Jihad, en Libye cette fois-ci. A. C. lui avait assuré qu’il disposait déjà des fonds pour financer le voyage. C’est fort de toutes ces informations que les enquêteurs sénégalais ont mis en place une discrète surveillance autour des quatre mis en cause présumés qui faisaient l’objet d’une «prise en charge» permanente. Qui plus, les forces de sécurité avaient été informées, presque durant la même période, que les quatre suspects se remarquaient de plus en plus par des prêches extrémistes dans la mosquée faisant face au domicile des frères C.
 
Jeudi 8 Décembre 2016




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