Les Sénégalaises et le djihad


Le djihad n’est pas la chasse gardée des hommes. Les femmes adhèrent à l’islamisme radical. Et parfois, le « sexe fort » n’y est pour rien. C’est dire qu’il peut arriver qu’elles soient plus radicales que les hommes. D’une part, c’est ce que révèle le rapport dTimbuktu Institute du Dr Bakary Sambe sur les facteurs de radicalisation dans la grande banlieue de Dakar. 

En effet, sur 25 personnes radicalisées interrogées, 14 sont des femmes pour seulement 11 individus de sexe masculin. Dans le lot, continue le rapport, sept jeunes (3 femmes et 4 hommes tous nés à Dakar entre 1982 et 1998) partagent en commun une vision positive de la radicalisation et de l’extrémisme. Toujours parmi ces 7 personnes, deux femmes ont de quoi inquiéter à cause du niveau très élevé de leur radicalité. Autrement dit, elles sont prêtes à s’engager pour une cause djihadiste à la moindre occasion. 

Les Sénégalaises extrémistes

Lorsqu’elle en a eu l’opportunité, Ndèye Sy K ne s’est pas posé trop de questions. Son histoire ébruitée en février 2016 par le quotidien Libération a ému plus d’un Sénégalais. Tout est parti de la capture de Moustapha Diatta à Fann Hock alors qu’il sortait d’une mosquée salafiste après la prière du maghreb(timis). Ce fabriquant d’aquariums a été dénoncé par Mbaye K. car il aurait convoyé en Libye la fille de ce dernier ainsi que son mari et ses trois enfants. Mbaye K. a raconté aux enquêteurs de la Division des investigations criminelles (DIC) qu’il n’avait plus de nouvelles de sa fille Ndèye Sy K. jusqu’à ce que celle-ci appelle sa mère au mois d’août 2015 pour lui dire qu’elle vivaitdans un Etat islamique et que la loi islamique y était appliquée dans toute sa rigueur. Elle faisait allusion à Syrte qui venait de tomber dans l’escarcelle de l’Ei. Son deuxième appel téléphonique, c’était pour annoncer la mort de son mari, Abdallah  au combat. 

Un peu plus tardexactement le samedi 27 février 2016, une Sénégalaise active sa ceinture d’explosifs à Sabratha, à l’Ouest de Tripoli. Accompagnée de Tunisiennes, elle a agi ainsi pour ne pas se faire capturer par les milices de Fadjr Libya qui, à l’époque, procédaient à des patrouilles dans cette ville où cherchaient à s’établir des combattants de l’Etat islamique. L’information révélée en exclusivité par l’auteur de cet article a été confirmée par le site du journal britannique The Times. Mais pour les brigades de Fadjr Libya, la « kamikaze » n’a pas eu le temps de passer à l’acte. Leur version consistait à dire qu’ils l’ont abattue avant qu’elle se transforme en bombe humaine. 

Septembre dernier, le bureau médiatique de l’opération « Al Bunyan al marsous » publie des contrats de mariage abandonnés par les djihadistes, dans la foulée de la bataillede Syrte. Surprise, un couple sénégalais figure sur ces documents. On peut y lire que Abou Obayda as-senegali a offert en guise de dot à sa compatriote, une « muhajira » du nom de Ndèye Sokhna une explication détaillée de deux versets du Coran. 

 

Si les unes ont mis les voiles pour vivre sous la bannière noire de l’État islamique, les autres s’activeraient dans le recrutement au Sénégal. C’est le reproche fait à l’épouse et à la belle-sœur de Makhtar Diokhané, présumé membre de Boko Haram. Huit (08) millions auraient été trouvés chez elles, à Guédiawaye. Argent qui aurait servi à recruter des candidats au djihad pour le Nigeria. Les deux prévenues ont réfuté ces accusations en soutenant devant le Doyen des juges d’instruction ignorer tout des activités de Makhtar Diokhané. 

Le rôle des femmes dans l’Etat islamique 

Leur rôle peut être différent selon qu’elles appartiennent à une entité djihadiste ou à une autre. En ce qui le concerne, l’Etat islamique les confine entre quatre murs pour des objectifs bien déterminés. Pour l’Ei, les femmes doivent être de bonnes épouses, mais aussi des mères pour préparer les futures générations de combattants, ce qu’ils appellent les « lionceaux du Califat ». Ces informations ont été obtenues suite àl’interrogatoire de la veuve d’un haut dignitaire de l’Ei arrêtée par les Américains le 16 mai 2015. 

Mais, il n’est pas exclu que les femmes trouvent des postes dans la police islamique, comme c’est le cas en Syrie où la brigade « Al Khansa » est chargée de surveiller les femmes qui vivent dansles territoires occupés par « Daesh ». Créée en 2014, cette brigade spéciale composée uniquement de femmes veille au respect scrupuleux du port de la niqab entre autres « mœurs islamiques ». Au Nigeria et en Libye, elles sont souvent utilisées dans des opérations kamikazes. Dès lors, se pose la question : qu’est-ce qui pousse une femme à embrasser une cause extrémiste ?

D’après Romain Caillet, chercheur sur les questions islamistes, les causes peuvent être multiples.  A son avis, aussi bien l’idéologie, le mari ou la fréquentation d’autres femmes peuvent être des déclencheurs de radicalité. Qu’en est-il des femmes dont le niveau de radicalité a dépassé celui du sexe opposé ? Romain Caillet tient à préciser, dans une conversation avec Dakaractu,qu’il n’est pas pertinent de l’aborder sous le prisme genre.

Invité à France Inter le 1er décembre, David Thomson cassait le préjugé qui cantonnait les femmes dans le carcan d’éternelles suivistes. L’auteur des « Français Jihadistes » et de « Les revenants » de révéler qu’il a connu des couples dans lesquels le moteur de la radicalité, jusqu’au passage de l’acte terroriste, n’était pas le conjoint mais l’ l’épouse.

Après avoir rappelé que des femmes ont déjà participé à des vidéos d’exécution de l’Etat islamique, exercice qui était réservé aux hommes, Romain Caillet ajoute qu’il ne serait pas surpris de voir une femme égorger une autre dans une vidéo. 

 

Jeudi 29 Décembre 2016




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