Le règlement de la crise post-électorale en Gambie : une diplomatie de l’action concertée


Du 9 décembre 2016 au 21 janvier 2017, des nuages épais ont plané sur la Gambie et sur la sous-région Afrique de l’Ouest. La Gambie a frôlé la catastrophe, face à une vague d’aveuglement, de refus du droit et de la loi, après la victoire du nouveau Président de la Gambie, M. Adama Barrow, sorti vainqueur de l’élection présidentielle du 1er décembre 2016.



Une grave menace de destabilisation politique et institutionnelle, issue de la remise en cause par l’ex-Président de ce pays, M. Yaya Jammeh, des résultats de ce scrutin, a constitué une préoccupation de grande intensité chez les décideurs politiques de l’espace CEDEAO et, aussi, singulièrement, au sein des peuples du Sénégal et de la Gambie.


Prise en charge, sans hésitation, par les instances de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), cette crise a été gérée avec sérénité, patience et un savoir-faire qui méritent d’être soulignés et salués, par les chefs d’Etat des pays membres, malgré le radicalisme dont a fait preuve, pendant plusieurs semaines, l’ancien chef de l’Etat gambien. Celui-ci qui a choisi la voie du refus du droit et du libre choix du peuple de Gambie, choix traduit par un vote clair, émis, par les urnes, le 1er décembre 2016.

Fallait-il accepter l’inacceptable ?
La CEDEAO a dit non.
L’Afrique a dit non.
La communauté internationale a dit non.

Le Sénégal, sous la conduite du Chef de l’Etat, le Président Macky Sall, a dit non, avec hauteur et esprit de responsabilité.

Point n’est besoin de revenir sur les péripéties temporelles et factuelles des évènements.

La fermeté, la lucidité, la méthode et le savoir-faire ont été accompagnés par des procédures et des contacts que permettent le droit et la loi, pour ramener à la raison M. Yaya Jammeh et le peu de Gambiens qui le soutenaient encore.


Ce qu’il convient de retenir, au terme du processus engagé et qui a conduit à une solution pacifique de cette crise, c’est que la raison, l’intelligence sereine et l’action méthodique concertées mise en œuvre par étapes homéopathiques, ont eu raison des bases psychologiques voire psychosomatiques de cette crise qui, si elle n’avait pas été résolue par le dialogue et la persuasion, aurait conduit à une intervention militaire violente, à défaut de toute autre solution.  Cette crise, si elle avait été résolue par une intervention militaire, aurait été génératrice de dégâts humains et matériels sans précédent dans la sous-région. M. Yaya Jammeh en aurait été l’unique responsable et, sans aucun doute, n’y aurait pas échappé.

M. Yaya Jammeh a fini par se résoudre à quitter, et le pouvoir et la Gambie, sous la pression concomitante des chefs d’Etat, des pays membres de la CEDEAO – dont celles du Sénégal  et du Nigéria, en particulier, d’une part, et du dispositif militaire qui se tenait prêt, après toutes les précautions politiques et juridiques nécessaires, pour réduire toute résistance de la part de l’ex-Chef de l’Etat gambien.
La Gambie a été sauvée de justesse, sans effusion de sang. Le peuple gambien a toujours cultivé la paix et le dialogue, depuis son accession à la souveraineté internationale, le 18 février 1965.
Une tragédie a été évitée et c’est tant mieux pour tous. En tant que Sénégalais, nous devons ressentir une fierté légitime, au vu du rôle discret mais ferme, méthodique et efficace joué par le

Chef de l’Etat, le Président Macky Sall, dans la gestion et dans le dénouement de la crise, qui couvait dangereusement, depuis que, le Vendredi 9 décembre 2016, au soir, M. Yaya Jammeh a décidé d’opposer un refus catégorique à toute passation du pouvoir à celui qui venait, le 1er décembre, de
remporter une victoire que lui-même avait reconnue sans hésiter, allant jusqu’à féliciter son challenger et à lui assurer que, désormais, il comptait se retirer dans ses terres de Kanilaï, pour y cultiver ses champs.

Féliciter le Chef de l’Etat sénégalais incombe à tout observateur qui a eu l’occasion de suivre ce dossier ou de prendre part à son traitement du début à la fin. La séance de travail qui s’est tenue à l’Aéroport de Dakar, tard dans la nuit, après que le Président Mohamed Abdel Aziz venait de passer une journée entière en discussions avec le Président Yaya Jammeh, a été l’occasion, pour le Président Macky Sall et pour le nouvel élu, M. Adama Barrow, d’imprimer un moment fort au processus vers une solution négociée. La fermeté du Chef de l’Etat sénégalais, et du nouvel élu à la tête de la Gambie, aussi bien sur les principes que sur les finalités recherchées, aura été un élément décisif, pris en charge, dès le lendemain, par le Président Alpha  Condé de la Guinée, qui est allé aux côtés de M. Yaya Jammeh, lui porter le message du caractère non négociable de son retrait du pouvoir.
Les avions nigérians qui ont survolé à basse altitude le Palais présidentiel de Banjul, la State House, ont convaincu M. Jammeh de ce que, montrer sa force sans avoir besoin de l’utiliser, était, avec la diplomatie, un élément de langage plus que convaincant dans certaines situations comme celle qui prévalait alors en Gambie.
En résumé de tout cela, reconnaître le rôle personnel du Président Macky Sall, Président du pays le plus concerné par cette crise, pour des raisons géographiques et politiques, culturelles et sociales, historiques et stratégiques, n’empêche point de saluer la triple médiation de la  délégation des Chefs d’Etat envoyés par la EDEAO, dès le début de la crise, et, dans les derniers jours, de deux amis personnels de M. Jammeh, les Présidents Abdel Aziz de la Mauritanie et Alpha Condé de la Guinée-Conakry.

A l’initiative du Chef de l’Etat sénégalais, il est juste et légitime de rappeler :

1.  la Résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU votée à l’unanimité, résolution qui a été proposée et défendue par le Sénégal, à New-York ;
2.  le choix d’un Commandant en chef des troupes d’intervention de la CEDEAO, à la demande expresse de celle-ci, en la personne du Général François Ndiaye ; 
3.  les effectifs des  militaires mobilisés,  avec une majorité d’Officiers et de Soldats sénégalais, avec, en appoint, 200 soldats du Nigéria ;
4.  le Plan d’opération stratégique et la mobilisation physique des matériels et équipements de notre Armée nationale, avec, en appoint, des avions militaires venant du Nigéria ;
5.  la participation du Président élu, M. Adama Barrow, au Sommet des pays de France et d’Afrique, à Bamako, les 13 et 14 janvier 2017, en accord avec les Chefs d’Etat de la CEDEAO ;
6.  le fait que le Président Macky Sall soit revenu au Sénégal, après le Sommet de Bamako, avec le Président Adama Barrow, à la demande de la CEDEAO et de lui assurer ainsi hospitalité, protection, sécurité et une plateforme stratégique de réflexion et de communication sur ce dossier ;
7.  le fait de lui offrir l’occasion et la possibilité  de prêter serment en territoire gambien, les locaux des Ambassades étant  considérés, au titre des Conventions internationales en vigueur, comme les prolongements des pays représentés, de même que, depuis quelque temps, les aéronefs et navires battant pavillon de ces mêmes pays.
Le Sénégal, le Nigéria, le Libéria, le Ghana, la Sierra Leone et la Guinée-Conakry, sous la bannière de la CEDEAO, ainsi que la Mauritanie, à travers l’action de leurs Chefs d’Etat, de cette situation de menace grave générée par la crise post-électorale en     Gambie, sortent grandis. C’est pourquoi, ils méritent l’hommage de leurs peuples et le témoignage de l’histoire, de même que l’ONU, l’Union Africaine et la CEDEAO qui ont couvert de leur légitimation institutionnelle et juridique, le dispositif militaire de protection des droits du peuple de Gambie et pour le respect du principe intangible du suffrage universel, comme moyen légal d’élection des dirigeants des peuples souverains. 
Une mention particulière doit être décernée au Président Macky Sall, pour les actes décisifs ci-dessus énumérés, posés à l’initiative du Sénégal  et de son chef, avec hauteur et avec un sens élevé des responsabilités, sans un mot, et avec pour seul souci, la préservation de la dignité de l’Afrique et sa capacité de se prendre en charge quand arrive le temps de l’action, dans l’intérêt supérieur des nations.


Moustapha Niasse
Mardi 24 Janvier 2017




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