La politique étrangère du Sénégal à l’épreuve de la crise turque ! (Par Mamadou Bamba Ndiaye)

La politique étrangère doit être distinguée de la diplomatie. La première correspond aux choix stratégiques et politiques en matière de relations extérieures qui relèvent-souvent- du chef de l'Etat, du Premier ministre et du ministre des Affaires étrangères. La seconde est la mise en œuvre de la politique étrangère par l’intermédiaire des diplomates.


La politique étrangère du Sénégal à l’épreuve de la crise turque ! (Par Mamadou Bamba Ndiaye)
En effet, la crise qui vient de secouer la République turque, depuis la nuit du  15 au 16 juillet 2016, suite au coup d’Etat militaire avorté,  met la secte de Fetullah Gülen sur le banc des accusés.  Le Président Recep Tayyib Erdogan et la Premier ministre Binali Yildirim, comme tous les porte-paroles du pouvoir, ont répété que les putschistes appartenaient tous à la secte islamiste de Fetullah Gülen. «Le Haut Conseil Militaire devait se réunir dans deux semaines pour les nouvelles nominations et les licenciements au sein de l’armée. Les partisans de Gülen avaient compris qu’ils seraient écartés de l’armée, c’est pourquoi ils ont fait un pas pour survivre», analyse Abdulkadir Selvi, chroniqueur très proche du gouvernement.

D’abord alliée d’Erdogan, la confrérie Gülen, qualifiée «d’organisation terroriste» par le pouvoir, est devenue l’ennemie numéro un du régime d’Erdogan, convaincu depuis 2013 que ses adeptes cherchent à le renverser.

 Son prédicateur, Fethullah Gülen, vit depuis 1999 en exil aux Etats-Unis, en Pennsylvanie, plus exactement.  Erdogan réclame avec insistance son extradition vers la Turquie. Les Gülenistes (Fethullahci, membres de la néo-confrérie) se retrouvent au sein de cercles religieux (Sohbet) ou de Maisons de lumière (Isik evleri) pour discuter théologie mais aussi démocratie, éducation, société. Objectif: transformer une motivation religieuse en mouvement social, «réconcilier la vie séculière et la vie religieuse comme la modernité et la tradition», explique le chercheur Erkan Toguslu.

La néo-confrérie Gülen a pour vocation de permettre à des professeurs, des médecins, des ingénieurs turcs de pouvoir vivre leur religiosité dans la vie civile, mais elle est régulièrement prise pour cible et muselée par l’establishment militaro-séculaire qui la soupçonne de vouloir étendre ses ramifications au sein de l’appareil d’Etat. Bridé et surveillé à l’intérieur de la Turquie, le mouvement devient transnational à partir des années 1990 avec toujours la même idée: construire des écoles plutôt que des mosquées. D’abord en Asie centrale puis en Europe, aux Etats-Unis, en Asie et depuis quelques années en Afrique. À ce jour, il compterait quelque 500 écoles dans une centaine de pays.

« Des entrepreneurs, des hommes d’affaires d’Anatolie, pieux et modestes le plus souvent, s’exportent aussi. Le mouvement a sa propre organisation patronale, Tuskon, ses journaux, le groupe Zaman, et de nombreuses associations. Il organise des conférences et des colloques en Turquie et dans le monde entier, les livres de Fethullah Gülen sont traduits dans de nombreuses langues. C’est un mouvement global, cependant fortement teinté par le nationalisme turc », renseigne un quotidien français.

Or,  cette secte de Güllen a des ramifications au Sénégal, à travers notamment, un Groupe scolaire performant qui dispose d’au moins cinq écoles, et deux Ong (Organisation Non Gouvernementale) généreuses et très dynamiques. Un quotidien de la place, très proche du Pouvoir, consacre chaque lundi, une page entière à la diffusion du livre de Fetullah Gulen traduit en français…

Au vu du partenariat émergent  Sénégalo-turc, qui se manifeste notamment à travers de grands projets dont   l’aéroport International Blaise Diagne, le Centre de Conférence Abdou Diouf de Diamniadio et d’autres projets infrastructurels dans la même localité, l’on peut se demander, si la politique étrangère sénégalaise, ne va-t-elle pas, adopter une nouvelle posture, plus amicale, vis-à-vis du régime de Recep Tayyib Erdogan ?

Les prochains jours nous renseigneront, en tout cas, sur les nouvelles orientations de l’Etat du Sénégal, face à la crise turque.

 

Mamadou Bamba Ndiaye

Ancien Ministre des Affaires Religieuses
Mardi 26 Juillet 2016




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