Le Sénégal est gratifié, ce week-end, d’un gros bouquet de nouvelles politiquement apaisantes et démocratiquement enchanteresses. Il s’agit de la cascade d’élargissements, de libertés provisoires, de non-lieux et autres relaxes tous azimuts, décidés et/ou prononcés en faveur du jeune marabout Assane Mbacké et des quatre étudiants déférés, au lendemain de la pluie de cailloux tombés sur le cortège du Président de la république. Avant eux, des libéraux de premier plan (Me Amadou Sall et Mouhamadou Massaly) ont quitté la citadelle du silence.
L’opinion publique est globalement satisfaite, nonobstant les calculs politiquement sous-jacents en toile de fond. Satisfaction similaire chez les observateurs avisés qui constatent que le sursaut de lucidité a pris le pas sur l’emballement judiciaire ; tout comme la brise de la clémence a adouci l’harmattan du raidissement répressif. Fort heureusement, on a compris au plus haut niveau de l’Etat que l’actualité judiciaire en hausse n’est pas le meilleur baromètre de la santé politique d’un pays démocratique ; encore moins la parfaite garantie de l’essor économique du Sénégal. Autrement dit, l’effervescence judiciaire ne sert point l’émergence économique. Pire, elle efface le débat économique apparemment cher au Président Macky Sall.
En effet, l’étau judiciaire rime très mal avec le taux de croissance. Il ne s’agit pas d’une clause de style ou de la trouvaille d’un poète. N’est-il pas navrant de constater que la rubrique judiciaire des journaux couvre d’un voile épais, les chantiers qui décapent le territoire par-ci, et le meublent d’infrastructures par-là ? L’inauguration de la Route Nationale numéro deux (RN2) et la réception de l’émissaire du Delta par le Premier ministre Mohamed Boune Abdallah Dionne – en compagnie de la patronne du MCC – ont été comprimées voire balayées des écrans et des pages des médias, par l’épisode des documents (réels ou fictifs) sortis de la prison de Rebeuss et destinés au Khalife Général des Mourides. Seule la bien nommée RTS (Racine Talla Sall : allusion à la ligne éditoriale exaltée) a fait un gros plan sur ces réalisations qui transforment le panorama septentrional et préfigurent un avenir d’autosuffisance et de connectivité (désenclavement) pour le Nord du Sénégal. Moralité : quand l’actualité judiciaire tient le haut du pavé, toutes les autres actualités s’affaissent.
Vivement que Macky Sall s’ajuste sur ce cap de la décrispation ! En desserrant l’étau, le Président-fondateur de l’APR dynamite la chape de plomb et, in fine, oriente les Sénégalais vers l’orbite du minimum consensuel qui est, à la fois, le soubassement et le gage de tout décollage économique, pour employer un vocabulaire moins galvaudé et plus proche du réel que la fameuse et fumeuse émergence. Ses illustres et non moins intelligents devanciers n’ont pas fait autre chose. Moins de cinq ans, après son choc frontal avec Mamadou Dia, le Président Léopold Sédar Senghor a entamé l’aération de la vie politique, en jouant la carte de l’ouverture apaisante vers le PRA-Sénégal dont les grands responsables et futurs ministres furent Amadou Makhtar Mbow, Abdoulaye Ly, Diaraf Diouf et Assane Seck. Son successeur Abdou Diouf expérimentera la même démarche, après un dur et mémorable bras de fer avec le PDS et ses alliés issus principalement de la gauche. Cela a débouché sur les gouvernements d’ouverture et de rassemblement du Premier ministre Habib Thiam, au cours de la décennie 1990-2000
Pour réussir de si salvateurs basculements politiques, le chef de l’Etat doit simultanément desserrer l’étau judiciaire autour des opposants et briser celui des faucons autour de sa personne, lui, le Président de tous les Sénégalais. Car, ce sont ces derniers (les faucons politiques et leurs cousins sécurocrates des appareils sécuritaires) qui sont les adeptes du serrage de vis. Les évènements de l’Université Cheikh Anta Diop sont éloquents, à cet égard. Le Président Moustapha Diakhaté a coiffé tous les faucons au poteau, avec les propos hystériques que voici : « Ces étudiants sont des vermines qu’il faut extraire et exterminer ». On tombe à la renverse, quand on sait que l’ex-syndicaliste de la BCEAO et actuel Président du Groupe parlementaire majoritaire, a personnifié, jusqu’en 2012, le courage, la lucidité et la sagesse. Le député et non moins procureur Moustapha Diakhaté oublie que tous les jeunes, autour de 20 ans, ont partout cassé la vaisselle : « fokh ndap », selon la savoureuse expression ouolof.
C’est précisément pour échapper à l’emprise des faucons de l’UPS (Moustapha Cissé de Louga, Maguette Lô de Linguère et Théophile James de Gossas) que le Président Senghor avait demandé à son chef d’Etat-major des armées, le Général Jean Alfred Diallo, de rencontrer et de discuter discrètement avec Amadou Makhtar Mbow. Mission inhabituelle pour un chef militaire. Mais L. S. Senghor devait se protéger de ses faucons (à lui) et préserver aussi Amadou Makhtar Mbow de ses faucons au sein du PRA-Sénégal. Lire les mémoires du Professeur et défunt ministre Assane Seck.
Il est rare de rencontrer un citoyen qui s’enthousiasme des fâcheux, violents et inciviques évènements de l’Université. Toutefois, le Président du Sénégal doit constamment se convaincre qu’il est dans le champ politique et non dans les ordres religieux. Un homme politique – doublé d’un homme d’Etat – doit avoir la peau cuirassée, tel un alligator. Quand on opte pour la démocratie, on accepte les emmerdements qui vont avec. La politique n’est pas un diner de gala en permanence. Les applaudissements au Grand Théâtre alternent avec les chahuts au campus. D’ailleurs, les échos contrastés de l’allégresse des uns et de la colère des autres, sont plus précieux dans les oreilles d’un chef d’Etat que les notes aseptisées que les courtisans techniques déposent sur sa table ou poussent vers ses yeux. Bref, il est plus facile d’être un Néron qu’un Churchill. Même si le Sénégal n’est pas un terreau fertile pour des tyrans.
En définitive, le destin électoral de Macky Sall est tributaire de l’influence en hausse ou en baisse des faucons. C’est d’autant plus vrai que la politique reste le seul domaine où les vertus ne sont jamais récompensées. En revanche, les erreurs y sont chèrement payées. L’affaire Karim Wade est, à cet égard, illustrative des conséquences d’un jusqu’auboutisme mal maitrisé. En partant d’un impératif de bonne gouvernance – la très louable reddition de comptes – on a débouché nolens volens sur un règlement de comptes aux effets magiquement inattendus. Car la montagne de la traque des biens mal acquis a accouché d’une souris financière (peu de sous dans les caisses de l’Etat) et d’un sanglier politique aux dents longues : Karim Wade, hier, un nain dans le Landernau.
En dépeuplant progressivement les prisons, Macky Sall se dégage, lui-même, de la prison des affaires quotidiennes, c’est-à-dire de la routine sans réels reliefs ni perspectives majeures. Un second mandat est un horizon électoralement accessible, mais historiquement insignifiant. La place que l’acteur politique occupe et les traces qu’il laisse dans les manuels d’Histoire destinés aux futurs écoliers de 2030, importent davantage. Le Général De Gaulle a bouclé trois chantiers : la décolonisation, la bombe atomique et le nouveau Franc. Léopold Sédar Senghor a formé des ressources humaines puis forgé des institutions qui ont prémuni voire vacciné le Sénégal contre l’épidémie de coups d’Etat ayant sévi sur le continent noir. Houphouët Boigny a réalisé un miracle économique finalement calciné par le feu de la violence politique. Entre le « P » de la prison et celui de la prospérité, le choix de Macky Sall ne doit pas buter sur l’hésitation. Ainsi le taux de bonheur tuera l’étau de l’embastillement.
PS : Le diagnostic de François Cavanna (1923-2014) est toujours d’actualité : « Le pouvoir est le pouvoir. Il fait de toi ce qu’il veut, dès que tu crois l’avoir conquis. Quelles qu’aient été tes intentions, ton idéal, tu es prisonnier de la férocité des factions ». Remplacez factions par faucons… !
L’opinion publique est globalement satisfaite, nonobstant les calculs politiquement sous-jacents en toile de fond. Satisfaction similaire chez les observateurs avisés qui constatent que le sursaut de lucidité a pris le pas sur l’emballement judiciaire ; tout comme la brise de la clémence a adouci l’harmattan du raidissement répressif. Fort heureusement, on a compris au plus haut niveau de l’Etat que l’actualité judiciaire en hausse n’est pas le meilleur baromètre de la santé politique d’un pays démocratique ; encore moins la parfaite garantie de l’essor économique du Sénégal. Autrement dit, l’effervescence judiciaire ne sert point l’émergence économique. Pire, elle efface le débat économique apparemment cher au Président Macky Sall.
En effet, l’étau judiciaire rime très mal avec le taux de croissance. Il ne s’agit pas d’une clause de style ou de la trouvaille d’un poète. N’est-il pas navrant de constater que la rubrique judiciaire des journaux couvre d’un voile épais, les chantiers qui décapent le territoire par-ci, et le meublent d’infrastructures par-là ? L’inauguration de la Route Nationale numéro deux (RN2) et la réception de l’émissaire du Delta par le Premier ministre Mohamed Boune Abdallah Dionne – en compagnie de la patronne du MCC – ont été comprimées voire balayées des écrans et des pages des médias, par l’épisode des documents (réels ou fictifs) sortis de la prison de Rebeuss et destinés au Khalife Général des Mourides. Seule la bien nommée RTS (Racine Talla Sall : allusion à la ligne éditoriale exaltée) a fait un gros plan sur ces réalisations qui transforment le panorama septentrional et préfigurent un avenir d’autosuffisance et de connectivité (désenclavement) pour le Nord du Sénégal. Moralité : quand l’actualité judiciaire tient le haut du pavé, toutes les autres actualités s’affaissent.
Vivement que Macky Sall s’ajuste sur ce cap de la décrispation ! En desserrant l’étau, le Président-fondateur de l’APR dynamite la chape de plomb et, in fine, oriente les Sénégalais vers l’orbite du minimum consensuel qui est, à la fois, le soubassement et le gage de tout décollage économique, pour employer un vocabulaire moins galvaudé et plus proche du réel que la fameuse et fumeuse émergence. Ses illustres et non moins intelligents devanciers n’ont pas fait autre chose. Moins de cinq ans, après son choc frontal avec Mamadou Dia, le Président Léopold Sédar Senghor a entamé l’aération de la vie politique, en jouant la carte de l’ouverture apaisante vers le PRA-Sénégal dont les grands responsables et futurs ministres furent Amadou Makhtar Mbow, Abdoulaye Ly, Diaraf Diouf et Assane Seck. Son successeur Abdou Diouf expérimentera la même démarche, après un dur et mémorable bras de fer avec le PDS et ses alliés issus principalement de la gauche. Cela a débouché sur les gouvernements d’ouverture et de rassemblement du Premier ministre Habib Thiam, au cours de la décennie 1990-2000
Pour réussir de si salvateurs basculements politiques, le chef de l’Etat doit simultanément desserrer l’étau judiciaire autour des opposants et briser celui des faucons autour de sa personne, lui, le Président de tous les Sénégalais. Car, ce sont ces derniers (les faucons politiques et leurs cousins sécurocrates des appareils sécuritaires) qui sont les adeptes du serrage de vis. Les évènements de l’Université Cheikh Anta Diop sont éloquents, à cet égard. Le Président Moustapha Diakhaté a coiffé tous les faucons au poteau, avec les propos hystériques que voici : « Ces étudiants sont des vermines qu’il faut extraire et exterminer ». On tombe à la renverse, quand on sait que l’ex-syndicaliste de la BCEAO et actuel Président du Groupe parlementaire majoritaire, a personnifié, jusqu’en 2012, le courage, la lucidité et la sagesse. Le député et non moins procureur Moustapha Diakhaté oublie que tous les jeunes, autour de 20 ans, ont partout cassé la vaisselle : « fokh ndap », selon la savoureuse expression ouolof.
C’est précisément pour échapper à l’emprise des faucons de l’UPS (Moustapha Cissé de Louga, Maguette Lô de Linguère et Théophile James de Gossas) que le Président Senghor avait demandé à son chef d’Etat-major des armées, le Général Jean Alfred Diallo, de rencontrer et de discuter discrètement avec Amadou Makhtar Mbow. Mission inhabituelle pour un chef militaire. Mais L. S. Senghor devait se protéger de ses faucons (à lui) et préserver aussi Amadou Makhtar Mbow de ses faucons au sein du PRA-Sénégal. Lire les mémoires du Professeur et défunt ministre Assane Seck.
Il est rare de rencontrer un citoyen qui s’enthousiasme des fâcheux, violents et inciviques évènements de l’Université. Toutefois, le Président du Sénégal doit constamment se convaincre qu’il est dans le champ politique et non dans les ordres religieux. Un homme politique – doublé d’un homme d’Etat – doit avoir la peau cuirassée, tel un alligator. Quand on opte pour la démocratie, on accepte les emmerdements qui vont avec. La politique n’est pas un diner de gala en permanence. Les applaudissements au Grand Théâtre alternent avec les chahuts au campus. D’ailleurs, les échos contrastés de l’allégresse des uns et de la colère des autres, sont plus précieux dans les oreilles d’un chef d’Etat que les notes aseptisées que les courtisans techniques déposent sur sa table ou poussent vers ses yeux. Bref, il est plus facile d’être un Néron qu’un Churchill. Même si le Sénégal n’est pas un terreau fertile pour des tyrans.
En définitive, le destin électoral de Macky Sall est tributaire de l’influence en hausse ou en baisse des faucons. C’est d’autant plus vrai que la politique reste le seul domaine où les vertus ne sont jamais récompensées. En revanche, les erreurs y sont chèrement payées. L’affaire Karim Wade est, à cet égard, illustrative des conséquences d’un jusqu’auboutisme mal maitrisé. En partant d’un impératif de bonne gouvernance – la très louable reddition de comptes – on a débouché nolens volens sur un règlement de comptes aux effets magiquement inattendus. Car la montagne de la traque des biens mal acquis a accouché d’une souris financière (peu de sous dans les caisses de l’Etat) et d’un sanglier politique aux dents longues : Karim Wade, hier, un nain dans le Landernau.
En dépeuplant progressivement les prisons, Macky Sall se dégage, lui-même, de la prison des affaires quotidiennes, c’est-à-dire de la routine sans réels reliefs ni perspectives majeures. Un second mandat est un horizon électoralement accessible, mais historiquement insignifiant. La place que l’acteur politique occupe et les traces qu’il laisse dans les manuels d’Histoire destinés aux futurs écoliers de 2030, importent davantage. Le Général De Gaulle a bouclé trois chantiers : la décolonisation, la bombe atomique et le nouveau Franc. Léopold Sédar Senghor a formé des ressources humaines puis forgé des institutions qui ont prémuni voire vacciné le Sénégal contre l’épidémie de coups d’Etat ayant sévi sur le continent noir. Houphouët Boigny a réalisé un miracle économique finalement calciné par le feu de la violence politique. Entre le « P » de la prison et celui de la prospérité, le choix de Macky Sall ne doit pas buter sur l’hésitation. Ainsi le taux de bonheur tuera l’étau de l’embastillement.
PS : Le diagnostic de François Cavanna (1923-2014) est toujours d’actualité : « Le pouvoir est le pouvoir. Il fait de toi ce qu’il veut, dès que tu crois l’avoir conquis. Quelles qu’aient été tes intentions, ton idéal, tu es prisonnier de la férocité des factions ». Remplacez factions par faucons… !
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