La « dé-Wadisation », un chantier titanesque ?

Voilà maintenant bientôt 3 ans et 6 mois que le peuple sénégalais, ou plutôt près de 66% des 3 millions d’électeurs qui se sont exprimés lors du 2ème tour du scrutin présidentiel de mars 2012, ont élu Macky Sall à la magistrature suprême. Un plébiscite mérité compte tenu de son parcours atypique et à l’issue d’une marche victorieuse vers le pouvoir qui l’a mené dans les coins les plus reculés du pays.


La « dé-Wadisation », un chantier titanesque ?

A l’évidence, en prenant le meilleur sur son ancien maître en politique, l’élève qu’il était venait de prouver à la face du monde qu’il était tout désigné pour conduire avec bonheur le Sénégal vers l’émergence, avec son « Yonu Yokuté », un plan ambitieux qu’il avait particulièrement bien vendu à des foules conquises, avant de céder le terrain au PSE. Ceci d’autant plus qu’il avait déjoué tous les pronostics et devancé avec brio des caciques et barons de la politique sénégalaise (Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng, Idrissa Seck).
Pour avoir été Dg de société, ministre d’Etat de départements stratégiques (Mines, Energie, Hydraulique, Intérieur et Collectivités locales), Premier ministre, puis Président de l’Assemblée nationale, entre 2000 et 2008, Macky Sall a assurément le profil de l’emploi. Pour avoir servi l’Etat au plus haut niveau, rien ne doit plus l’ébranler.
Qu’est ce qui explique alors cette impression de « machine grippée », de « tâtonnement » que certains observateurs ne manquent pas de souligner à l’occasion ? A mon humble avis, c’est parce que le magistère du président Sall est, peut être bien malgré lui, gêné aux entournures par la propension à vouloir régler des comptes, là où une lecture plus lucide des attentes des populations aurait montré que la priorité est bien ailleurs.
Loin de nous l’idée d’une quelconque remise en cause de la nécessité, voire de l’obligation, d’une reddition des comptes – nous préférons ce terme à la supposée traque des biens mal acquis - ; cependant, cette option à géométrie variable a fini de montrer ses limites car une fois Karim Wade jugé et condamné, le décompte semble suspendu jusqu’à… nouvel ordre. Mais qui vivra verra !
Avec les projets déclarés, les chantiers déjà lancés et les promesses de milliards récoltés dans le cadre du PSE, nul doute que le Sénégal est sur la voie royale de l’émergence. On n’en doute pas. Toutefois, il y a un boulet qui empêche la vision généreuse du président Sall d’emporter l’adhésion massive de tous : l’allusion permanente à la gouvernance de son prédécesseur par ses partisans pour justifier telle ou telle initiative, expliquer telle ou telle stratégie, etc.
Cette volonté de « dé-Wadisation » a, malheureusement très peu de chance de prospérer. D’abord parce que, quoiqu’on puisse dire, le président Macky Sall lui-même est un héritier de Wade, même si ses affidés ne veulent pas l’admettre. Pourtant, ils sont nombreux, ceux qui, dans les rangs de l’APR, revendiquent la paternité des nombreux chantiers initiés par Wade entre 2004 et 2006, en mettant en avant l’argument selon lequel c’est grâce à Macky Sall, alors Premier ministre de Wade, que ces infrastructures ont été réalisées.
Pour avoir évolué à ses côtés au moins pendant une quinzaine d’années, dont au moins huit au niveau le plus élevé, il reproduit en bien des points la marque de fabrique du Pape du Sopi : l’art de l’esquive et de la provocation, sans pour autant tomber dans les travers dénoncés hier. Sauf que dans maints secteurs, le clonage est parfait. Certains de ses alliés d’aujourd’hui n’avaient-ils pas exprimé leur crainte de le voir « faire du Wade sans Wade » ? Pour l’avoir bien compris, des mastodontes de la politique, Djibo Kâ en dernier lieu, ont répondu à son appel, faisant fi des invectives des uns et des considérations d’ordre éthique et/ou moral, comme si l’action politique et la morale devaient faire bon ménage. Machiavel peut dormir en paix, les vaches sont bien gardées.
La presse évoque de plus en plus, ces dernières semaines, l’éventualité d’une OPA sur certains cadres libéraux de premier plan par le camp présidentiel. Dans la perspective d’une future recomposition de la majorité présidentielle, avec le départ (enfin !) des socialistes, obligés de se déterminer clairement par rapport à leur compagnonnage avec le président de la République et son parti, il y a des places à occuper, des positions à conquérir et des trous béants à combler. Ainsi va la politique ! Mais dans ce débat de haute voltige, des partis lilliputiens par leur déploiement national mais gigantesques par leur capacité de nuisance (par l’éveil citoyen et les stratégies d’organisation politique et syndicale des masses) sont aux abonnés absents, feignant de ne pas y être mêlés, ni de près, ni de loin. Pourquoi pensez-vous au PIT ou à la LD ? Que voulez-vous ? Il est malsain de parler de corde dans la maison d’un pendu !
De tout ce qui précède, il ressort que le lien ombilical entre toutes les composantes de la majorité au pouvoir est, non pas une projection claire sur une vision partagée et des objectifs communs ; mais plutôt sur les travers de l’adversaire d’hier farouchement combattu et aujourd’hui terrassé, qu’on se plait à évoquer au moindre délestage, à la moindre saute d’humeur d’étudiants « dé-boursés » et déboussolés, et surtout quand l’argent se fait rare.
Il ne faut pas rêver. Un Wade en cache un autre. Tant que Karim Wade est dans les liens de la détention, l’ombre et l’aura de son père continueront de planer au-dessus de nos têtes. Après la bataille judiciaire, place maintenant à la phase politique qui requiert doigté, réalisme et aussi une dose de cynisme. De quoi réjouir ceux qui réclamaient une solution politique à « un problème éminemment politique ». Le temps est le meilleur des juges.
L’Etat étant avant tout la continuité, il est évident que beaucoup de projets initiés hier par Wade seront inaugurés demain par Macky Sall (aéroport de Diass, hôpital Dalal Jamm de Guédiawaye, Musée des Civilisations, etc), comme l’ont été ceux lancés sous Diouf par son successeur (Piscine Olympique notamment). En construisant en un temps record le Centre de Conférences Abdou Diouf à Diamniadio, le président Sall fait œuvre utile, en attendant d’étrenner d’autres réalisations qui porteront son empreinte. Mais le temps file et d’autres urgences attendent.
Deux longues années ont été consacrées à théoriser la CREI, à mener des commissions rogatoires et finalement à juger un seul de la dizaine (voire plus) de dossiers brandis au début de l’instruction. Entretemps, certains brillants avocats ou hommes politiques ont évoqué le recours à la médiation pénale. Et pendant tout ce temps, le peuple médusé a attendu, en vain, que les milliards annoncés viennent changer son quotidien.
Que les politiciens de tous bords, les partisans et les opposants sachent donc raison garder. L’œuvre de développement national est immense et ne sera pas réalisée dans une atmosphère de guéguerre permanente et de chasses aux sorcières au gré des changements de régime. Seul un sursaut qualitatif peut nous permettre de placer le Sénégal, notre patrimoine commun, sur l’orbite de l’émergence.
Mais pour ce faire, les uns et les autres doivent adopter des positions conciliantes et accepter le débat contradictoire, dissiper les velléités de revanche, d’ostracisme ou d’acharnement. Si tant est, comme le proclament à l’unisson nos « anesthésistes en chef », les politiciens de quelque bord qu’ils soient, « seul l’intérêt des populations » les motive.
L’essentiel, pour moi, ce n’est pas de les croire, mais de les prendre au mot. Jusqu’à la prochaine élection.
Dimanche 30 Août 2015
Karim DIAKHATE




1.Posté par N.SONKO le 30/08/2015 12:34
BONNE ANALYSE DE LA SITUATION POLITIQUE ACTUELLE; MAIS JE SUIS PAS D'ACCORD QUAND VOUS FAITES ALLUSION AUX REALISATIONS DE WADE QUE L'ACTUEL PRESIDENT MACKY SALL AURAIT FAVORISE... AH NON ! PERSONNE N'OSE DIRE AUJOURD'HUI QUE C'EST DIONNE OU MIMI TOURE OU ABDOUL MBAYE QUI ONT REALISE LE PSE OU CECI OU CELA. C'EST LE PRESIDENT QUI DECIDE DE TOUT ET LES PM N'ONT QU'A EXECUTER !!!

2.Posté par ama le 30/08/2015 15:15
PAROLES.....PAROLES... PAROLES... PAROLES... MAINTENANT VIVA POUR; TRAVAIL...TRAVAIL... TRAVAIL...TRAVAIL...

3.Posté par Eusskeye le 31/08/2015 02:46
Sonko
je serais en accord si de 2000 a 2004 wade avait le meme taux de "realisation". on se rappelle de la replique de son jardinier de Idy faisant allusion a des elephants blancs. Diakhate a raison, Macky est comptable du bilan de wade (en bien comme en mal).
Mais il a tout faux sur la repression de l'enrichissement illicite. Pauvre Tahibou Ndiaye, c'est tout il n'existe pas celui la avec ses 50,000 ha "données" par Macky.....
Quand la memoire devient selective, repression devient acharnement.

4.Posté par BENAWAAY le 31/08/2015 06:24
il veut quelque "sauce"
thiey senegal .



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