Laser du lundi : La francophonie ou la bambaraphonie ? (Par Babacar Justin Ndiaye


Laser du lundi : La francophonie ou la bambaraphonie ? (Par Babacar Justin Ndiaye

La francophonie, au sens laconique du terme, est définie comme une collectivité constituée par des peuples parlant le français. Mais une définition, exhaustive soit-elle, ne suffit jamais pour déterminer la carrière d’un concept. Et, surtout, lui octroyer un destin d’envergure, comme c’est le cas avec la francophonie (le mot est inventé par le géographe Onésime Reclus) qui a manifestement prospéré, depuis que le Président Léopold Sédar Senghor s’en est fait le pionnier, le croisé et le chantre.
 

Au commencement, un souci politique inavoué et une volonté culturelle proclamée de rétablir et de fortifier la passerelle reliant historiquement la France à un conglomérat de nations. Un pont que le vent de la liberté – amplifié par les indépendances en rafales des années 60 – avait durement éprouvé. Eriger voire institutionnaliser un forum qui regroupe diverses nations dans le cadre d’une solidarité agissante et articulée autour d’un substratum linguistique : le français. Telle a été la vocation originelle de la Francophonie.
 

Langue arrivée dans les fourgons du colonialisme, le français cesse, dans l’usage, d’appartenir exclusivement à la France. D’autres pays soucieux de préserver et d’enrichir cette langue, se sentent concernés par le destin de celle-ci. Les plus fraîches statistiques en témoignent : 220 millions de locuteurs répartis entre 77 pays membres, associés et observateurs, eux-mêmes, éparpillés sur les cinq continents. Du Congo au Cambodge, du Maroc aux Seychelles et du Liban au Laos etc. la langue de Marcel Pagnol sert fréquemment de support au commerce des idées et à la diffusion de la pensée. D’où la définition, cette fois non-laconique et très didactique, du concept par son ardent et meilleur avocat : « La francophonie, c’est la communauté spirituelle des nations qui emploient le français, soit comme langue nationale, soit comme langue officielle, soit comme langue d’usage ». (Léopold Sédar Senghor dixit)  
 

Cependant, force est de reconnaitre que pour une Afrique fraîchement extirpée de la nuit coloniale – avec son cortège de déracinement et d’abêtissement culturels – et normalement frileuse par rapport à son identité et à sa personnalité, l’idée de francophonie n’a pas manqué de provoquer des cris d’orfraie. D’autant que l’Académicien Senghor ne s’est pas gêné d’entonner un hymne à la gloire de langue de Baudelaire : « Le français est une langue de gentillesse et d’honnêteté. Je le sais, le français se présente d’abord atone et gris, comme la langue des ingénieurs et des diplomates. C’est que le français est la langue la plus délicate d’Europe, celle qui a le plus de ressources. Elle est comme la trompette de Louis Armstrong qui exprime, tour à tour, le sentiment le plus tendre, l’ironie la plus fine et la violence la plus furieuse ». (Voir son ouvrage Liberté III)


Pareille apologie de la langue du colonisateur ne pouvait évidemment pas plaire à tous. C’est dire qu’en face des pionniers de la francophonie (Léopold S. Senghor, Habib Bourguiba et Diori Hamani) se sont immédiatement dressés de véhéments contempteurs. L’ancien Président guinéen Sékou Touré a été le plus acharné des adversaires de la francophonie. Et sa fameuse phrase selon laquelle, « La Guinée préfère la bambaraphonie, la haoussaphonie et autre ouolofophonie à la francophonie », traduit, à la fois, une passion hystérique pour l’Afrique et une méfiance maladive vis-à-vis d’un concept perçu comme un nouvel avatar (culturel) du complot permanent de la France contre l’émancipation et l’émergence de ses anciennes possessions.
 

Ces escarmouches sérieuses autour du concept, ont vite convaincu Senghor et ses amis, de l’urgente nécessité de dégager la francophonie des limbes de la pensée, en lui donnant une orientation et un contenu concrets. En un mot : un essor. Le 19 février 1969, à l’instigation du Président Hamani Diori, Niamey abrite une conférence qui va se muer en un outil opérationnel. La capitale du Niger devient ainsi le berceau du premier organe vivant et actif de la francophonie : l’Agence de Coopération Culturelle et Technique (l’ACCT). Le Canadien Jean Marc Léger, le Nigérien Dan Klodio Dan Dicko et le Gabonais d’Okwatségué en deviennent les trois premiers directeurs.
 

La première manche est gagnée. La voie est également jalonnée. Le mouvement francophone figure, en bonne place, dans le panorama des institutions et des organisations internationales. Mieux, il entrouvre un horizon spécifique de coopération entre la France et une myriade de pays peu ou prou en osmose culturelle avec l’Hexagone. Sous cet angle, on peut dire que le 1er sommet francophone tenu à Paris, en février 1986, a inauguré une nouvelle ère : celle de la structuration irréversible de la famille. Le second conclave organisé au Québec a approfondi la tendance amorcée à Paris. Et l’odyssée institutionnelle de la francophonie culminera, en 1999, avec la création du poste de Secrétaire général de l’Organisation Internationale de  la Francophonie (OIF).


Dans cet ordre d’idées, le XVème Sommet de Dakar (29-30 novembre 2014) sera, sans aucun doute, le couronnement de cette coopération typiquement fondée sur la communauté de langue. Une solidarité originale qui irrigue des secteurs aussi variés que l’agriculture, l’énergie, l‘information, la science, le développement technologique et la dette. Les Assises francophones de Dakar seront enfin le triomphe du choix politiquement senghorien qui place « La France à la droite de Dieu, le Père », comme le supplie et le stipule un fragment d’un poème de l’académicien et ancien chef de l’Etat du Sénégal.
 
PS : Le débat fut vif et vigoureux autour de la francophonie. Le Sénégalais Senghor déclara : « La langue française est un instrument trouvé dans les ruines du colonialisme ». Réplique de l’Algérien Kateb Yacine : « Pour nous, le français est un butin de guerre ». De la guerre d’Algérie (1954-1962). Historiquement, le débat possède une profondeur, sans commune mesure, avec les réflexions de surface et les discussions cosmétiques qui ont drôlement meublé le colloque organisé par  le fameux  Comité scientifique, en prélude au XVème Sommet de Dakar. Lequel consacrera la victoire (pour combien de temps ?) de la francophonie sur la swahiliphonie.   

 

Lundi 10 Novembre 2014
Dakar actu




1.Posté par diop cheikh UGB le 10/11/2014 08:17
bonne contribution mais je pense que la langue d'autrui ne peut pas être porteuse d'un développement d'un pays. la francophonie, c'est un suicide culturel pour les africains

2.Posté par diop cheikh UGB le 10/11/2014 08:20
bonne contribution mais je considère la francophonie comme un suicide culturel pour les africains

3.Posté par mayday le 10/11/2014 08:43
c'est de la franconnerie

4.Posté par Awaly Sall le 10/11/2014 10:32
excellent instrument de perpétuation des intérêts coloniaux

5.Posté par cheikhDepuis le 10/11/2014 11:13
intéressant,
et probablement vous ne serez pas invite dans les médias comme france24 ou rfi, car vous osez aider les africains (malheureusement pas les leaders africains)a voir les arnaques dont ils sont victimes.

et moi j'ai peur pour votre securite physique...

6.Posté par @ux contributeurs précédents le 10/11/2014 12:33
Les africains anglophones n'ont pas ce genre de complexes et de fantasmes vis-à-vis de l'anglais. Il y a belle lurette qu'ils ne le voient plus comme la langue du colon.
En 2014, la langue française n'appartient pas plus aux français que la langue anglaise n'appartient aux anglais. Ce serait du dernier grotesque.

7.Posté par ibrahima le 10/11/2014 12:43
woooooooooooooy boubacar justin guèwèl sakhe daw raww , nopil way tè dème liguèyi gnou mèle ni yaw dongue gnouye tardèlo sènègal , kou ame kham kham bouye avancèle rèw dafa kay liguiy way , wakh wakh rèk tu nous emmerde a la fin

8.Posté par koffi michel le 10/11/2014 12:46
si c'était fifty fifty avec nos langues nationales par rapport à la langue française,on saura combien de fois l’Afrique regorge une pléthorique groupes socio cultures diversifiées.....francophonie certes mais rappelons-nous d'où on vient

9.Posté par samba thiam niasse-chroniqueur à safina fm 98.2 le 10/11/2014 12:49
cette chronique rappelle un intellectuel à cheval entre hier et aujourd'hui mais candidat à l'autel d’élévation spirituelle de demain. vraiment les consécrations d'excellence tel que cauris d'or ont des sujets tel que vous les cultivateurs de l’être intellectuel sénégalais.

10.Posté par Jabs le 10/11/2014 14:35
Mais les gars il faut developer vos idées. C'est trop facile de " sani beneu khèr rek nopi"..........

11.Posté par kheuch le 10/11/2014 15:04
Puis qu'on a honte d'enseigner non langues dans les grandes écoles il faut s'accrocher au français

12.Posté par Deugg Gui le 10/11/2014 16:29
"La francophonie, c’est la communauté spirituelle des nations..." Du communautarisme banal face à l'hégémonie anglo-saxonne.

13.Posté par Atypico le 14/11/2014 15:03
Il ne s'agit pas de se tirer des balles dans le pied en refusant, au nom d'un ethnicisme obtu, le fait que le Français est devenu pour nous une langue africaine à part entière et une langue africaine internatioale, qui nous permet de prendre la parole et de prendre place dans le monde actuel, d'y défendre nos intérêts propres, de nous enrichir et d'enrichir, les savoirs et technniques universels dont dépendent notre développement économique et culturel. Maîtriser le français écrit et maîtriser l'écrit d'une de nos langues dites "nationales" au sortir du primaire, voilà le défi qui est le notre pour sauvegarder et fortifier nos racines sans renoncer à s'ouvrir et se battre victorieusement dans l'univers mondialisé du 21 siècle !



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