Passations de service : Faut-il clore le folklore ?


C’est l’une des tares de la démocratie tropicale où, de plus en plus, le traditionnel porte ombrage à l’officiel : les cérémonies de passations de service, qui devaient être des moments de recueillement sur le caractère sacré de l’État, sont transformées en meetings politiques où des sortes de gladiateurs exhibent leurs biceps pendant que les griots chantent les louanges des « heureux » nommés.

En effet, lors de la cérémonie d’installation du nouveau ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye, on avait l’impression d’être dans une séance d’intronisation du Bourba Djolof du fait des hauts faits d’armes des griots et militants venus des quatre coins du Sénégal pour marquer leur admiration aux deux membres du gouvernement qui se passaient le voile à la Place Washington.  Le tohu-bohu était si indescriptible que le matériel d’un journaliste-cameraman a été chipé par des hôtes mystérieux.

De la même manière, mardi passé, c’était comme au « Grand Théâtre » au  siège du ministère de la Jeunesse au moment où le ministre sortant Mame Mbaye Niang transmettait le témoin à son successeur Pape Gorgui Ndong. On se croirait à une assemblée de la Convergence jeunes républicains (COJER) où les militants, à qui mieux mieux, rivalisaient d’ardeur. Comble de ridicule, le préposé au micro-central a commis une grosse bourde en révélant que l’ex-ministre de la Jeunesse a recruté 69 chargés de mission comme s’il était dans le secret des dieux. Croyant rendre service au destinataire de ses éloges sous les hurlements des tambours, ce dernier a démontré comment la compétence politique est privilégiée dans les ministères au détriment de la compétence technique.

Hier, les Sénégalais ont assisté à une vraie passe d’armes au ministère du Tourisme entre Mame Mbaye Niang et le magnat du secteur Racine Sy, patron du King Fahd Palace. Celui-ci s’est permis de faire entorse au protocole en s’adressant à « son supérieur hiérarchique direct », à savoir le ministre Niang, en des termes, empreints de condescendance et indignes de la solennité qui s’attache au prétexte.  

Ce matin, la foule était tellement nombreuse à la devanture du siège de la Caisse des dépôts et consignations que même la presse, qui a le supplice de Tantale dans le Tartare, n’a pu accéder aux lieux. Préférant tout bonnement bouder la cérémonie.

Dans la plupart des cas, des embouteillages se forment à travers les rues de Dakar à cause des nombreux véhicules, dont certains projettent un luxe ostentatoire à l’endroit du pauvre Gorgorlou.

C’est dire que la « gouvernance sobre et vertueuse », qui, dans les discours, était en honneur au nadir du régime de Macky Sall, est sérieusement malmenée.    
Jeudi 21 Septembre 2017




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