Pourquoi Jacques Chirac estime être passé à coté de sa vie

Il rêvait d’être Corto Maltese, mais deviendra président de la République. Portrait atypique de Jacques Chirac où l’on apprend que l’ancien président pense être passé à côté de sa vie. A près de 83 ans, toujours en tête des sondages, Jacques Chirac voulait en fait prendre une autre voie que celle de l’ENA.
Dans les années 1950, Chirac, alors élève au lycée Carnot à Paris, est fasciné par les chefs d’œuvre venus d’Orient du Musée Guimet. Il sèche régulièrement les cours pour passer ses après-midis dans ce temple de l’art asiatique et n’a qu’une obsession : apprendre le sanskrit. Trop complexe, ce sera le russe qu’il apprendra finalement grâce à un certain Vladimir Belanovitch, un ancien diplomate originaire de Saint-Petersbourg.
Jacques Chirac l’anthropologue ?
“Oncle Vladi”, viendra même habiter chez les Chirac. Ce “précepteur” fera du jeune Jacques un russophone confirmé. Il met au défi le jeune homme de traduire Pouchkine. A 20 ans, il propose la traduction des deux ouvrages à des grands éditeurs parisiens. Sans succès. Pierre Péan, auteur d’une biographie intime de Jacques Chirac l’assure :

“S’il avait été publié, sans doute la trajectoire de Chirac aurait-elle été complètement différente. Aurait-il embrassé une carrière d’éminent philologue, voire d’anthropologue, ou bien éditeur de livres anciens ?”

A cette époque, l’ex président rêve d’aventures et veut marcher sur les traces de civilisations disparues. L’écrivain et éditeur Jean-Luc Barré, qui a collaboré à la rédaction des Mémoires de l’ancien président raconte :

“Durant l’été 1950, à 17 ans, sans prévenir sa famille, après avoir décroché son baccalauréat, il embarque sur un vraquier, au Havre, comme pilotin (apprenti marin, NDLR).  Il aurait pu s’enfuir sur une goélette, un bateau de croisière. Il est parti sur se ce qu’on surnomme un ‘cheval de trait des mers’, un genre de tanker de 5 000 tonnes qui transportait du minerai de fer. Il voulait jouer les loups de mer, mais à la dure. Il larguait les amarres sans doute pour longtemps.”

Seulement voilà, Abel François Chirac, son père, directeur de la société aéronautique “Potez”, ami de Marcel Dassault, a d’autres ambitions pour fils rêve de le voir dans le domaine de l’aviation après un passage à Polytechnique.
Jacques Chirac obéit. Il fera Sciences Po Paris, l’ENA, et entamera une carrière politique, un peu malgré lui. Mais sa passion pour les civilisations anciennes sera son jardin secret.
Agathe Sanson, qui fut son attachée de presse à l’Elysée durant de longues années témoigne :
“Pour lui, par exemple, Christophe Colomb n’était pas un héros, mais un des plus grands assassins de l’histoire de l’humanité. Il a osé le dire, à la stupéfaction générale, au roi Juan Carlos, lors du 500^e anniversaire de la découverte des Amériques. A l’Elysée, nous avons commencé à percevoir sa véritable nature. Son goût pour la dynastie Ming, en Chine, pour le Japon aussi, bien sûr, mais en fait pour toutes les civilisations primitives. Pendant son premier mandat, il a fait aussi plusieurs voyages chez les Inuits, en toute discrétion. Avant de déclarer sa candidature, en 1995, il est parti faire une retraite dans la montagne, au Japon.
Source: Les Inrocks