Légitimation par les infrastructures: Et si Idrissa Seck était un pionnier?


Légitimation par les infrastructures: Et si Idrissa Seck était un pionnier?
La réalisation d'infrastructures semble être aujourd'hui le principal élément par lequel les acteurs politiques légitiment leur action et défendent leur bilan. Construire des ponts, des routes, des centres de conférences et leur donner de la visibilité semble être le jeu favori des gouvernants, et on peut facilement constater combien la stratégie de propagande des partis met cela en avant.
Pour qui connait le retard infrastructurel que nous avons accumulé au cours des dernières décennies, on ne peut que se réjouir que le Sénégal prenne l’option de relever son niveau d’attraction des investissements en se dotant d’équipements structurants. Cela n’empêche cependant qu’on reste vigilant quant à la transparence dans l’attribution de ces marchés, les mécanismes de financement qui peuvent nous enfoncer dans la spirale de l’endettement, l’utilisation de ces grands projets par le parti au pouvoir pour se constituer une cagnotte électorale, ainsi qu’un « fétichisme infrastructurel » qui nous pousserait a construire quel qu’en soit le prix.
Cela dit, on ne peut que réjouir de ce changement dans la culture politique au niveau des gouvernants. La principale manifestation est que le projet politique ne se légitime plus seulement par la massification du parti et la satisfaction des besoins des leaders d’opinion ou de certains groupes sociaux porteurs de suffrage  , mais par la réalisation d’infrastructures qui symbolisent à présent le lien physique entre les gouvernants et les gouvernés . De par leur utilité publique, les infrastructures semblent être une des meilleures utilisations de l’argent du contribuable, et permettent de faire échapper une partie de nos revenus à la boulimie consumériste de l’appareil d’Etat, notamment dans le traitement salarial du personnel politique.
 Ce changement est largement le fruit de ce qu’on appelle les « libéraux », adeptes d’une transformation par les infrastructures, contrairement aux « socialistes » dont la priorité semblait être une mise en place d’une administration forte et performante et d’un tissu législatif et institutionnel dense. Une telle approche n’est sans doute pas étrangère à ce qu’on pourrait appeler le « syndrome de l’ENFOM ». Les dirigeants socialistes ont pour la plupart été moulés a l’école coloniale qui mettait beaucoup plus l’accent sur l’administration des colonies, que leur construction.

Idrissa Seck est sans doute un pionnier dans cette transformation de la culture politique à travers les chantiers de Thiès. En effet, pour la première fois au Sénégal, nous avons pu voir un ensemble de réalisations infrastructurelles concentrées dans le temps et dans l'espace. L’idée d’une concentration réfléchie des investissements publics dans un pôle stratégique qui pourrait dans une logique de « trickle down » produire ses bienfaits sur la périphérie est la nouveauté qu’introduisent les chantiers de Thies. Par là même, on  évite une dispersion qui serait contreproductive en ce sens qu’elle répartirait des miettes dans un espace géographique plus large, sans bienfait notable pour aucun d’entre eux.
Au-delà de cette vision, et quelle que soit la mauvaise presse qu’on a voulu leur faire, les Chantiers de Thies ont implanté chez le Sénégalais l’idée qu’il était possible de produire un tant soit peu de résultat avec une bonne approche et une stratégie adéquate. De là est née une prise de conscience et une exigence de résultat auquel aucun dirigeant n’a échappé depuis.

Si Idrissa Seck a été un pionnier dans la réalisation, il ne l'était pas dans la conception, puisque c'est Abdoulaye Wade qui a le premier mis l'accent sur l'importance des réalisations infrastructurelles, en la liant avec une vision keynésienne de l'économie notamment à travers l'effet multiplicateur des dépenses publiques. Cependant, les projets de Wade dans un premier temps étaient disproportionnés et avaient besoin d'un calibrage. Ainsi en s’appropriant cette vision, et en y mettant une touche de réalisme d’efficience et d’efficacité, Idrissa Seck a pu montrer la voie et provoquer dans la classe politique une révolution copernicienne.
C’est d’ailleurs une telle logique, la légitimation par les infrastructures, que le président Wade a voulu mettre en scelle son fils en l’associant malicieusement aux réalisations du Sommet de l’OCI, et c’est par cette même logique que Macky Sall gouverne à travers l’actuelle « saison des inaugurations ».
Cependant, il est à craindre un essoufflement de cette notion, et que l’obligation de résultat qu’elle a engendré au niveau de la population doive se répondre par une autre stratégie. Devra-t-on attendre Idrissa Seck encore une fois pour qu’il nous la révèle ?  
 
Badara Samb Ndiaye
Mercredi 29 Octobre 2014




1.Posté par montreal le 30/10/2014 00:56
Man intention ce n'est point de vouloir critiquer, main bien de t'aider a eclairsir ton idée.
Je trouve qu'on est souvent bon lorsqu'il s'agit de discourir ou politique mais des qu'il y a des termes economiques on commence a melanger tout.
Par "effet multiplicateur des depenses publiques" le lecteur comprendra que ce sont les depenses publiques qui seront multipliées. Or tu fais surement reference au multiplicateur keynesien dont l'effet est la multiplication du revenue nationale et non la multiplication des depenses publiques.



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