Les Pièges et incohérences du projet de révision constitutionnelle ! (par Mamadou Bamba Ndiaye Ancien Ministre Chargé des Affaires Religieuses)


Les Pièges et incohérences du projet de révision constitutionnelle ! (par Mamadou Bamba Ndiaye  Ancien Ministre Chargé des Affaires Religieuses)
Dans le Projet de révision constitutionnelle qui sera soumis au référendum, il existe des insuffisances criardes  et des pièges dangereux pour le profane que je suis. Le premier point relatif à la modernisation du rôle des partis politiques est non seulement vague, mais inutile. Il n’apporte rien de nouveau par rapport aux textes précédents. La problématique des partis politiques ne réside pas dans le caractère archaïque de leurs rôles, mais plutôt, dans la manière d’exercer ces rôles. Cela découle de l’emprise de l’argent sur le mode électoral, de l’absence de démocratie interne dans les partis et surtout de leur caractère patrimonial. Je tairai leur nombre exorbitant, dû à l’absence de critères de sélection sérieuse. Toute réforme qui ne vise pas à éradiquer ces maux n’est que de la poudre aux yeux.
La reconnaissance de nouveaux droits aux citoyens, n’a de sens que si elle leur permet d’exercer un contrôle direct et efficace sur les élus et sur la manière dont les ressources sont exploitées et distribuées. Une vraie réforme enlèverait au Président de la République, la Prérogative de négocier et de contracter seul, des accords avec des tiers, concernant notamment les ressources minières, maritimes, forestières et foncières, sans passer par l’Assemblée nationale et le Haut Conseil des Collectivités Locales, par exemple. Le fameux débat sur l’Arcelor Mittal doit nous édifier sur les risques à courir par les générations présentes et futures si l’on ne met pas de garde-fous.
 Le renforcement des droits de l'opposition et de son Chef, laisse perplexe quant on sait que le Coordinateur du principal parti de l’opposition est actuellement incarcéré pour avoir émis une opinion sur une question d’intérêt national, soulevé par un média français « Le Monde », je veux parler de « l’Affaire Lamine Diack » ! L’Assemblée nationale, quoique l’on dise, reste bloquée par la tergiversation notée autour de la reconnaissance du groupe parlementaire libéral. Il s’y ajoute que le Chef de l’Etat n’a pas encore pris langue avec l’opposition politique et la Société civile, pour la recherche d’un consensus autour de ces questions fondamentales. Il n’appartient surtout pas aux hommes du pouvoir de définir, seuls, le statut de l’’Opposition, à l’absence des opposants eux-mêmes !
L'élargissement des pouvoirs de l'Assemblée nationale en matière de contrôle de l'action gouvernementale et d'évaluation des politiques publiques ; le mal de l’Assemblée nationale se trouve notamment dans le mode d’investiture des candidats à la députation et dans le mode d’élection. Ces modes d’investitures et d’élection les rendent logiquement dépendants de leurs chefs de partis. Tout changement qui ne prendrait pas ces éléments en compte ne fera qu’alourdir les charges d’une institution, transformée depuis les indépendances, en une simple caisse de résonnance. Il faut permettre au peuple d’élire des députés compétents, libres et indépendants.
L'augmentation du nombre des membres du Conseil constitutionnel de 5 à  7 ;
la désignation par le Président de l'Assemblée nationale de 2 des 7 membres du Conseil constitutionnel ; cette disposition ne pourrait constituer une avancée démocratique que si la désignation des  membres s’effectuait par les différentes institutions de la  République et que sa composition ne soit plus l’apanage des seuls spécialistes du droit. On aurait souhaité, à la place, une véritable réforme de la Justice.
L'intangibilité des dispositions relatives à  la forme républicaine, la laïcité, le caractère indivisible, démocratique et décentralisé de l'Etat, le mode d'élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ; cette disposition fourre-tout est dangereuse, par ce que voulant faire de la Laïcité un principe intangible de notre constitution. Or, la Laïcité est loin de faire l’unanimité dans ce pays composé à plus de 99% de religieux…
Cette notion d’inspiration  maçonnique ne figure, en réalité, que dans les constitutions de trois pays européens. En effet, les rencontres COMALACE (Contribution des Obédiences Maçonniques Libérales et Adogmatiques à la Construction Européenne)  notent ceci :  « En Europe, seuls 3 pays sur 27 ont inscrit une forme de Laïcité dans leur Constitution : outre la France, la Belgique et le Portugal. Les autres pays, même s’ils peuvent reconnaître la liberté de conscience, accordent tous une place à la religion dans leurs institutions publiques. Ils ont peu ou prou partie liée avec les églises et entretiennent avec elles des rapports organiques, si bien que la séparation des Eglises et de l’Etat, n’a de réalité qu’en France. Nombre de Constitutions européennes trouvent leur source dans la transcendance : le roi du Danemark doit appartenir à l’Eglise évangélique luthérienne, religion d’Etat. La reine d’Angleterre est chef de l’Eglise anglicane qui a le statut d’Eglise établie. Celle-ci dispose d’une représentation constituée de 26 ecclésiastiques au Parlement, membre de la Chambre des Lords. En Grèce, la Constitution a été promulgué au nom de la « Sainte trinité, consubstantielle et indivisible ». L’orthodoxie est la religion officielle et même s’il n’existe pas d’impôt cultuel, le gouvernement paie les salaires, les retraites et la formation religieuse du clergé, finance l’entretien des églises et accorde une reconnaissance particulière au droit canon orthodoxe. Par contre, il émerge de plus en plus la nécessite d’élaborer une vraie laïcité. Il y a quatre ans que l’enseignement religieux n’est plus obligatoire et les enfants peuvent en retirés après une déclaration écrite de leur part ou de leurs parents, en en invoquant la liberté de conscience. Depuis août 2008 il n’est plus nécessaire de le justifier en invoquant la liberté de conscience, on peut juste demander que les enfants ne reçoivent pas un enseignement religieux L’article 5 de la Constitution Grecque de 1975 dispose que: «Tous ceux qui se trouvent sur le territoire hellénique jouissent de la protection absolue de leur vie, de leur honneur er de leur liberté sans distinction … de conviction religieuse ».
Pour quoi diantre, voudrait-on nous imposer la Laïcité qui ne peut –être traduite dans aucune de nos langues nationales ? Y a-t-il des lobbies invisibles qui tirent les ficelles ou s’agit-il simplement d’un suivisme, né d’une aliénation culturelle, qui date certes, de plusieurs siècles ?

Nous aurions certainement plus d’intérêt à réfléchir sur le statut particulier à attribuer à nos cités religieuses et/ou à nos guides religieux, plutôt que d’essayer de perpétuer dans nos institutions des notions et principes en porte-à-faux avec la croyance de l’écrasante majorité de nos populations. La Laïcité ne doit plus figurer dans notre constitution et le prochain référendum devrait consacrer une telle évidence. Le Sénégal de Thierno Souleymane Baal, Cheikhou Oumar Foutiyyou Tall, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, El Hadji Malick Sy, et tant d’autres guides éclairés, en a marre de continuer à mimer des pays dont la trajectoire historique est-à tout point de vue-différente de la nôtre.

Vouloir nous soumettre un package de réformes où les Sénégalais n’auraient à dire que « Oui » ou «Non», ne me paraît pas juste comme démarche, tant le contenu des 15 points est disparate. Il est, en outre, essentiel d’organiser un débat inclusif sur l’ensemble de ces questions, si l’on veut aboutir à un texte consensuel, qui ne risquerait d’être soumis, dès après son adoption, à une autre réforme.

A bon entendeur, salut !

 

Mamadou Bamba Ndiaye

Ancien Ministre Chargé des Affaires Religieuses
Vendredi 22 Janvier 2016




1.Posté par Dioume Ousseynou le 24/01/2016 17:04
M. Ndiaye, c'est juste de dire que le mot laïque ne figure dans aucune de nos langues nationales. Dieu nous a offert beaucoup de Saints et Soufis de l'islam cependant nous ne devons pas oublier une petite minorité chrétienne et il y a quelques poches d'animisme. Mais nous avons une valeur fondamentale à perpétuer : la tolérance. Un état de doit , doit se baser sur cette valeur et garantir la liberté de conscience. Concernant les parti politique, la faiblesse réside dans la structure et les objectifs. Pour l'instant, il n'y pas de parti avec un fonctionnement démocratique, être fondateur et première financier d'un partie, ne veux pas dire que les futurs membres doivent être des adeptes d'un despote éclairé. Nous les Africains sommes perçus comme étant le peuple du monde où engagement politique rime avec enrichissement personnel. Donc c'est important qu'avant et après tout mandat que les revenus et fortunes soient publiés à inscrire dans la nouvelle constitutions. Il ne doit pas y avoir un traitement pour les parlementaire mais ce qu'on appelle en Suisse ou en Allemagne, le jeton de présence. Montant à fixer d'un commun accord avec aussi un verrouillage très clair qui va améliorer cette notion de décentralisation: la première condition pour représenter un endroit du Sénégal c'est d'y résider en permanence. Cela évitera d'avoir des "oubliés" du pays et d'avoir un vrai parlement non un applaudimètre ou une chambre d'enregistrement. C'est sûr que pour l'exécutif ça ne sera facile mais il seront plus performants. Le tout devra se faire dans le dialogue, la concertation, le respect mutuel car la destinée d'un pays est un affaire très sérieuse.Une dernière chose à éviter, c'est la transhumance c'est un cancer pour la démocratie. Ce phénomène ne doit pas être un moyen pour échapper à des audits ou pour simplement se protéger d'une quelconque action de la justice. Là aussi un article clair doit figurer dans la constitution sur les conditions requise pour changer de parti. Nous pouvons être fier d'avoir une constitution entièrement rédigée par nos juristes, d'avoir des militaires bien formés, responsables et appréciés dans le monde entier pour le professionnalisme, mais cela ne suffit pas , soyons perfectionniste, améliorons chaque jour les mécanismes et mode de fonctionnement de nos institutions politiques. C'est ma modeste contribution à ce projet après des décennies de séjours en Suisse. Je suis toujours fier quand on parle de mon pays en bien et jaloux quand on nous devance dans un domaine. La compétition est mondiale, elle n'est pas Africaine. Chers compatriotes mettons la barre assez haut pour atteindre les sommets. Fraternelles salutations.



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