Laser du lundi : L’échec de la DIRPA est patent (Par Babacar Justin Ndiaye)


Aucune éloquence, aucune érudition, aucune perspicacité et, in fine, nulle sublimation de la liberté d’expression ne peuvent justifier valablement la publication – notamment à l’état brut – d’informations estampillées « secret-défense ». Indiscutablement, le journaliste, Mamadou Seck et son directeur de publication, Alioune Badara Fall ont manqué, non pas de ferveur patriotique ou de valeur professionnelle, mais de ce mélange subtil de mesure et de méthode qui évacue l’autocensure, tout en habillant convenablement les informations hautement sensibles et/ou totalement névralgiques.    

Si j’entrais en possession de pareilles informations émanant de telles sources, je les publierais en les édulcorant dans et par un faisceau de formulations suffisamment et habilement embrumées pour les rendre, à la fois, assez intéressantes pour les lecteurs et peu exploitables par les ennemis des Diambars sur le théâtre des opérations saoudo-yéménites. Le poète et communiste Louis Aragon avait l’habitude de dire sur un ton badin et savant : « Il y a l’art et la manière de dire merde, même à un Pape ». Tout est donc une question de savoir-faire qui, sur des informations ou des dossiers classés « secret-défense », exige un adéquat dosage entre dissimulations volontaires et révélations nécessaires.

Dans le papier de Mamadou Seck, ce sont les indications claires et les précisions de taille qui ont provoqué la nervosité rugissante de la hiérarchie militaire. La frayeur est également au rendez-vous ; puisque le dispositif militaire ainsi dévoilé – et probablement modifié – configure évidemment les combats à venir. Dans le détail des appréciations, on peut dire que le fractionnement du contingent en groupements opérationnels joliment dénommés ALPHA et BRAVO (selon L’OBS) ne constitue guère une information sensationnelle ou sensible. Un contingent aux effectifs lourds est forcément fractionné et articulé en prévision de l’ouverture des hostilités. Ce n’est pas un gros secret, c’est une constante élémentaire. Même une escouade de policiers qui va à l’assaut d’un repaire de voyous, est fractionnée puis resserrée.  

En revanche, les caractérisations poussées peuvent être des sources réelles de dangers. En effet, les réservistes du contingent destiné à l’Arabie Saoudite sont opérationnellement moins frais (moins entrainés aussi)  que les unités de choc de l’armée  qui, elles,  restent continuellement sur la brèche. C’est évident et logique. Par conséquent, une photographie (par un article détaillé et visiblement informé) situe le ventre mou du déploiement sur zone, au travers de la portion de terrain contrôlée par les éléments puisés chez les réservistes. Bref, on oriente les planificateurs des forces ennemies (milices chiites houthites) et les stratèges des services secrets iraniens, vers le pan le plus pénétrable du dispositif sénégalais. Moralité : les informations sensibles, y compris celles classées « secret-défense », ne sont pas vouées à la rétention automatique mais doivent être passées au double tamis de la prudence et de la responsabilité.   

A quelque chose, mésaventure est parfois bonne. L’interpellation, la garde-à-vue et la navette des journalistes, entre le parquet, la cave et le violon, signent et soulignent l’échec patent de la Direction des Relations Publiques des Armées (DIRPA) plus engluée dans la routine et moins abonnée au dynamisme. Pourtant, la mission de la DIRPA figure, en surface comme en filigrane, dans le sigle. En servant efficacement d’interface entre les médias, l’Etat-major et le ministère de la Défense nationale, la DIRPA doit être en mesure de biffer toutes les aspérités possibles et potentielles dans la relation incontournable (dans une démocratie moderne) entre la « Grande Muette » et la « Grande Bavarde ». Ici comme ailleurs, la démarche relève d’un savoir-faire en perpétuelle adaptation aux mutations sans fin.

Par le biais d’une doctrine inventive, un staff ingénieux de la DIRPA réussirait une jonction féconde entre journalisme en uniforme et journalisme sans uniforme. En d’autres termes, une sorte de partenariat par lequel la DIRPA canaliserait amicalement la presse, via une offensive étouffante de charme, s’avère plus porteur de dividendes partagés qu’un corps-à-corps (entre journaux et armées) forcément dévastateur pour l’image de la démocratie et la qualité de l’Etat de droit. Le tout sans velléité de manipulation mais avec un esprit de mutualisation. Ajoutons, sans tarder, que le fiasco de la DIRPA n’est pas assimilable à un passif exclusivement imputé au Colonel Abou Thiam, son directeur actuel. Loin s’en faut. Créée en 1994 – héritière de La vieille entité Presse Informations Cinéma ou PIC – la DIRPA a consommé une cohorte de colonels, en une vingtaine d’années.

Bien sûr, les évolutions sont historiquement lentes dans l’univers militaire. Car les armées possèdent des structures et une culture antinomiques avec la notion de communication au sens d’échange et de relation. Elles ne communiquent que sous la contrainte des évènements. Par exemple, une opération meurtrière ou sanglante en Casamance, oblige l’armée à donner sa version des faits, en vue de tempérer l’effervescence d’une opinion publique sérieusement bouleversée. Cette posture sclérosée est quasiment commune à toutes les armées du monde, nonobstant des changements à doses homéopathiques en cours dans certains pays. En tout état de cause, on n’est plus dans les années 56-57, lorsque le Général Jacques Massu, patron de la 10e Division de Parachutistes, traitait, au cours de la bataille d’Alger, les journalistes de « fouille-merde ».        

Au demeurant, l’entrée en action de la Section de Recherche de la gendarmerie (la SR) et l’entrée en lice du Parquet dévoilent, sur ce dossier précis des journalistes de GFM,  les contre-performances de la Sécurité Militaire appelée sous d’autres cieux, la Direction de la Protection de la Sécurité de la Défense (DPSD). En effet, un bon travail en amont et en interne – c’est l’une des missions de la Sécurité Militaire qui fait de la contre-ingérence et de la sûreté militaire – aurait détecté la source de l’inquiétante fuite et, dans la foulée, épargné aux gendarmes des interrogatoires-marathons que seule la torture atroce peut abréger et rendre fructueux. Heureusement pour notre pays et totalement à l’honneur de nos gouvernants (la CPI veille aussi), le Sénégal a officiellement banni la torture et les pratiques dégradantes. Mieux, la gendarmerie nationale est un corps de gentlemen diplômés et doués. Donc corrects.   

D’un point de vue politique, le parcours du combattant des deux journalistes de L’OBS et l’expédition annoncée des soldats sénégalais au Yémen (deux choses liées) apparaissent comme le meilleur baromètre du déficit de culture historico-militaire des autorités politiques qui ont un grand besoin de mise à niveau dans ce domaine. Durant les mandats du Président Senghor, les grands commis de l’Etat et les futurs responsables au plus haut niveau (cas de Moustapha Niasse) étaient périodiquement auditeurs à l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale, en France. A ne pas confondre avec l’Ecole de Guerre. Aujourd’hui, les presque 300 chefs de partis et l‘embouteillage croissant des candidats dans l’ascenseur présidentiel, nous fabriquent des décideurs (ministres et conseillers du Président) qui, sur les questions élevées de défense et de sécurité, pédalent dans la choucroute.  

Ainsi, le chef de l’Etat Macky Sall et moult jeunes cadres de l‘APR répètent que les décisions et les initiatives en rapport avec l‘armée et la sécurité ne sont jamais discutées, encore moins remises en cause, dans les grandes démocraties notamment américaine et française. Il urge de corriger ces certitudes qui sont vacillantes. En 1956, les syndicalistes de la CGT, les militants communistes du PCF et les pacifistes de tout poil s’opposaient violemment à l’envoi des appelés français en Algérie. Mieux, ils se couchaient sur les rails pour bloquer les trains bourrés de soldats, en énormes convois vers le port d’embarquement de Marseille. Relire les numéros de le la revue HISTORIA de cette époque-là.

Plus près de nous, en 1968, les étudiants de l’université américaine de Berkeley (Californie) ont affronté violemment la Garde Nationale (une unité fédérale) pour stopper l’envoi de renforts au Vietnam, sollicités par le Général William Westmorland. Et que dire des célébrités comme l’actrice Jane Fonda et le boxeur Casus Clay, deux honorables citoyens américains, qui ont dénoncé rageusement les choix militaires du Président Lyndon B Johnson et de son Secrétaire à la Défense, Robert Mc Namara ? Ceux qui conseillent le Président de la république doivent attirer son attention sur des faits saillants de l’Histoire contemporaine. C’est le meilleur rempart contre les erreurs grandement surprenantes.

PS : A propos des sources d’informations vigoureusement traquées, que les hommes politiques ou d’Etat qui n’ont jamais tuyauté les journalistes, lèvent la main !  Si les journalistes révélaient entièrement leurs nombreuses sources –de 1960 à nos jours – la République ne serait plus debout. Comme quoi, la presse compte de grands patriotes et de vrais républicains.
 
Lundi 20 Juillet 2015
Dakar actu




1.Posté par Atypico le 20/07/2015 07:43
Les supposés secrets militaires pouvant renseigner dangereusement " l'ennemi " ne sont que des secrets de polichinelle mais indiquent surtout jusqu'où le Sénégal s'est retrouvé engagé dans un guerre "injuste" au prétexte de faux arguments politiques ( en fait financiers pour financer un PSE électoraliste) et surtout au prétexte e de faux arguments religieux. . Donc Julien désolé, mais votre finesse à l'oeuvre ici encore vous amène cete fois à cautionner ce que vous dénonciez il y a quelque jours et partant une nouvelle tromperie et donc abus du pouvoir

2.Posté par deug2015 le 20/07/2015 19:24
Il faudrait savoir que donner la composition du contingent sénégalais est moins grave que donner l'effectif du contingent(2100 hommes).En effet le renseignement sur l'effectif permet à l'ennemi de mieux se préparer en volume de forces par riposter.Donc l'erreur la plus grave.Il fallait simplement dire que le Sénégalais allait engager une force en Arabie Saoudite.
Point de vue d'un EXPERT EN LOGISTIQUE.

3.Posté par splendidemassage le 20/07/2015 19:51
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4.Posté par sdf le 20/07/2015 21:08
UNE BONNE TRES BONNE CONTRIBUTION .........Quelqu'un au moins qui connait la chose militaire....FELICITATION ...HELAS VOUS ETES SEUL .......

5.Posté par kjt le 21/07/2015 08:41
MERCI JUSTIN, PAS TOUT LE TEMPS EN PHASE AVEC TOI, MAIS SUR CETTE QUESTION TU ES D'UNE GRANDE LUCIDITE.

6.Posté par Facts le 22/07/2015 06:50
Justin

Aux USA, La Garde Nationale n'est pas strictement une "unité federale". Cette caracterisation trop simpliste passe sur des considerations tres importants comme la dualite du commandement et les droits des etats de la federation americaine.
Mais comme d'hab,l'intention est de faire dans la dithyrambe et tape-a-l'oreille/l'œil, on ne se gene pas avec de telles libarlites, au diable la deontologie et les faits.

7.Posté par Babacar Justin Ndiaye le 22/07/2015 18:12
A propos de la Garde nationale, le faux Justin écrit, je cite : "La garde nationale n'est pas une unité STRICTEMENT nationale". Pourquoi vous éprouvez le le besoin de mentionner l'adverbe STRICTEMENT ? SI elle n'est pas STRICTEMENT nationale, c'est qu'elle est un peu voire dans une certaine mesure nationale. Tu écris bien le français.Votre critique est bizarre. En tout cas, elle n'est pas commandée par les gouverneurs des États fédérés. Au début des années, l'Attorney Général et ministre de la Justice Robert Kennedy (frère du Président Kennedy) l'avait actionné pour escorter des étudiants refoulés par des parents blancs ultra racistes.

8.Posté par Facts le 22/07/2015 21:04
Justin

Faut apprendre a lire, triste sire, avant de monter sur vos grands chevaux (sic). J'ai écrit "strictement une unité fédérale". Le mot clé ici est "fédérale", pas nationale comme si vous voulez faire dans la distortion de mots.

Et vous trompez encore quand vous dites que la garde nationale "n'est pas commandée par les gouverneurs des États fédérés". comme votre premiere assertion celle est trop imprecise pour être vraie.

Je cite (source Wikipedia et US Code):
Dual missions, state and federal
National Guard units can be mobilized at any time by presidential order to supplement regular armed forces, and upon declaration of a state of emergency by the governor of the state in which they serve. Unlike Army Reserve members, National Guard members cannot be mobilized individually (except through voluntary transfers and Temporary DutY Assignments TDY), but only as part of their respective units. However, there have been several individual activations to support military operations since 2001.

Federal mission
When National Guard troops are called to federal service, the President serves as Commander-In-Chief. The federal mission assigned to the National Guard is: "To provide properly trained and equipped units for prompt mobilization for war, National emergency or as otherwise needed." For much of the final decades of the 20th century, National Guard personnel typically served "One weekend a month, two weeks a year", with a portion working for the Guard in a full-time capacity. The current forces formation plans of the US Army call for the typical National Guard unit (or National Guardsman) to serve one year of active duty for every six years of service. More specifically, current Department of Defense policy is that individual Guardsman will be given 24 months between deployments of no more than 12 months each.

State mission
The Governor may call individuals or units of the Arkansas National Guard into state service during emergencies or to assist in special situations which lend themselves to use of the National Guard. The state mission assigned to the National Guard is: "To provide trained and disciplined forces for domestic emergencies or as otherwise provided by state law." When not activated for its Federal mission, the Governor through the State Adjutant General commands Guard forces. The Governor can call the Guard into action during local or statewide emergencies, such as storms, drought, and civil disturbances, to name a few.

Pour correction: les enfants noirs de Little Rock furent escortes par des soldats fédéraux de la 101st Airborne Division, qui seront plus tard relevés par des elements de la Arkansas National Guard
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Donc les gouverneurs peuvent bien appeler la Garde Nationale en service, donc les commander (une guerre de sementique en perspective???). C'est ainsi que la Ohio NG fut appelé (commandé???) par Gov Rhodes pour dissiper les étudiants de Kent State le 4 Mai 1970 (tuant 4 des étudiants). J'ai bien dit Gov Rhodes pas President Nixon.

Pour mon français, pardonnez et passez je suis ne avec la langue de Kocc et formé avec celle de Ben Franklin, et j'écris avec un keyboard ANSI américain (pas facile d'accent). Avez vous qlq chose de mieux a faire, comme corriger vos erreurs d'analyse par example.

9.Posté par Babacar Justin Ndiaye le 23/07/2015 00:12
Mon cher Justin
Le débat est intéressant et enrichissant. Je suis heureux que le Laser de dakaractu soit lu par un large spectre d'hommes cultivés. La Garde nationale et/ou fédérale US n'est pas la trame de la chronique. Elle y a été incidemment convoquée. Enfin, c'est une forêt de nuances qui nous séparent et non un fossé de divergences.

10.Posté par jules le 23/07/2015 13:55
Felicitations. j'espere que la DIRPA comme vous l'avez bien dit dans votre article doit travailler en collaboration avec les journalistes pour permettre d'une part d'informer l'opinion de ce que les citoyens doivent connaitre et d'autre part veiller a garder les infos suceptibles de nuire a notre armee.Ma conviction est que pour certaines questions meme relatives a L'armee, le chef de l'etat doit discuter avec des personnalites plitique et civile. Bravo pour la pertinence de vos analyses.

11.Posté par Facts le 23/07/2015 18:54
Correction: il fallait lire

Autant il est justifie d'appeler "MONSTRE" la tendance liberticide des tenants du pouvoir au Senegal (depuis Senghor) autant il faut décrié la Connerie qui grippe les redactions dans notre pays!!! Le journalisme ne place personne au-dessus de nos lois.

12.Posté par OPRIZE le 17/09/2015 12:37
Vous avez bien dit "Informations secrètes", donc c est à ne pas publier même si les sources sont concordantes. Ce que ses journalistes ont fait sont d une extrême gravité. Ils ont publié un ordre de bataille

Ceci peut ne pas être une source émanant d une personne physique militaire, mais il s’avère que des Fax confidentiels peuvent actuellement être intercepté par n importe qui avec les nouvelles technologies de l'information. Cependant reste à voir si leur établissement ne détient pas ce genre de matériels



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