Nécrologie – Hommage au Pr Ansoumana Abba Bodian : Casamance et le Mfdc perdent un digne fils


Nécrologie – Hommage au Pr Ansoumana Abba Bodian  :  Casamance et le Mfdc perdent un digne fils

 

«Dans le conflit autour du projet d’hôtel Néma Kadior, le porte-parole des habitants du quartier,Ansou Bodian, un professeur d’anglais, prophétise : « le moment où, riche ou pauvre, puissant ou faible, chacun de nous aura des comptes à rendre à qui de droit ; irrémédiablement. C’est alors que le poids de notre responsabilité se fera sentir et la justice sera implacable ». On est en 1978, quatre ans avant la marche indépendantiste dont Bodian sera l’un des organisateurs ».

Ce passage, tiré du livre du français Jean Claude Marut, «Le Conflit de Casamance : Ce que disent les armes », à la page 87, publié aux Editions Kathala, 2010, en dit long sur l’un des traits de caractère du désormais regretté le Pr Ansoumana Abba Bodian décédé le 22 avril dernier à Ziguinchor et inhumé à Kaparan, son village natal. 

ll faisait partie de ces hommes dont le séjour sur terre a beaucoup apporté à l'humanité. Un homme de liberté et épris de justice, un esprit libre dont l'approche des questions était toujours d'une profondeur étonnante. Pour cet homme, tout ou presque pouvait s'expliquer. Et en bon pédagogue, il trouvait toujours les mots justes pour appréhender les phénomènes les plus complexes. C’était un homme multidimensionnel. Il était d’une générosité débordante, aussi bien pour les choses matérielles qu’immatérielles. Il donnait sans compter, au point même de se priver et parfois de priver sa famille. Ses connaissances, il aimait les partager, sans même se soucier ce que l’autre en fera. C’était quelqu’un qui pouvait ouvrir parfois son jardin secret, parce qu’il ne se posait pas trop de questions sur l’autre, parce qu’il pensait que tout le monde avait un bon cœur comme lui. Son attachement à la famille qu’il considérait comme un bien sacré, ne passait pas inaperçu. Il aimait ses enfants et s’était mis à leur service. Un jour, au cours de nos discussions, alors que nous étions sur le chemin de Diabir, il me sort cette phrase au sujet de la famille : «Mané, la famille est un don de Dieu. Nul n’a le droit de poser des actes de nature à la diviser. Celui qui travaille à diviser la famille court à sa propre perte ». 

Le Pr Bodian accordait beaucoup d’importance à l’instruction, à l’acquisition des connaissances. Et la pédagogie était son fort. En excellent communicateur, il avait surtout le sens de l’écoute. Son secret : pour convaincre, il faut renvoyer à l’autre sa propre image. Il a toujours respecté l’interlocuteur, quel que soit son âge, son rang social. Parce qu’il a compris que même de la bouche d’un fou pouvait sortir la vérité, à plus forte raison…

Le Pr Bodian était très attaché à sa terre natale, la Casamance pour laquelle il s’était tant sacrifié, parfois, sans le vouloir, sacrifié sa famille. Son engagement au sein du Mfdc originel, historique, s’expliquait par son attachement aux idéaux de justice, de liberté et de paix. L’homme ne pouvait faire du mal à une mouche, même s’il avait horreur de l’injustice. Pour ça, il était prêt à se battre, quitte à laisser sa vie. C’était le défenseur des faibles. Le témoignage de l’auteur français Jean Claude Marut, dès les premières lignes de cet hommage,  en est la preuve la plus tangible.

Le Pr Ansoumana Abba Bodian prenait toujours la vie du bon côté. Il n’accordait aucune importance au plaisir futile, même s’il savait se faire plaisir sans ostentation. En cela, il était épicurien, adepte de l’épicurisme, cette doctrine philosophique qui professe que pour éviter la souffrance, il faut se garder des sources de plaisir qui ne sont ni naturelles ni nécessaires. Cette doctrine ne prône nullement la recherche effrénée du plaisir. Elle est plutôt axée sur la recherche d’un bonheur et d’une sagesse dont le but est la tranquillité de l’âme (ataraxie)

Le Pr Ansoumana Abba Bodian était méticuleux. Il avait horreur du désordre. Cela était perceptible dans son raisonnement. C’était comme si ses idées étant rangées dans des tiroirs prêtes à éclairer les zones d’ombre du réel. 

Le Pr Ansoumana Abba Bodian a tiré sa révérence le 22 avril dernier à Ziguinchor et inhumé le 23 avril à Kaparan, sur la terre de ses ancêtres. 

J’ai personnellement perdu un père, un ami, un confident. Qu’Allah vous accueille à sa droite, en vous ouvrant grandement les portes de son paradis céleste. 

Je présente mes condoléances à son épouse et à ses enfants, Moussa, Mamy, Yacine et Rougui. NAA, il y a de quoi être fier de Papa !

Bacary Domingo MANE

Directeur de publication de

Sud Quotidien

Président du CORED

Chargé de cours à l’Issic et Sup DECO / Dakar

 

 

 

Mercredi 29 Avril 2015




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