Problématique du logement au Sénégal : Réalités et perspectives


Problématique du logement au Sénégal : Réalités et perspectives

L’accès à un logement décent et au juste prix est une des préoccupations majeures de la population Sénégalaise.
Que ca soit en qualité de locataire, de primo-accédant à la propriété, d’investisseurs immobilier ou d’intermédiaires et autres intervenants du secteur du logement, les enjeux sont multiples et les problèmes récurrents et se posent avec une grande acuité qui nous interpellent d’une façon ou d’une autre.
D’où tout l’intérêt de notre contribution en essayant d’analyser les efforts qui ont été fait pour l’accession au logement au Sénégal et dégager des pistes de réflexions et de solutions modernes en matière de politique d’habitat.
Depuis le transfert de la capitale de Saint Louis à Dakar et à la suite de l’indépendance, il s’agissait pour l’Etat de mettre en place une politique sociale de l’habitat par la création de structures parapubliques pour faciliter la production de logements et permettre l’accès à un plus grand nombre d’agents de l’Etat et de particuliers.
C’est ainsi que nous avons assisté à la naissance des sociétés telles que la SICAP (Société Immobilière du Cap Vert) ; la SNHLM (Société Nationale des Habitations à Loyers Modérés), qui ont été les bras armées de l’Etat dans sa politique de production de logements et d’accession à la propriété.
Ainsi parallèlement à l’offre de logements proposée par les propriétaires bailleurs sur un marché relativement naissant, les promoteurs publics de l’époque avaient pleinement joués leur rôle avec la mise sur le marché de logements décents avec des conditions d’accessibilité favorables.
En effet un fonctionnaire pouvait facilement disposer d’une maison dans les SICAP ou HLM moyennant un modeste loyer (Entre 5000 et 15000 francs CFA) en location simple ou location vente.
Ainsi selon les données publiées par le Ministère de l’économie et des finances du Sénégal, le cumul du nombre de logements réalisés par les promoteurs publics de 1970 à 2002/2003, s’établit à 27 50 logements dont 24 6 56 dans la seule région de Dakar et 2994 dans les autres régions du Sénégal.
La SICAP a réalisé les 12 918 logements et la SNHLM 11 738 logements.
Quant aux promoteurs privés, particuliers et autres, le cumul du nombre de logements construit de 1982 à 2000, s’élève à 27 425 logements dont une large proportion est le fruit de coopératives d’habitat et autres particuliers qui ont bénéficiés de financement.
Ainsi ces promoteurs publics interviennent sur toutes les étapes de la production de logements : aménagement du terrain, construction de logements, gestion du parc locatif et du parc à rétrocéder en accession à la propriété, la réalisation d’équipement collectifs.
A ce niveau il faut aussi saluer l’effort de la Banque de l’Habitat du Sénégal, principal instrument financier crée en 1979 et intervenant dans le logement en finançant les promoteurs publics et privés et en facilitant aux ménages et autres particuliers l’acquisition de nouveaux logements.
En 2002, le montant des financements de la BHS, à court, moyen et long terme, s’élevait à 40 426 707 Milliards de francs CFA.
Depuis les années 2000, nous avons remarquée un net retrait des promoteurs publics au profit du privé (Société de promotion immobilière, exemple SIPRES, ou propriétaires bailleurs dont une bonne partie est constituée d’émigrés préparant leur retraite par un investissement rentable dans l’immobilier.
Depuis ces deux dernières décennies nous notons une forte croissance de la production de logements essentiellement de la part des promoteurs privés et des particuliers, propriétaires bailleurs.
Aujourd’hui quand nous parcourons les rues de Dakar et sa banlieue, on a comme l’impression que les immeubles poussent comme des champignons.
Cette forte croissance n’a pas manqué d’engendrer des dysfonctionnements et des distorsions (forte spéculation foncière, rareté des réserves foncières à Dakar, flambée des prix de l’immobilier, manque de respect des normes de construction et des règlements d’urbanisme et d’habitat, accès au financement, absence de professionnalisme et d’intervenants de qualité etc.)
Autant de problèmes qui interpellent en premier lieu l’Etat, premier gestionnaire des sols et garant de la stabilité économique et sociale ainsi que les différents acteurs du secteur de l’immobilier et du BTP d’une manière générale( société de promotion immobilière, agences immobilières, courtiers, entreprise de Bâtiments et travaux publics, architectes, bureaux d’études et de contrôle, propriétaires bailleurs et consommateurs.)
Quand nous regardons le visage de la capitale nous avons l’impression que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes mais une analyse objective nous amène à pointer du doigt toutes ces imperfections et insuffisances soulevées plus haut et qu’il urge d’apporter des solutions opérationnelles et efficaces pour développer la production de logements à même de satisfaire une demande de plus en plus soutenue et exigeante.
Dans cette perspective nos textes juridiques réglementant le secteur, en parfaite désuétude, doivent être revisités et adaptés au monde moderne pour le plus grand bien du consommateur et contribuable sénégalais.
Malgré cette course poursuite vers la production de logements aussi biens des particuliers, des bailleurs privés et des promoteurs publics ou privés, la demande d’environ 100 000 logements est insatisfaite.
Aujourd’hui nous avons à Dakar, selon les données de l’association des Consommateurs Sénégalais, un parc de logements de 301 000 logements dont 181 000 en location (70% sont des chambres), représentant un marché de 107 Milliard de francs CFA.
Pour répondre à la demande il faut environ plus de 1000 logements par an.
Cette situation spéculative explique l’envolée du niveau des loyers et entame lourdement le pouvoir d’achat des ménages.
Dans ce sens, la récente loi 04, 2014, portant baisse des loyers a été adoptée et promulguée après une large concertation avec les différents acteurs impliqués.
En effet même si la loi a été diversement appréciés par les bailleurs et professionnels de l’immobilier, il n’en demeure pas mois que la baisse de 29% est de nature à soulager les ménages confrontés aux difficultés des loyers et plus particulièrement dans la région de Dakar qui a connue un accroissement continue de sa population ces dernières décennies, en relation avec l’urbanisation croissante, l’exode rural et l’arrivée d’un flux important d’immigrants.
La problématique du logement à Dakar n’est pas seulement une question de production mais aussi d’accès au logement.
Pour redynamiser la production de logement aussi bien social que le moyen et grand standing, plusieurs propositions ont été faites.
Pour les promoteurs privés, des mesures institutionnelles, législatives et réglementaires doivent être prises pour lever les obstacles qui freinent le développement du secteur.
Notre expérience et expertise professionnelle de plusieurs années en Europe et en Afrique du Nord, nous a amené à pratiquer des outils en matières d’urbanisme prévisionnel et opérationnel ainsi que des techniques d’ingénierie financières et immobilière pour développer l’offre de logements et participer à la rénovation ou restructuration urbaine de nos localités.
Sur le plan de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire nous pensons qu’à défaut de création d’une nouvelle capitale pour désengorger Dakar, l’extension vers la plateforme de Diamniadio et Diass, avec la réalisation d’infrastructures et superstructures telles que l’autoroute à péages, l’aéroport, l’université, centre de conférences va se poursuivre dans la plus grande transparence et concertations pour prendre en compte toutes ces préoccupations soulevées.

Nous avons la une chance exceptionnelle de produire de nouveaux programmes immobilier aussi bien résidentiels, qu’industriels et touristiques dans de nouveaux centres urbains aux normes et standards internationaux pour réguler la pression du marché du logement à Dakar, attirer des investissements étrangers et booster l’industrie touristique avec les atouts naturels que possèdent notre pays.
A Dakar, face à la rareté du foncier, une meilleurs utilisation de l’espace par des constructions en hauteur dans les règles de l’art, ave c les meilleures conditions de sécurité et de durabilité est à encourager.
A titre d’exemple à l’image de ce qui se fait au Maroc et plus particulièrement à Marrakech, ou le centre ville Gueliz est essentiellement constitué d’immeubles résidentiels d’au minimum R+5 réalisés par des professionnels qui les revendent en copropriété par l’intermédiaire des agences ou courtiers.
En effet au Sénégal, l’Etat pourrait mettre à la disposition des promoteurs des terrains ou zones à aménager avec un cahier de charges bien précis et en totale transparence pour favoriser une production de logements aux normes et à des conditions accessibles et dans un cadre de vie agréable.
La construction d’immeubles d’habitation a cessé pour une large part d’être une affaire individuelle pour devenir une affaire collective et professionnelle.
La complexité des taches à accomplir (d’ordres financiers, techniques et administratifs), les multiples formalités, autorisation à observer justifient de plus en plus l’intervention de professionnels.
Sur le plan de la fiscalité immobilière des niches de solutions existent pour développer l’offre de logements dans nos villes.
Autre exemple en France, nous avons eu plusieurs lois de défiscalisation immobilière qui ont eu pour objet d’inciter à l’investissement immobilier pour soutenir la demande en logement et principalement l’offre de biens mises en location dans les grands centres urbains.
Les plus populaires ont été la loi Malraux pour les centres anciens et les Monuments Historiques, la loi LMP et LMNP (Loueur Meublé Professionnel et Loueur Meublé Non Professionnel), la loi Borloo, le régime du Déficit Foncier.
Ces dispositions sont en parfaite harmonie avec le Code Général des Impôts et permettent de déduire le montant des travaux d’entretien, de réparation et d’amélioration engagés sur des immeubles d’habitation.
Au Sénégal, nous pensons qu’une fiscalité intelligente et consentie peut être trouvée pour les différents acteurs du secteur du logement et de la construction pour servir de levier à la rénovation urbaine par la réhabilitation du parc de logements, la production de nouveaux logements et l’amélioration du cadre de vie des citoyens.
Le secteur de l’immobilier étant stratégique vue son importance dans la production nationale, une véritable politique de l’habitat doit être poursuivie.
D’un point de vue économique, l’activité génère un nombre d’emplois considérable dans le secteur du bâtiment en ses diverses branches, et indirectement car il faut équiper les logements édifiés par des achats de meubles, d’appareils électroménagers etc.
Les immeubles construits doivent être vendus ou gérés par des professionnels de l’immobilier, administrateurs de biens, gestionnaires de copropriété, ce qui crée encore des emplois dans le secteur.
On connait le dicton « quand le bâtiment va, tout va »
Mamadou Mamoune Diagne
Agent et Expert immobilier
Diplômé de l’Institut de la Construction et de l’Habitation ICH, Montpellier

Jeudi 26 Juin 2014
Mamoune Diagne




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