L’adossement de sa décision sur l’Article 92 : Le Président a-t-il été induit en erreur par ses conseillers? (Par Adama Ndao, Juriste, Washington)


L’adossement de sa décision sur l’Article 92 : Le Président a-t-il été induit en erreur par ses conseillers? (Par Adama Ndao, Juriste, Washington)
Dans son message à la nation en date du 16 Fevrier 2016, pour expliquer  pourquoi il considère devoir de se plier à l’AVIS émis le12 Février par le Conseil Constitutionnel en application de la procédure de consultation régie par l’Article 51 de la Constitution, le Président de la République dit : “ J’entends me conformer à la Décision du Conseil constitutionnel. En conséquence de quoi, le mandat en cours du Président de la République connaitra son terme en 2019. Au demeurant, l’article 92 de la constitution m’y oblige, en ce sens qu’il prescrit que, je cite : « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucune voie de recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles » fin de citation. Je ne saurais déroger à cette règle, sachant que c’est l’autorité attachée aux délibérations de notre système juridictionnel qui donne force et crédibilité à nos institutions, condition sine qua non d’une démocratie majeure et apaisée et d’un Etat de droit vigoureux et durable.”

Précisions tout d'abord, pour lever la confusion qui perd beaucoup de citoyens,  que même si sur le papier les délibérations du Conseil Constitutionnel faites sur la base de la procèdure consultative de l’art 51 (comme c’est le cas en l’espèce) sont appelées DECISIONS,  elles ne sont en fait pas des DECISIONS (comme celles que le Conseil rend dans le cadre juridictionnel de l’Article 92, et les seules obligatoires du reste) mais des AVIS CONSULTATIFS et en tant que tels ne sont donc aucunement obligatoires. Les véritables DECISIONS émanant du Conseil sont celles qu’il rend dans le cadre de ses compétences juridictionnelles régies par l’Article 92 alinéa 1 . Les déliberations faites dans le cadre de ces compétences de l’Article 92 alinéa 1sont les seules DECISIONS que le Conseil rend et elles sont obligatoires comme le dit l’alinea 2 de l' Article 92 que cite le Président dans son discours. 

Donc, lorsque l’alinéa 2 de l’Article 92 cité par le Président affirme le caractère obligatoire et définitif des  Décisions du Conseil Constitutionnel, il se réfère tout simplement et exclusivement aux seules décisions prises par le Conseil dans le cadre de ses compétences édictées à l’alinea 1 de l’Article 92. Ce qui n’ a absolument rien à voir avec l’Avis que le Conseil donne au Président dans le cadre de l’Article 51.

Revoyons ce que disent les Article 92 et 51 de la Constitution?

Art 92:
Alinea 1:  ” Le Conseil constitutionnel connaît de la constitutionnalité des règlements intérieurs des Assemblées législatives , des lois et des engagements internationaux, des conflits de compétence entre l’Exécutif et le Législatif, ainsi que des exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour suprême.
Alinea 2: “ Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles”.

Art 51:
Alinea 1: “ Le Président de la République peut, après avoir recueilli l’avis du Président de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, soumettre tout projet de loi constitutionnelle au referendum”.

Dans la Constitution, l’Article 92 fait partie de ces Articles (TITRE VIII – DU POUVOIR JUDICIAIRE- Art. 87 à 94) qui sont consacrés au Pouvoir Judiciaire, c’est-à-dire la Justice. L’Article 51 fait partie de ces Articles consacrés au Président de la République (TITRE III- DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE – Art 26 a 52).

L’ Article 92 définit les  compétences des trois organes supérieurs qui composent le Pouvoir Judiciaire : le Conseil Constitutionnel, la Cour Suprême et la Cour des Comptes. Les alinéas 1 et 2 de l’Article 92 sont consacrés au Conseil Constitutionnel, les alinéas 3 et 4 sont consacrés à la Cour Suprême et le cinquième et dernier alinéa  est consacré à la Cour des Comptes.
 L’Alinéa 1 de l’Article 92 énumère limitativement les seules  compétences juridictionnelles du Conseil Constitutionnel et l’alinéa 2 de cet Article affirme la force, l’autorite absolue et définitive attachée aux décisions juridictionnelles du Conseil c'est-à-dire les délibérations faites dans l'exercice de ces compétences juridictionnelles (c'est-à-dire en matière de contentieux de l'élection Présidentielle, de vérification de la conformité d'une loi ou d'un engagement international à la Constitution, ou encore lorsque dans un domaine donné on ne sait pas qui d'entre le Gouvernement et le Parlement a le droit de prendre des mesures). 

Les DECISIONS rendues dans ces cas là sont absolument les seules que le Conseil est autorisé rendre et il les rend sous son manteau de Juge, dans le strict cad lere les domaines énumérés à l’alinea 1 de l’Article 92. Ces DECISIONS sont les seules délibérations du Conseil qui sont définitives, obligatoires et opposables à tous. Les seules en l’état actuel des textes.
L’Article 51 agit sous un registre complètement différent.  Il fait partie de la rubrique des Articles consacrés par la Constitution au Président de la Republique (Art 26  à 52). C’est dans le cadre de l’exercice de ses fonctions que le Président interacte ici avec le Conseil Constitutionnel  (représentant Pouvoir Judicaire) et le Président de l’Assemblée (représentant le Pouvoir Legislatif) pour demander leur AVIS sur une question précise sur un projet, bien avant même qu’une quelconque loi ne soit votée. 

Comme les lois votées au référendum ne peuvent, à la différence de celles votées au Parlement, faire l’objet ni de discussions, ni d’amendements, ou de concertations, ni encore de contrôle de Constitutionnalité entre le moment où elles sont votées et le moment ou elles sont appliquées, alors la Constitution a voulu que le Parlement qui est spécialisé en matière de légifération et le Conseil en tant que spécialiste de la Constitution, donnent leur AVIS sur tout projet de réforme de la Constitution que le Président veut soumettre au vote d'un référendum. C'est cela le sens de l'Article 51 de la consultation édictée à l'Article 51.

L’AVIS émis en retour par le Président de l'Assemblée ou le Conseil n’est absolument pas obligatoire à l’égard de qui que ce soit y compris le Président de la République. Rien à voir donc avec par exemple une demande de contrôle de Constitutionnalité (prévue par l’Article 92) soumise au Conseil par le Président  dans les six jours suivant le vote d’une nouvelle loi. Auquel cas la délibération du Conseil, parce que fondée sur  une des compétences juridictionnelles qu’il tient de l’Article 92 alinéa 1 (c’est-à-dire la vérification de la conformité de la nouvelle loi à la Constitution avant que l’on ne la publie et l'applique). La délibération du Conseil dans ce cadre serait alors une DECISION juridictionelle définitive et obligatoire, opposable à tous. Loin, très loin de l’AVIS rendu dans le cadre de l’intéraction organisée par l’Article 51.
Le Conseil Constitutionnel ne peut aucunement s’arroger une compétence que la Constitution ne lui attribue guère. Si ses avis consultatifs venaient à devenir obligatoires, il commencerait alors à se muer en Législateur, ce qui serait une grosse violation et du texte et de l'esprit de la Constitution.

Le projet de réforme entend ajouter à l’Article 92 une compétence consultative pour rendre obligatoires les avis du Conseil Constitutionnel. Mais on n’en est pas encore là. Le projet (pas la loi actuelle) veut en effet ajouter à l’Article 92 de la Constitution (qui régit les compétences juridictionnelles du Conseil), une règle qui relève plutôt de la compétence consultative du Conseil et est déjà décrite à l’Article 51.

Veut-on aller vers un Conseil Constitutionnel-Législateur, un Conseil Constitutionnel qui fera certaines de nos lois par ses AVIS et non par ses DECISIONS dans ses domaines de compétences juridictionnelles ?

La règle que la réforme propose d’insérer à l’Article 92 est redigée comme suit « Le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de la République pour avis”. Sachant que les compétences unumérées à l’Article 92 de la Constitution sont les seules, mais toutes des compétences juridictionnnelles du Conseil, l’insertion de la demande d’AVIS au coeur de l’Article 92 aura pour effet de changer désormais le régime des AVIS du Conseil, car le régime rigoureux de l’alinéa 2 s’étendra nécessairement aux AVIS du Conseil et rendra ces avis définitifs et opposables à tous. Surprenante a été l’attitude du Conseil de se conforter à une telle règle dans son AVIS du 12 Fèvrier 2016.

Lorsque le réforme sera votée avec l’insertion de l’AVIS à l’Article 92, il sera désormais inéluctable que le Conseil Constitutionnel deviendra "Législateur".

Mais on n'est pas encore le 21 Mars 2016. Cette insertion n’est pas encore dans la Loi Sénégalaise, les AVIS ne sont pas encore dans les compétences juridictionnelles du Conseil énumérées à l’Article 92. L’AVIS tel que édicté par la Constitution à l’Article 51, n’est absolument pas encore obligatoire dans le système juridique de la République du Senegal. Tant que le projet de réforme n’est pas encore voté par le référendum (ou le Parlement, souhaitons le pour une partie du projet), c’est la loi actuelle qui s’applique. Or la Loi actuelle ne contient aucune disposition qui, ni dans le texte ni dans l’esprit, suggèrant que l’AVIS du Conseil Constitutionnel visé par l’Article 51 est une délibération à caractère définitif et obligatoire à tous comme les délibérations faites sur la base des compétences juriditionnelles du Conseil telles qu'énumérées à l’Article 92 alinea 1.

C’est pourquoi, lorsque pour le Président de la République, après un AVIS consultatif du Conseil Constitutionnel remis à lui sur la base de l’intéraction organisée par l’Article 51, cite l’alinea 2 de l‘Article 92 de la Constitution Sénégalaise pour affirmer que l’AVIS visé a l’Articile 51 est obligatoire raison pour laquelle il s’y est plié, alors l’on se pose la question de savoir si sérieusement il n’a pas été grossement induit en erreur. L’on se demande également s’il ne lui a pas été servi l’Article 92 tel que contenu dans le projet de réforme et non l’article 92 dans la Constitution actuellement en vigueur qu’il propose du reste de réformer avec cette insertion de l’AVIS du Conseil.

Au total, il faut rappeler que l’Article 92 (en l’état actuel des textes) énumère les compétences juridictionnelles du Conseil constitutionnel, compétences sur la base desquelles le Conseil rend des décisions juridictionnelles, c’est-à-dire des décisions qui sont définitives et obligatoires à tous. Puis, l’Article 51 de la Constitution a déjà décrit la compétence consultative du Conseil, compétence sur la base de laquelle il émet un avis qui n’est nullement obligatoire.

Le Président de la République a-t-il été induit en erreur par ses conseillers sur les textes en vigueur?

Adama Ndao, Juriste, Washington
Luwaabi@gmail.com
Jeudi 18 Février 2016




1.Posté par Kendofoul le 18/02/2016 09:35
LE PROPHÈTE DU WAKH WAKHEET A PERDU TOUT CRÉDIBILITÉ. IL SAIT QUE C'EST FAUX MAIS PERSISTE DANS LE MENSONGE.
IL EST DÉCHU DÉFINITIVEMENT.

2.Posté par Ibrahima le 18/02/2016 10:14
Ton texte est bidon, long, répétitif; et toi même tu ne sais pas où tu veux en venir

3.Posté par gaye le 18/02/2016 10:22
Merci Mr le Prof. Il est intéressant que des hommes avertis réagissent dans des cas pareils pour lever tout équivoque. L'article est impeccable et bien argumenté.

4.Posté par diobene le 18/02/2016 12:05
Cher Monsieur, J'apprécie beaucoup votre texte. Mais il faut bien lire la réponse du Conseil constitutionnel. C'est lui-même qui a ouvert la brêche dans laquelle le Chef de l'Etat Macky Sall s'est engouffré. Le Conseil a bien écrit décision n°1/C/2016. Le Président est fondé à considérer que c'est une décision. A la fin du texte, le CC dit: "est d'avis". Alors avis ou décision? C'est une question d'interprétation. Le Président peut se fonder les incohérences rédactionnelles du juge constitutionnel pour se positionner. N'oubliez pas qu'il est gardien de la Constitution. Le diable est dans le détail.

5.Posté par Goorgorlou Wade le 18/02/2016 12:25
Merci Maître Adama,
A travers votre belle contribution, j'en appelle à tous les juristes sénégalais, et particulièrement nos braves constitutionnalistes, de se réunir pour écrire collectivement une contribution écrite sur la Décision rendue par le Conseil Constitutionnel. L'Avenir de notre pauvre pays en vaut la chandelle ! Nos pauvres contribuables ont contribué au financement de vos Etudes au Sénégal et ou à l'Etranger. En retour, vous leur devez cet effort oh combien patriotique ! Nos petits fils et petits petits....fils vous en tiendront respect pour l'Eternité.
De mon vrai nom, Serigne Modou Thioune dit GOORGORLOU, je vous en supplie ! Sinon, notre pays va sombrer dans les bas-fonds politiciens pour de longues années encore !
En espérant que Dakarcatu veuille bien appuyer cet appel pathétique !

6.Posté par Diop Demba le Sankariste le 18/02/2016 15:25
merci pour l'éclairage vraiment c claire


7.Posté par BAYE le 18/02/2016 16:37
SLT
EN TOUT CAS NOUS LES FROFANES ON A VU SUR LE TITRE DU DOCUMENT DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL: Décision n° ....................... et non AVIS n°........................
A VOUS DE NOUS ECLAIRER CHERS JURISTES. Ceux qui parlent de sciences juridiques, vont avoir des maux de tête; A chaque sujet de droit au Senegal , chaque prof de droit à son interprétation. Finallement, où se trouve la science danscette discipline. En science c'est vrai ou ce n'est pas vrai, pas de demi mesure, ni d'interpretations;
Ma conclusion est que seule la verité du juge supreme dans le cas d'espece compte ( sur terre) lui il juge comme il l'entends. IN FINE, SEULELA VERITE DU TOUT PUISSANT EST VRAIE.

8.Posté par FC le 19/02/2016 01:07
Merci Beaucoup pour les eclaircissements. C'est une excellente source d'information!

Du Courage!!!



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