Le système de santé sénégalais est malade


Le système de santé sénégalais est malade
La question de l’état de santé des sénégalais interpelle le MSRewmi qui soutient mordicus que le cap pris vers une universalité des soins est mal engagé faute de diagnostic pertinent et d’orientation claire sur la rationalisation du système de santé.

Contrairement à ce que l’on peut nous faire croire, les reformes sur le système de santé sont mal engagées et si la barre n’est pas redressée, le Sénégal file droit vers une faillite certaine de l’offre de soins. Le gouvernement de Macky Sall a proposé la Couverture Maladie Universelle (CMU) dont l’idée principale est d’aller une universalité des soins dans le triple logique d’optimisation de l’offre de soins, de promotion de la gratuité des soins pour les indigents et d’instauration d’un régime de mutualité sociale volontaire.

Aucun esprit averti ne trouverait rien à dire sur cette orientation si tous les paramètres seraient pris en compte en profondeur sans la moindre teinte populiste. Mais à voir de plus près beaucoup d’insuffisances compromettent la réussite de cette politique de santé.

Le premier point relatif à l’optimisation de l’offre de soins à l’échelle nationale est certainement la partie la plus importante mais elle est la moins considérée dans le plan de développement stratégique de la Couverture Maladie Universelle au Sénégal 2013-2014. Dans le plan de financement il n’apparaît nulle part une budgétisation faisant état du renforcement des plateaux techniques des structures de soins et du personnel soignant. La question légitime qui se pose naturellement est de savoir comment vendre la gratuité des soins alors que l’hôpital lui-même est malade. A titre d’illustration l’hôpital Abasse Ndao qui ne pratique plus les césariennes depuis presque un mois faute de moyens alors que celles-ci sont gratuites. Comment expliquer qu’il y a un manque de sages-femmes alors qu’il y a en près de 2000 qui chôment selon l’avis du ministre de la santé. La réponse que nous entendons du régime actuel a priori est d’avancer que cela a été prévu dans le Programme Sénégal Émergent (PSE). En effet,  dans la distribution du financement par secteur, il est prévu 124 milliards destinés aux infrastructures sans compter 46 milliards pour la couverture maladie universelle.
Mais là il faut s’inquiéter car parmi les 8 priorités d’action du PSE, l’amélioration  des conditions de vie des populations est placée en 7ème position. C’est pour dire que le capital humain est relégué au dernier plan alors qu’il est communément admis qu’en élargissant les capacités humaines, le développement disqualifie les approches par lesquelles le progrès n’est mesuré qu’à la quantité de biens et des services produits.  Au-delà de cet aspect d’autres problèmes structurels se posent en rapport avec le devenir de la distribution spatiale des structures de soins face à l’acte 3 de la décentralisation. Aucune jonction n’est faite avec le ministère de l’aménagement du territoire alors que l’on sait pertinemment que la pyramide sanitaire est calquée sur le découpage administratif. Que deviendra la région médicale quand son équivalent administratif disparaîtra ? Rappelons qu’avec la réforme hospitalière de 1998, les hôpitaux sont dotés d’une autonomie de gestion et l’élaboration des budgets de fonctionnements est coordonnée par le conseil régional. Quelles seront les prérogatives des districtMs sanitaires face aux défis de l’acte 3 de la décentralisation ? Autant de questions qui montrent que le noyau central d’une bonne politique de santé au Sénégal n’a pas été pris en compte et que tout est fait à l’envers.

Le deuxième point concerne la promotion de la gratuité des soins pour une catégorie de la population. Noble qu’elle puisse apparaître, elle n’est pas abordée dans une démarche prospective. De ce point de vue un constat général s’impose, aucun pays au monde ne peut supporter à long terme la gratuité des soins. Et même le Sénégal ne dispose pas d’importants fonds souverains pour préfinancer cette initiative. Nous l’avons vu avec le plan SESAME qui a porté un coup dur aux finances des hôpitaux dans le sens où l’Etat n’était pas en mesure de s’acquitter des sommes dues après soins des personnes âgées même avec le concours de l’IPRES.  L’alternative qui nécessite de regrouper toutes les énergies est simplement de lutter contre les disparités territoriales et sociales en matière d’offre de soins et de recours aux soins. La configuration de la pyramide sanitaire montre que plus on s’éloigne des centres névralgiques comme Dakar la desserte médicale a tendance à s’amenuiser là où les besoins se font le plus sentir. Cette fragilité est plus préoccupante dans les périphéries frontalières. L’exemple de la prévalence du virus Ebola devrait sonner l’alerte. Le Dr Scander Soufi a dit à juste titre qu’ « avec Ebola, les frontières sont virtuelles » parce que la maladie ne connaît pas la frontière. Fermer la frontière ne sert absolument à rien si on ne met en place un système de soins performant dans toutes ses composantes (prévention, plateau technique élevé) en périphérie frontalière et si on ne va pas vers une coopération sanitaire transfrontalière. L’Organisation Ouest Africaine de la Santé tente de promouvoir une harmonisation des politiques de santé. Toutefois, les Etats membres comme le Sénégal ne s’impliquent pas sérieusement et persistent sur un cadrage national de leur système de soins alors que les populations de part et d’autre des frontières vivent dans une continuité spatiale de recours aux soins.

Le troisième point qui nous intéresse est l’instauration ou la généralisation d’un régime de mutualité sociale volontaire en complément du régime obligatoire. Là aussi la manière dont le gouvernement de Macky Sall s’y prend pose un certain nombre de problèmes. Le document de la Stratégie Nationale de Développement Economique et Sociale (SNDES 2013-2014) fait état d’une couverture en mutuelles de santé, en fonction du régime volontaire, à hauteur de 13,6 % de la population. Et 58 % de ces mutuelles de santé ont des taux de cotisation qui n’excède pas 200 Fcfa par personne/mois et 70 % de celles-ci ne prennent pas en charge les médicaments dans les pharmacies privées. Au regard de cette faiblesse de couverture, il est sans doute primordial de jeter un dévolu sur la vulgarisation des mutuelles de santé sauf que presque 60 % de la population sénégalaise vivent en dessous du seuil de pauvreté et se préoccupent davantage du besoin primaire de se nourrir d’abord. Le recours aux services de santé est relégué au second plan. La priorité principale aujourd’hui est de favoriser un cadre d’indépendance économique des populations les plus pauvres  qui sera sans doute le point déclencheur pour l’affiliation directe à ces mutuelles sans grande participation de l’Etat.
 
MSREWMI (Mouvement de soutien à Rewmi) France.
 
Vendredi 31 Octobre 2014




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