Quand le FMI désavoue le Président Macky Sall

Dans un rapport rendu public le 18 septembre 2013, le Fonds monétaire international (FMI) fait l’état des lieux de la situation macroéconomique de notre pays. Le document a été élaboré à la suite d’une mission qui a séjourné chez nous dans la première quinzaine du mois de septembre dans le cadre de la sixième Revue de l’accord triennal au titre de l’Instrument de Soutien à la Politique Economique (ISPE). Dans ledit rapport, l’institution de Bretton Woods mentionne : « Les développements macroéconomiques récents ont été globalement en ligne avec les projections du programme. Les indicateurs infra-annuels d’activité suggèrent que la croissance du PIB pourrait être d’environ 4 % en 2013, après 3,5% en 2012. L’inflation a été très modérée jusqu’à présent en 2013, avec une hausse des prix à la consommation inférieure à 1 % en glissement annuel. Les échanges commerciaux se sont traduits par une légère
réduction du déficit commercial en 2013, à la faveur d’une progression rapide des exportations et d’une hausse modeste des importations ».


Quand le FMI désavoue le Président Macky Sall
La croissance de notre PIB pourrait connaître à l’horizon 2014 une légère augmentation selon les prévisions du FMI. Lequel lie une telle perspective à certains facteurs positifs dont un environnement international moins défavorable, l’amélioration de la situation sociopolitique dans la sous-région et la bonne pluviométrie enregistrée.
Globalement, le FMI est d’avis que « tous les critères d’évaluation quantitatifs et objectifs indicatifs du programme à la mi-2013 ont été respectés », y compris l’atteinte de la cible de déficit budgétaire de 5,9% pour le première fois au Sénégal en dépit de moins-values de recettes.
Force est de reconnaître qu’un tel résultat est à mettre à l’actif du gouvernement d’Abdoul Mbaye qui a eu à travailler d’arrache pied pour en arriver là. Le mérite du premier gouvernement du Président Macky Sall est d’autant plus grand que nul n’ignore l’état dans lequel se trouvaient nos finances publiques à l’avènement de ce dernier. En effet, dès sa constitution, le tout nouveau gouvernement issu de l’alternance politique du 25 mars 2013 s’est attelé à faire face à des urgences tous azimuts. Il s’agissait, entre autres, de gérer la délicate question de la campagne agricole. Le budget 2012 n’avait rien prévu à ce niveau car le régime d’alors se souciait plus de son budget de campagne électorale que du sort de nos paysans. Il a fallu beaucoup d’imagination et procéder à certains arbitrages pour sauver la campagne agricole. Le paiement des salaires à bonne date était, également, un casse-tête pour le gouvernement de Mbaye. Là, aussi, l’ex-Premier ministre, l’argentier de l’Etat et le ministre du Budget d’alors ont tellement fait preuve d’abnégation et d’efficacité dans le travail qu’il n’y a jamais eu de retard de salaires, encore moins d’arriérés de salaires dans la Fonction publique. Au contraire, après quelques mois de gestion, les fonctionnaires ont été heureux de constater une diminution notable de l’impôt sur leur salaire impactant du coup sur leur net à percevoir. Dans la foulée, le salaire de l’enseignant vacataire est passé de 110 000 à 150 000 F Cfa. C’est là une satisfaction d’une vieille revendication des syndicats qui s’offusquaient de l’augmentation des salaires qui n’était jamais accompagnée de la baisse des impôts. Les autres urgences avaient pour nom : l’apurement de 150 milliards de dettes aux fournisseurs de l’Etat, la revue à la hausse de la subvention Energie à hauteur de 65 milliards pour ne pas augmenter les tarifs d’électricité et, aussi, permettre au Président Sall de tenir sa promesse de campagne de baisser les prix des produits de première nécessité. Ce qui a été fait.
En somme, « les banquiers » qui étaient tant décriés par des oiseaux de mauvais augures avaient pout ambition de reconstruire un socle macro-économique plus solide fondé sur une politique prudente des finances publiques tout en faisant redémarrer l’activité économique et en maîtrisant l’inflation. Leur souci était, également, de (re)profiler la dette publique pour la rendre plus viable à long terme pour notre économie et réduire ainsi le poids devenu exorbitant de son service sur les finances publiques. Au final, il y a eu un gain de onze milliards réalisé dès la fin de l’année 2012 grâce à la baisse des taux d’intérêts et au rallongement des échéances et des délais de grâce.
C’est au regard de ce travail positif effectué par le gouvernement précédent que le Fonds monétaire international a exprimé son satisfécit. Aussi, les conclusions de sa mission au lendemain du limogeage de ses figures de proue, en l’occurrence Abdoul Mbaye et Amadou Kane, sonnent-elles comme un désaveu de l’institution de Bretton Woods vis-à-vis de l’actuel Président de la République du Sénégal.
Aujourd’hui, le Président Macky Sall a pris sur lui de donner une orientation politique à son action en ne choisissant dans son gouvernement que des personnes issues de sa famille politique ou appelées à en être membres. Aurait-il, ainsi, renoncé à son slogan « La patrie avant le parti !», lui qui disait que, peu importe qu’il soit réélu ou pas, l’essentiel étant de satisfaire les préoccupations des Sénégalais ? Tout porte à le croire.
Au-delà des considérations liées à la bonne gouvernance, il y a lieu véritablement de s’interroger sur les compétences managériales de nos chefs d’Etat, notamment sur la gestion de nos ressources humaines. Autrement, comment comprendre que de dignes fils du Sénégal ayant des compétences reconnues tant au niveau national qu’international ne soient pas associés à la gestion du pouvoir. Ou, s’ils le sont, c’est toujours de courte durée. Que reproche-t-on à Mbaye et Kane ? D’être des banquiers n’ayant pas d’expérience de la gestion des finances publiques ? Quel argument fallacieux ! N’ont-ils pas réussi à rendre les clignotants verts avec des finances publiques bien assainies ? Oublie-t-on que ces messieurs ne sont pas de piètres banquiers, mais des banquiers hors-pairs et que les établissements financiers dont ils ont eu la gestion sont des plus illustres au Sénégal comme à l’échelle continentale ? Oublie-t-on ou ignore-t-on que dans ces banques les Etats ont des intérêts et qu’il faut une certaine culture des finances publiques pour gérer ce partenariat public-privé dans l’intérêt des deux parties ? Pour le cas de Amadou Kane, il y a lieu de noter son passage à la BOAD où il a eu à être le répondant des Etats membres et, à ce titre, il participait à toutes les réunions du Conseil des ministres.
A la lumière de ce qui précède, on note, pour le regretter, cette caricature des banquiers qui ne sont aptes qu’à la tâche de recherche effrénée de profits. Pourtant, chaque fois que la situation économique nationale est alarmante, on fait appel à eux. Conscient de l’ampleur des dégâts, Macky Sall, sitôt arrivé au pouvoir, s’est attaché les services de deux technocrates compétents et rigoureux pour remerttre le pays sur les rails. Ce fut le cas de son prédécesseur qui n’hésita pas à débaucher, à la Banque mondiale, Makhtar Diop, le premier ministre des Finances sous l’ère Wade. Ce brillant Sénégalais qui fait, aujourd’hui, la fierté de l’Afrique, était appelé aux premières heures de l’alternance pour gérer une situation économique jugée catastrophique par l’ex-régime libérale. Qui ne se rappelle pas, aussi, de Pape Ousmane Sakho choisi à un moment donné par Abdou Diouf pour redresser la situation et dont le « Plan Sakho-Loum » resté célébre, avait fini d’ôter le sommeil aux travailleurs ?
En vérité, c’est un complexe que nourissent les hommes politiques vis-à-vis de cette classe de technocrates. Imbus de leur personne et soucieux de garder une certaine ascendance sur ceux-là censés être à leur service exclusif, nos gouvernants souffrent de l’aura de leurs ministres apolitiques perçus comme de potentiels challengers. Qui, plus est, ont la réputation d’être des hommes jaloux de leur indépendance au point de préférer rendre le tablier plutôt que de courber l’échine, fut-il devant un Président de la République. Ce sont pourtant ces hommes dont notre pays a besoin pour espérer figurer dans le tableau des Etats émergents. Hélas, nos Présidents, eux, préfèrent d’autres profils : des imcompétents et des laudateurs. Résultats : la fuite des cerveaux.
 
Ababacar Ndiaye
abkrndiaye@gmail.com
 
Lundi 30 Septembre 2013




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