Nobel : Youyou Tu, la chercheuse qui a mélangé les médecines ancestrale et moderne

La Chinoise a été récompensée par le prix Nobel 2015 pour ses travaux sur le paludisme, ainsi que deux autres scientifiques, tous travaillant sur la lutte contre des maladies parasitaires.


Voilà un bien joli prix Nobel de médecine, marqué du sceau du Sud. Et de la lutte contre des infections parasitaires, mais aussi contre le paludisme. «Les lauréats du prix Nobel cette année ont développé des thérapies qui ont révolutionné le traitement de certaines des maladies parasitaires les plus dévastatrices», a souligné le comité Nobel de l’institut Karolinska.
Ce sont trois chercheurs, venus des quatre coins du monde : William Campbell, né en Irlande, le Japonais Satoshi Omura et la Chinoise Youyou Tu. Ils ont été récompensés pour «leurs travaux sur un nouveau traitement contre les infections causées par des vers», tandis que Youyou Tu a été primée pour «ses découvertes concernant une nouvelle thérapie contre le paludisme». William C. Campbell et Satoshi Omura ont ainsi découvert l’Avermectine, dont les dérivés pharmacologiques ont radicalement diminué la prévalence de la cécité des rivières et la filariose lymphatique, tout en montrant «de l’efficacité contre un nombre de plus en plus grand d’autres maladies parasitaires».

Textes anciens et remèdes populaires

Quant à Youyou Tu, 84 ans, elle était depuis longtemps pressentie pour recevoir le prix. Elle est la 12femme à être récompensée par le Nobel de médecine depuis la création du prix en 1901. Youyou Tu, c’est une belle histoire. Et le symbole d’un mélange réussi entre médecine ancestrale et médecine moderne.
Elle a fait ses études à l’université de médecine de Pékin, avant de suivre une formation sur les théories de la médecine chinoise traditionnelle à l’intention des experts occidentaux en la matière. Grâce aux connaissances acquises, elle a pu obtenir des résultats dans de nombreux domaines, tels que la pharmacochimie, les techniques de traitement de la médecine chinoise traditionnelle – en particulier, en s’appuyant sur des méthodes scientifiques modernes. Pour cela, elle a combiné les textes anciens chinois et les remèdes populaires, collectant près de 2 000 «remèdes» potentiels à partir desquels son équipe a fabriqué 380 extraits de plantes.

A base d’absinthe

L’histoire contemporaine de l’artémisinine commence dans les années 70 pendant la guerre du Vietnam, lorsque l’armée nord-vietnamienne a construit tout un réseau de souterrains. Comme ces tunnels récupèrent toute l’eau de pluie, les anophèles (un genre de moustique) transporteurs du paludisme s’y reproduisent dans l’eau stagnante. Le problème de santé a pris une telle ampleur que l’armée nord-vietnamienne perdra plus de soldats par le paludisme que par les armes.
Les Nord-Vietnamiens se sont alors tournés vers la Chine pour essayer de trouver une solution. Et c’est en 1972 que Youyou Tu et son équipe découvrent un médicament antipaludique de structure complètement nouvelle, l’artémisinine. Un de ces extraits provenant de la plante absinthe (Artemisia absinthium) s’est d’abord montré prometteur chez des souris. S’inspirant d’un document ancien, son équipe a peu à peu modifié le processus d’extraction de cette substance pour la rendre plus efficace avant d’isoler, au début des années 70, l’ingrédient actif de l’absinthe, à savoir l’artémisinine.
Aujourd’hui, l’artémisinine est devenu le traitement le plus efficace et le plus sûr contre le paludisme, et surtout un produit bon marché. Il faut rappeler que même si le paludisme est en forte régression sur la planète grâce à l’action du Fonds mondial, cette maladie touche encore près de 200 millions de personnes par an et en tue plus de 500 000, principalement des enfants africains.
Source: Libération.fr
Lundi 5 Octobre 2015




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