Président Trump, semaine 9 : stupeur et détachement

Le président a commenté son échec de réforme de l’Obamacare comme s’il n’était pas le sien. La veille, un entretien accordé au « Time » avait déjà distillé cette impression de mise à distance permanente.


La défaite attire peu. Ils n’étaient que trois dans le bureau Ovale, vendredi 24 mars, après l’enterrement d’une réforme de santé promise depuis sept ans, tuée par les divisions internes républicaines. On avait connu les lieux plus fréquentés, les premières semaines, lorsqu’on allait voir ce qu’on allait voir.

L’entourage des conseillers formait alors régulièrement un arc-de-cercle autour du président, assis derrière le Resolute desk, cadeau mobilier de la reine Victoria, et Donald Trump apposait sa signature au bas d’un document. Il le montrait ensuite à la presse massée face à lui, sous les regards admiratifs de son public. Le bilan de son prédécesseur, Barack Obama, pouvait numéroter ses abattis.

Vendredi, le président n’était encadré que par le secrétaire à la santé, Tom Price, impuissant face à l’aile droite républicaine malgré l’expérience de douze années passées à la Chambre des représentants, et par le vice-président Mike Pence, ancien héraut d’un Tea Party resté sourd aux appels à la responsabilité. Muets l’un comme l’autre, comme on peut l’être quand il n’y a pas de mots. Donald Trump n’avait rien à signer, mais il avait disposé face à lui une feuille de papier portant quelques notes, seule trace d’activité humaine sur un bureau désertique, avec deux combinés téléphoniques, un coffret et un ouvrage consacré à des décorations militaires.
Deux semaines plus tôt, à la Brookings, un ancien de l’administration Clinton, Bill Galston, avait recouru à une métaphore ferroviaire pour nous expliquer l’enjeu représenté par la réforme de santé. « Il s’agit du premier d’une série de convois et il n’y a qu’une voie. Donc si le premier train reste bloqué sur les rails, c’est un problème », avait-il euphémisé.

Deux mois de demi-vérités et de vrais bobards

Après le déraillement dudit premier convoi, on aurait pu s’attendre à une colère présidentielle. C’est pourtant presque avec détachement que le président a commenté son échec, comme s’il n’était pas vraiment le sien, mais relevait des rites d’une peuplade qui lui serait restée étrangère, en dépit de quelques efforts de communication. M. Trump a souhaité benoîtement l’implosion du système de protection sociale mis en place par son prédécesseur, imparfait de l’avis de tous, comme s’il ne concernait pas le sort de millions d’administrés, dont une bonne partie lui a apporté ses suffrages en novembre, convaincue qu’elle n’avait rien à perdre avec l’autoproclamé roi...

Le Monde 
Dimanche 26 Mars 2017




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