Pierre Buyoya : " Si on veut combattre le terrorisme, il faut donner aux pays les moyens de la faire (...) Les africains s'en sont pris au terrorisme trop tard (...) Ce qui se passe au Burundi m'attriste beaucoup "

Dans cet entretien, Pierre Buyoya, ancien président burundais et actuellement haut représentant de l'Union africaine pour le Mali et le Sahel, est revenu sur son intervention au forum de Dakar pour la paix et la sécurité en Afrique.
Il est revenu sur la menace terroriste qui secoue le monde mais aussi a donné des solutions pour la combattre. Il est revenu sur le discours du président Macky Sall et aussi sur la situation qui prévaut actuellement dans son pays le Burundi.


DAKARACTU : Pourquoi avoir poussé ce cri assez fort ce matin? 

Pierre Buyoya : D'abord c'était la question à discussion. On discutait de comment renforcer les armées africaines en particulier celles de la bande sahélo-saharienne pour lutter efficacement contre le terrorisme. Je constate que c'est une position engagée et que les armées de ces pays sont engagées mais il y a un sérieux problème d'équipement. Si on dit que la menace à laquelle on fait allusion est une menace globale, c'est à dire une menace pour l'Europe, pour la communauté internationale au sens large, il faut aussi que des moyens soient donnés à ces pays pour contrecarrer cette menace là. Je trouve qu'il y a là, une contradiction, une sorte d'incohérence parce que si la menace est globale comme on le dit, on doit donner les moyens à ceux qui doivent la combattre. J'ai donné l'exemple de ce qui est fait en Syrie, en Iraq où on voit des coalitions internationales qui d'ailleurs sont les premières offrant des gens qui viennent bombarder et cela coûte extrêmement cher des bombardements. 
Je l'ai dit, une journée de bombardements en Iraq pourrait équiper tous les pays du Sahel. Alors voilà la logique sur laquelle je suis basé. 

DAKARACTU : Pensez-vous que les pays sahélo-sahéliens peuvent y parvenir si les moyens ne sont pas là? 

Pierre Buyoya : On y parviendra. D'abord on n'a pas le choix que d'y parvenir. Vous voyez l'histoire de Boko Haram, à un moment donné, les gens disaient que Boko Haram était invincible. Mais que les pays ont décidé d'y aller de façon déterminée avec l'appui de la communauté internationale, le résultat est là, Boko Haram est en perte de vitesse. Je suis sûr qu'ils pourront vaincre Boko Haram à terme. On n'a pas le choix, il faut y aller et c'est pourquoi je milite pour que ces pays soient soutenus. 

DAKARACTU : Qu'est-ce qui vous a le plus marqué depuis que vous avez cette fonction de parcourir les pays en ayant connaissance de la situation?

Pierre Buyoya : Ce qui m'a le plus marqué c'est que les africains, nous avons réagi assez trop tard face au terrorisme. On a attendu trop qu'on soit frappé par exemple le Aqmi qui a frappé le Mali en 2012. Si on avait eu cette stratégie de mutualiser nos efforts, on aurait pu vaincre ces terroristes. On aurait pu les attaquer avant qu'ils n'attaquent le Mali. Mais on est venu tard et que la prise de conscience a été progressive. Là, je crois qu'elle est arrivée et c'est le fruit de tous les débats que nous avions eu depuis des années. Je suis le représentant de l'Union Africaine pour le Mali et le Sahel et ces débats nous les faisons depuis plusieurs années. On voit une prise de conscience. Pour moi, l'indication, c'était le discours du président Macky Sall qui a montré clairement que les chefs d'Etat ont compris qu'il y a une menace contre laquelle il faut se tourner collectivement. Pour moi c'est le début de la victoire. 

DAKARACTU : Les motivations du terrorisme en Afrique avec un taux de fécondité et de chômage très élevé...

Pierre Buyoya : Non moi je suis pas d'accord qu'on fasse cette liaison avec le Terrorisme. La démographie c'est un autre problème. C'est un problème de développement. Alors comment résoudre ce problème c'est connu. La Chine l'a fait, l'Inde aussi. Le jour où les femmes iront à l'école et qu'elles seront formées, je vous assure que le taux de fécondité va diminuer de lui-même.

DAKARACTU : La situation du Burundi après Buyoya...

Pierre Buyoya : La situation qui prévaut au Burundi m'attriste et attriste beaucoup de concitoyens. Mais vous savez aussi la lutte pour la paix, c'est une lutte permanente. Si à un moment donné vous baissez la garde, vous perdez la paix et c'est ce qui nous est arrivé. Nous qui? Ce sont ceux-là même qui sont en charge de la paix et de la sécurité, c'est à dire les dirigeants. 
Il faut revenir à la raison et se battre pour rétablir la paix. La situation est déjà compliquée et c'est visible. 

DAKARACTU : Crainte pour un génocide...

Pierre Buyoya : Bon le danger de génocide est là. Heureusement qu'il n'est pas consommé parce que on a eu la mobilisation de la communauté internationale. Mais je pense que les efforts pour encore prévenir sont encore nécessaires. Le danger est encore réel. C'est que tous les rapports des organisations donnent. 
Mercredi 7 Décembre 2016




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