Les réponses sur le rapport qui incrimine Donald Trump

La publication d’un document de 35 pages portant de graves accusations contre Donald Trump provoque une vaste tempête politique aux Etats-Unis.


Le site américain Buzzfeed a publié, mercredi 11 janvier, un document portant de graves accusations contre le président élu Donald Trump. Un rapport potentiellement explosif, mais non vérifié, qui provoque une vaste tempête politique aux Etats-Unis. Tour d’horizon des principales questions qui se posent après cette publication.

Qu’est-ce que ce rapport publié par Buzzfeed et évoqué par la chaîne CNN ?

C’est un document de 35 pages qui rassemble plusieurs rapports, dont le plus récent est daté du 13 décembre, commandé à un ancien agent du MI6 – les services de renseignement britanniques – par des membres du Parti républicain opposés à Donald Trump.
Ce document a ensuite été transmis, par des canaux encore non identifiés, à plusieurs personnes, dont l’ancien candidat républicain à la présidentielle John McCain, qui en a personnellement donné une copie au directeur du FBI, James Comey, le 9 décembre. Lors d’un briefing avec les principales agences de renseignement vendredi, les services américains auraient évoqué devant le président élu de l’existence de ce rapport et de son contenu, rapporte la presse américaine.

Qu’est-ce qu’un ex-agent du contre-espionnage britannique vient faire dans cette histoire ?

La pratique de l’« opposition research », consistant à faire appel à des enquêteurs extérieurs pour déterminer si un candidat a des secrets à même de nuire à sa candidature, est une pratique courante aux Etats-Unis, à la fois de manière préventive et offensive. Ces recherches sont souvent commandées à des détectives privés, qui peuvent être d’anciens enquêteurs du FBI, de la police ou, dans ce cas, un ancien agent secret. L’homme en question a d’abord rempli ce rôle pour le parti républicain, avant de travailler pour les démocrates.
On sait très peu de choses sur l’ex-agent en question. Les services de renseignement américains disent avoir vérifié son identité et avoir passé en revue sa carrière, sans se prononcer précisément sur ses compétences ou ses éventuels conflits d’intérêts dans ce dossier.

Que contient le rapport ?

Le document porte de graves accusations contre Donald Trump, l’accusant notamment d’avoir maintenu, par l’entremise son entourage, des contacts réguliers avec la Russie durant la campagne électorale, et d’être sous influence russe. Le rapport affirme également que les services de sécurité russes détiennent une vidéo très compromettante du futur président américain, filmée dans une chambre d’hôtel à Moscou avec des prostituées.

Le document est-il crédible ?

Le rapport se fonde intégralement sur des témoignages anonymes et ne présente aucun élément matériel de preuve à l’appui de ses affirmations. La quasi-totalité des allégations qu’il contient sont jugées unanimement invérifiables, tant par les adversaires que par les soutiens de Donald Trump. Le document parle notamment d’un proche de Donald Trump qui aurait discuté avec des agents russes lors d’un voyage à Prague, ce que le principal intéressé a totalement démenti.
Enfin, la présence de plusieurs erreurs factuelles laisse entendre que le document est, au mieux, peu crédible dans ses détails, même si les suspicions se sont accumulées ces derniers mois sur les liens qui ont pu unir les soutiens de Donald Trump et la Russie après le piratage des données du Parti démocrate.

Qu’en dit Donald Trump ?

Le président élu a dénoncé une « chasse aux sorcières » sans fondement. Surtout, il a accusé mercredi les services de renseignement américains d’être à l’origine de la fuite de ce document, une accusation rarissime dans l’histoire des Etats-Unis. « Les services de renseignement n’auraient jamais dû laisser ces fausses informations “fuiter” », a-t-il écrit sur Twitter, deux heures avant sa première conférence de presse depuis son élection. « C’est une dernière attaque contre moi. Vivons-nous dans l’Allemagne nazie ? », a-t-il aussi écrit.
Depuis plusieurs semaines, Donald Trump mène une violente campagne contre les services de renseignement de son propre pays. Après avoir nié pendant des mois que la Russie pouvait avoir un lien quelconque avec les piratages du Parti démocrate et s’être publiquement moqué du FBI, de la CIA et de la NSA, il avait semblé en fin de semaine dernière commencer à se rallier à la position des trois agences, qui estiment que la Russie a ordonné ces piratages. Les trois grandes agences américaines pensent aussi que la Russie a délibérément cherché à influer sur la campagne américaine et à favoriser la candidature de M. Trump, ce que ce dernier dément, tout comme Moscou.

Buzzfeed a publié ce rapport mais explique qu’il y a de sérieuses raisons de douter de son contenu. Les médias hostiles à Donald Trump ne sont-ils pas en train de tendre le bâton à la critique ?

C’est, en effet, ce que disent de nombreux commentateurs. Des personnalités et sites Web proches de l’extrême droite américaine dénoncent les nombreux articles publiés au sujet de ce document, accusant les médias prodémocrates d’être les plus grands pourvoyeurs de fausses informations. Le site Breitbart, le plus fréquenté des sites pro-Trump, qui a lui-même publié à de multiples reprises des informations fausses durant la campagne, accuse Buzzfeed et CNN de prendre part à une manipulation politique de grande ampleur.

Les agences de renseignement américaines ont-elles l’habitude de communiquer sur des dossiers aux fortes colorations partisanes, comme celui-ci ?

Ironiquement, durant la campagne, le FBI a surtout été accusé de faire le jeu de Donald Trump. James Comey, son directeur, a supervisé l’enquête sur la messagerie électronique de Hillary Clinton – la candidate démocrate était accusée d’avoir utilisé un serveur email personnel et mal protégé pour gérer des affaires d’Etat, ce qui est illégal aux Etats-Unis. Après une première enquête, qui s’était traduite par une sorte de non-lieu, James Comey avait, à la surprise générale, décidé de rouvrir une enquête quelques jours avant l’élection. Une enquête qui s’est refermée tout aussi abruptement.

Selon les services américains, la Russie a également piraté des cibles républicaines, et le document publié mercredi affirme que la Russie détient des informations compromettantes sur le président élu. Si le Kremlin poussait la candidature de M. Trump, pourquoi pirater sa campagne ?

Le rapport des trois grandes agences de renseignement américaines affirme que les pirates russes ont également dérobé des données confidentielles au Parti républicain, mais qu’elles auraient choisi de ne pas les publier, vraisemblablement dans le but de détenir un moyen de pression sur le futur président. Le rapport publié mercredi affirme – encore une fois sans présenter de preuves de ce qu’il avance – la même chose : la vidéo compromettante de M. Trump servirait aux services russes à faire chanter le président élu.

Le Monde
Mercredi 11 Janvier 2017




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