Lettre ouverte au Président de la République (Tahir Ndiaye)

Dakar le 06 février 2014


Monsieur le Président de la République,
Après 3 correspondances depuis votre accession à la magistrature suprême de notre pays, hélas toujours demeurées sans réponse, ni accusé de réception,
Je voudrais m’adresser à vous cette fois-ci encore et par le biais de cette lettre ouverte, afin de vous porter mes réflexions sur notre transport aérien national en crise structurelle endémique. La question est d’actualité et il urge, me semble-t-il, d’y apporter des réponses pertinentes, afin de faire jouer à notre pays son véritable rôle de leadership, qu’il n’aurait jamais dû perdre.


Lettre ouverte au Président de la République (Tahir Ndiaye)

Des questions saillantes indissolubles dans le naufrage de Sénégal Airlines, notre compagnie nationale de transport aérien…

Bas les masques… Sénégal Airlines la banqueroute…
L’urgentissime qui occulte des questions essentielles…

Oui… c’est clair pour Sénégal Airlines il faut faire face à une totale banqueroute qui est flagrante. L’entreprise est exsangue, ayant mangé son Capital depuis longtemps, étouffée par une dette à moyen et long terme impossible à combler par elle-même, une trésorerie négative trouée par des dettes à court terme qui asphyxient sa marche quotidienne. Démobilisation en interne, absence de confiance des partenaires (et les 1ers d’entre eux, les partenaires sociaux…), inadéquation des outils d’activité, inefficacité de son réseau, faiblesses de sa position concurrentielle, incurie et paralysie de sa direction générale… et j’en passe… Telle quelle, Sénégal Airlines n’est plus viable… Et sur ces constats, l’unanimité des acteurs est trouvée je crois… Alors… Que faire ?
Le partenaire stratégique… Oui bien sûr…
Mais c’est l’arbre qui cache la forêt.

Le sésame semble être aujourd’hui la recherche d’un partenaire stratégique dans le métier du transport aérien international… qui soit volontaire, adéquat, ayant assez de ressources à injecter dans une profonde et inévitable restructuration stratégique, structurelle, organisationnelle, mais aussi une redistribution de tour de table et une restructuration financière de notre pavillon national…
Mais il ne suffira donc pas seulement de faire venir ce partenaire, en l’alléchant sur papier glacé, pour le convaincre des atouts nombreux, variés et incontestables dont dispose notre pays. Hier nous l’avions bien fait, et ça n’avait pas marché après quelques temps… d’autres le font aujourd’hui encore sans toujours convaincre véritablement…
Malheureusement pour notre cher Sénégal, dans ce domaine si stratégique, nous semblons être abonnés aux échecs et nous y complaire. C’est peut-être la 3ème ou 4ème fois que nous subissons des revers et échecs cuisants, avec des coûts toujours exorbitants, des régressions dramatiques et des gâchis, nous faisant reculer loin derrière et dépasser par des pays dont jadis, nous imposions et notre magistère et notre leadership régional.
L’urgence de la vie ou de la mort de Sénégal Airlines, ne doit pas nous faire fermer les yeux sur la nécessité primordiale de se doter, nous d’abord, ici au pays, d’une vision claire :
Que voulons-nous ?
Ce qui nous manque : Une Vision…

A observer notre approche, rythmée par des changements tous les 5 à 7 ans et les cris alarmistes de tous bords, à suivre le colmatage quotidien des brèches dans la gestion de la compagnie nationale, les annonces de signatures d’accords avec des opérateurs étrangers que nous ne pouvons contrôler, de course-poursuites dans des négociations de partenariats non sérieusement préparés, il est évident, il est bien clair, qu’il y a une absence totale de vision de ce que nous voulons faire réellement dans ce secteur. Non seulement aucune vision stratégique ne prédéfinit nos actions ponctuelles, mais aussi et mais surtout, on observe une totale absence de coordination centrale, aussi bien dans le temps que parmi les acteurs de la politique de développement de ce secteur si crucial. Les changements sont sans fin et en des délais trop courts, les responsables politiques du secteur s’alternent en se passant le témoin sans continuité véritable dans leurs démarches, les principaux acteurs sont dispersés et s’ignorent, chacun bêchant seul son domaine qu’il croit primordial…
Eléments pour une esquisse de stratégie gagnante…

Pourtant l’observation du transport aérien international moderne montre que les compagnies aériennes qui y survivent et réussissent ont bâti, avec beaucoup de cohérence, une grande efficacité, une bonne profitabilité et de la continuité surtout, des structures pérennes et bien profitables. Autour de leur corps de métier, le transport aérien passager, toute une économie interne productive s’est constituée, alliant des activités aéroportuaires et d’assistance aéroportuaire, d’industrie de maintenance, de transport et gestion du fret aérien, de formation aux métiers basiques de l’aérien, et aussi des opérations aériennes ponctuelles, mi charters mi compagnies régulières (pèlerinages, vols ponctuels, assistance aériennes dans des événements d’envergure internationale, etc…).
Et à bien des égards, la plateforme qu’offre le rayonnement international de Dakar est une véritable mine d’or qui devrait à elle seule pouvoir asseoir des conditions de réussite d’une grande compagnie aérienne. Jadis, la multinationale Air Afrique avait fait de Dakar le premier de ses seins nourriciers. Demain la mise en œuvre de AIBD, le regroupement des activités d’assistance de SHS et de AHS, la résurrection des infrastructures du centre industriel de Dakar, l’important pèlerinage à la Mecque du Sénégal constitueront des éléments d’une architecture de restructuration profonde, à mener au fer rouge dans le secteur, pour bâtir une forte économie du transport aérien… Beaucoup d’intérêts et corporatismes privés devront être revus et bousculés. Mais pour ce faire, il y faudra une grande ambition nationale et une volonté sans failles…
La nature ayant horreur du vide… Bonjour le renouveau du pavillon national !!! Merci… mais les places sont déjà occupées !!!

Or donc, pendant cette longue chronique d’une lancinante banqueroute annoncée, le monde se refaisait ailleurs, l’économie du transport aérien régional ne nous aura pas attendus tout ce temps.
Aujourd’hui, à regarder juste et seulement le principal marché de trafic aérien de notre pays représenté par la relation DKR-PAR-DKR, il semble qu’il n’y ait plus de place, plus d’opérations possibles pour notre futur pavillon national, quand bien même nous sommes propriétaire des droits aériens de cette liaison. Outre l’éternelle Air France qui y opère depuis plus de 100 ans, nous avons préféré tout bonnement céder nos droits à CORSAIR, qui Ô Manes !! s’est confortablement installé, avec 7/7 vols de fortes allures, se taillant des parts de marché difficilement réversibles.
Que ferons nous demain, si l’on sait que cet important marché, est pratiquement capturé et pillé par toutes les compagnies européennes qui opèrent sur la plateforme de Dakar : 7/7 pour SN Brussels, 7/7 pour Air Portugal, 7/7 pour Iberia, 14/7 pour Royal Air Maroc, et autres Air Méditerranée et consorts, et différents charters, qui toutes pour plus de 80% de leur trafic, chargent de et pour Paris. Il y a ainsi plus de 70 possibilités hebdomadaires d’aller à Paris qui opèrent depuis la plateforme de Dakar, hélas sans nous, et on dirait qu’on ne sait pas faire.
C’est une vraie escroquerie de nous faire croire qu’au change nous y gagnons la baisse des prix pour les passagers sénégalais. C’est faux !!! Et c’est un leurre pour nous y exclure sinon, des compagnies comme Royal Air Maroc, Air Algérie, TAP et d’autres encore ne continueraient pas à être si attractives par leur politique de prix bas sur Paris. Les majors bien installés continuent de faire de substantiels bénéfices dans leurs activités aériennes sur Dakar.
Que dire de la desserte aérienne sous régionale, qui à n’en point douter, devra rester notre marché de base, marché par lequel nous devrons asseoir le socle de la rentabilité et de la performance économique de notre pavillon national. Là aussi, la longue chronique de notre lancinante banqueroute annoncée, a laissé place à une massive occupation du terrain par ASKY et Air Côte d’Ivoire, sans compter les compagnies aériennes hors de la région, Royal Air Maroc, Ethiopian Airlines, Kenyan Airways, qui mordent de manière significative sur le trafic régional Ouest et Centre africain.
Les deux compagnies aériennes nouvellement installées, ASKY et Air Côte d’Ivoire y prédominent. Toutes deux basées sont dans la sous-région Afrique de l’Ouest et du Centre, et y ont aujourd’hui tissé un vrai maillage et un dense réseau de dessertes locales, reliant toutes les capitales de l’Afrique de l’Ouest et du centre, avec au moins 3 à 4 vols la semaine. De surcroit elles disposent d’avions tout neufs et bien adaptés à notre région et au volume de trafic existant. Il est clair qu’il faudra de l’innovation dans les programmes d’exploitation, de la performance dans les outils de travail, et de la rude compétition vis-à-vis de ces concurrents inévitables, ASKY, Air Côte d’Ivoire, pour pouvoir opérer profitablement.
Il est à remarquer que ASKY a dû saigner 3 années durant pour asseoir l’efficacité de son réseau autour du hub régional de Lomé : 19,7 milliards de perte d’exploitation en 2010, 13,6 milliards de pertes en 2011 et 2 à 3 milliards de pertes en 2012, avec en sus une restructuration et refonte de son capital initial en fin 2012. 35 milliards au total pour s’étendre en Afrique de l’Ouest et du Centre.
Air Côte d’Ivoire, venue tard dans le marché pour sa mise en route, bénéficie du soutien du budget national ivoirien par une dotation budgétaire de 30 milliards sur ces 3 1ères années de lancement par le gouvernement ivoirien, à raison de 10 milliards par année, 2012, 2013 et 2014.
On peut dire que le coût du ticket d’entrée dans l’activité aérienne dans la région, avec l’espoir sans garantie de tisser un réseau minimun, un tant soit peu capable de rivaliser valablement avec les concurrents, tourne autour de 30 milliards pour les 3 premières années d’activité de lancement. On comparera avec ironie les 2 fois 2 milliards chichement avancés par la Caisse de Consignation et de Dépôts du Sénégal pour appuyer Sénégal Airlines, avec un couteau à la gorge pour un remboursement à très court terme. Oh !! Quelle vanité !!! Et que nenni !!!
Monsieur le Président, Vous avez là une grande opportunité politique pour votre 1er mandat.

Oui Monsieur le Président… Vous avez pourtant là une grande opportunité pour votre 1er mandat de créer la grande compagnie aérienne qui elle, va réussir durablement, pour notre pays et dans la sous-région. En outre, le Plan Sénégal Emergent (PSE) ne saurait se passer d’un grand instrument de transport aérien, actif et très efficace, et qui sera le vecteur principal de notre trafic aérien.
Nous observons bien que depuis 50 ans rien n’a marché dans ce domaine. Mais paradoxalement depuis 50 ans nous tous (pays de l’UEMOA) refaisons toujours les mêmes erreurs. L’industrie du secteur, la nature du commerce de cette activité, la réalité et le trafic dans les marchés de cette économie globalisée du transport aérien international, ne peuvent nullement être circonscrits et cloitrés dans les cadres strictement nationaux de nos différents pays, et y faire prospérer quelques investissements qui soient.
Aujourd’hui l’histoire en cours semble placer notre pays, et vous même le Président le république, dans une importante stature de véritable leadership régional, vous donnant la possibilité de regrouper vos pairs, dans une grande initiative diplomatique de construction politique et économique d’une grande compagnie aérienne régionale, potentiellement capable de porter par elle-même sa croissance et son développement, et cela pour le plus grand bénéfice de notre pays certainement, mais aussi de toute la sous-région. Ceci ne va pas en contradiction avec le sauvetage de Sénégal Airlines actuel. Cette initiative sera une articulation de l’ébauche d’une grande vision que vous devrez porter pour notre pays, et constituera à coups sûrs, la garantie d’une réussite durable dans la configuration actuelle du transport aérien régional. Et bien sûr, cette grande compagnie aérienne sera toujours portée par le partenaire stratégique que nous recherchons qui n’en sera que plus intéressé, vue la surface et l’étendue des droits de trafic.
Air Mali est morte il y a 3 ans laissant d’immenses dettes et de déficits colossaux structurels. Air Burkina est agonisante ces derniers mois. La Guinée Conakry, malgré la présence suspecte de quelques capitaux internationaux qui rôdent et en mal de recyclage, n’a jamais eu les moyens de porter elle-même sa propre compagnie nationale… J’en passe pour la Guinée Bissau, le Niger, la Gambie, etc…
Récemment, des initiatives à encourager ont été prises au plus haut niveau dans ce secteur névralgique par le Mali, le Niger et la Mauritanie en vue de regroupement de forces pour tenter une existence. Commençons par-là, et si vous en prenez le leadership, alors notre pays aura gagné une manche décisive.
Monsieur le Président de la République vous avez les cartes en main.
Tahir NDIAYE
Expert-consultant en transport aérien et tourisme
Ex Directeur Régional Adjoint de IATA CWA
Ex Directeur Régional de Travelport CNWA
Ex Directeur Commercial de ASKY
Directeur Général du Cabinet Affirmative Afrique
Tahir.ndiaye@afaf.info
Tahir_ndiaye@yahoo.fr
Samedi 8 Février 2014
TAHIR NDIAYE




1.Posté par moi le 09/02/2014 20:05
Je suis mort de rire



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