Mamadou Talla aux responsables de la DSE/France : « S’ils m’attendent pour que je vienne faire de l’ingérence, ils se trompent ! »

Formation professionnelle, débat sur la double nationalité, le HCCT, les nombreuses crises qui ont secoué la DSE/France, le ministre de la Formation professionnelle, de l’Apprentissage et de l’Artisanat, Mamadou Talla, s’est exprimé sur tous ces sujets dans cet entretien.


Diasporas.fr : Quelle valeur ajoutée avez-vous apporté à la politique de formation professionnelle au Sénégal ?

Mamadou Talla
: C’est à une question extrêmement difficile que vous m’invitez à répondre. J’estime que c’est le président de la République qui peut évaluer mon travail, par rapport à ses attentes et dire si je suis en train de réussir la mission qu’il m’a confiée. Le premier ministre également puisque c’est lui qui coordonne l’action gouvernementale. Cela dit, quelques indicateurs peuvent m’aider à répondre à votre question. Le premier est que quand on est arrivé, on a pu obtenir la première loi d’orientation de la formation professionnelle, cela grâce à la volonté du président de la République. C’est cette loi qui définit les axes; qui donne une âme à ce que nous voulons faire. À mon avis, cet indicateur est le plus important. Car tout ce que vous voyez comme chantiers au Sénégal dans l’apprentissage, au niveau de l’artisanat et au niveau de la formation technique et professionnelle est le produit de cette loi d’orientation. Je rappelle qu’elle était dans le circuit depuis 2004. Avec l’aide du président de la République, qui tient beaucoup à la formation professionnelle, que nous avons donc réussi à adopter cette loi qui fait la fierté des jeunes sénégalais et nos partenaires financiers et techniques.
Le second indicateur doit être analysé en termes de quantité. C’est important de parler de la qualité, mais quand le président a accédé au pouvoir, il n’y avait que 29 000 apprenants dans toute la formation technique et professionnelle, du CAP au BTS. Dans la formation initiale, nous sommes aujourd’hui à 56 000. Au niveau de la formation continue des travailleurs, nous sommes passés de 10000 à 22000. Aujourd’hui nous avons 34 chantiers pour montrer notre volonté de démocratiser l’accès à la formation professionnelle partout au Sénégal.

En France, plus on est diplômé, plus on a des chances de bénéficier d’une formation professionnelle continue. Quelles sont les dispositions que vous avez prises pour éviter ce cas de figure au Sénégal ?

Nous nous sommes dans une autre dynamique. Nous sommes en train de valoriser la formation professionnelle, d’inciter les jeunes, en tout cas pour ceux qui sont déjà dans le secteur privé, à orienter leur formation vers les sciences et les techniques. Celui qui est dans une entreprise industrielle à besoin d’être formé parce que les découvertes scientifiques et techniques évoluent très vite. Il faut aussi ajouter que nous avons mis des moyens qui nous permettent de financer les formations. Parce qu’en définitive, la question c’est: comment financer la formation continue ? En France, on vous parle de la Taxe professionnelle, au Sénégal nous avons la CFCE (Contribution Financière à la Charge de l’Employeur). Seul 5% de cette taxe était versé à la formation des Sénégalais. Dès la première année de son accession au pouvoir, le président de la République à consacré 10% de la CFCE à la formation professionnelle. Il a ensuite décidé qu’on passe cette année à 25%, 50% l’année prochaine et 100% en 2018. Ce qui représente 3% de la masse salariale de tous les travailleurs du secteur privé. La formation est devenue un outil essentiel accessible à tout le monde. Avec cette CFCE qui va nous revenir entièrement, c’est plus de 20 milliards qui vont s’ajouter au budget de la formation professionnelle. Vous voyez donc que la volonté politique est là.

En France les collectivités locales aussi contribuent au financement de la formation professionnelle, visiblement, ce n’est pas le cas au Sénégal ….

Effectivement, pour le moment c’est le patronat qui finance la formation professionnelle par le biais de la CFCE. Mais même si elles ne contribuent pas financièrement, les collectivités locales sont impliquées dans la détermination des lieux de formation, dans l’identification des jeunes qui doivent être formés etc. J’ai envie de vous dire que c’est une gestion partagée. Nous sommes en train de changer de paradigme. Nous ne sommes plus dans l’enseignement tout court, nous sommes dans le développement dès compétences, nous ne sommes plus à l’époque de la gestion étatique de formation professionnelle, nous sommes dans une gestion concertée de tous les acteurs.

Parlons du Haut Conseil des Collectivités Territoriales. Pour certains, Macky Sall l’a créé pour caser une clientèle politique.

Le président de la République a dit haut et fort depuis très longtemps que c’est la patrie qui l’intéresse. Et quand vous regardez l’Acte 3 de la décentralisation, qui est dans une position dynamique, vous comprendrez aisément qu’il faut le compléter. Le pôle Casamance est déjà installé, celui de l’Est le sera bientôt; le pôle Sine-Saloum et le pôle Nord également. Le Haut Conseil des Collectivités Territoriales est le levier qui va permettre de piloter la politique de territorialisalistion. Le HCTT a des missions qui n’existaient pas. On ne l’a pas donc créé pour caser, mais plutôt pour avoir une politique territoriale partagée.

Le président Sall va désigner 70 des 150 membres du HCCT, profitera-t-il de cette opportunité pour réparer l’injustice faite à ses alliés puisqu’ils ont été littéralement oubliés dans le partage du « gâteau présidentiel » ?

Le président a réussi à avoir une coalition qui existe jusqu’à présent, ce n’était pas évident. On a eu la chance de réussir la coalition Benno Bokk Yakaar grâce à une gestion concertée de l’ensemble des politiques publiques qu’on est en train de mener. Dans le groupe des 70 personnes, il y aura plutôt des experts, des personnes qui connaissent les politiques territoriales. On n’est pas là pour caser, on essaie de trouver des compétences au niveau de la diaspora, au Sénégal, bref on veut trouver des intellectuels qui ont fait leurs preuves dans tout ce qui concerne les politiques territoriales depuis 1960.
En clair, l’expertise est le principal critère qui va présider au choix de 70.
En 2012, je vous avez dit que dans la gestion de cet État, nous allons chercher l’expertise partout. Qu’elle vienne de l’opposition, de l’intérieur ou de l’extérieur du pays. Le président de la République est un ingénieur, un scientifique, il cherche des compétences pour régler définitivement les problèmes des Sénégalais. Nous ne pourrons atteindre l’émergence que si l’étape 2 du Plan Sénégal Émergent qui parle du capital humain, capital humain comme protection sociale, comme accompagnement mais aussi comme développement des compétences. Et c’est ce qui fait que nous avons besoin du concours de tous les Sénégalais pour accompagner le PSE, qui dépasse largement les mandats du président de la République parce qu’il va jusqu’en 2035.
Pour nous, le HCCT, est le chaînon manquant. Nous l’avons créé pour accompagner les collectivités locales, mais aussi l’aménagement au niveau national. Nous sommes en train de créer de grands ensembles, il nous faut donc des experts de haut niveau pour parfaire l’acte 3 de la décentralisation.

M. le ministre, n’êtes-vous pas gêné par le débat sur la double nationalité?

Le président a créé l’Alliance pour la République, le terme République exprime le respect des institutions. Tout ce qu’on fait est basé sur la Constitution. (…) Je crois que tous ceux qui font des développements ne se réfèrent pas à la Constitution, qui est du reste très claire sur cette question : pour être président de la République, il faut être exclusivement de nationalité sénégalaise, moi je m’en tiens à cela.

Ministre et proche du président Macky Sall, certains militants estiment que vous êtes le leader naturel du parti en France. Pourtant, on ne vous a jamais entendu vous exprimer sur les nombreuses crises qui ont secoué la DSE?

Leader naturel, c’est trop dire, disons que je fais partie de ceux qui ont installé le parti en France. Je crois aussi qu’il faut accepter la discipline de parti. En France, il y a une DSE qui fonctionne avec un bureau, avec des personnes responsables, alors au nom de quoi c’est moi qui suis de l’autre côté qui viendrai ici pour régler les problèmes. S’ils m’attendent pour que je vienne faire de l’ingérence, ils se trompent! Les personnes qui ont été choisies démocratiquement sont des responsables. Ces derniers gèrent un parti au pouvoir, qui a beaucoup de monde. Des anciens comme des nouveaux, c’est très difficile à gérer, ce n’est pas la même chose que quand nous étions dans l’opposition. Quand nous mettions en place le premier bureau de la DSE, c’était facile, maintenant c’est plus difficile. On ne m’entend pas parce que j’ai confiance à cette équipe qui est là, j’ai confiance à ces hommes et à ces femmes qui gèrent ce parti. N’oubliez pas qu’en 2012 nous étions dans l’opposition et nous avions gagné largement dès le premier tour. Au deuxième tour, nous avions également gagné; aux législatives et au référendum, nous avons gagné. Donc c’est une bonne équipe, le parti est bien installé, le bureau travaille. Bon, il y aura de temps en temps de petits problèmes que les dirigeants sont appelés à gérer.

Auriez-vous un message à lancer?

C’est un message d’unité que je voudrais lancer. Nous avons un parti fort, les militants doivent croire aux dirigeants qui sont là aujourd’hui. Je voudrais aussi demander à ces dirigeants de descendre sur le terrain et d’écouter l’ensemble des militants. Nous allons vers deux échéances extrêmement importantes pour la diaspora, les législatives où nous aurons des candidats, il faut un parti fort pour les gagner. Il y a aussi la présidentielle de 2019. La France est un symbole pour la diaspora.

SOURCE : DIASPORAS.FR
Vendredi 26 Août 2016




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