L'Union africaine entend ignorer le mandat contre Kadhafi


L'Union africaine entend ignorer le mandat contre Kadhafi

L'Union Africaine (UA) a demandé à ses membres de ne pas tenir compte du mandat d'arrêt international émis contre le leader libyen Mouammar Kadhafi, a confirmé un porte-parole du Bureau du commissaire de l'UA samedi.

Cette déclaration porte une sérieuse atteinte à la capacité de la Cour pénale internationale (CPI) de traduire Kadhafi en justice.

Dans la décision acceptée par les 53 membres de l'UA, il est indiqué que le mandat contre Kadhafi «complique sérieusement» les efforts de l'organisation pour trouver une solution à la crise en Libye.

Le président de la Commission de l'UA, Jean Ping, estime que la CPI est «discriminatoire» et qu'elle se contente de poursuivre les responsables de crimes commis en Afrique, laissant filer les criminels de l'Occident qui font des dommages en Irak, en Afghanistan et au Pakistan, notamment.

 

La motion explique qu'avec cette «situation en tête, l'UA recommande que ses états membres ne coopèrent pas à la mise en exécution du mandat d'arrêt». Le document a été présenté à l'Associated Press, et ce passage lui a été confirmé par Daniel Adugna, qui est porte-parole pour le Bureau du commissaire de l'UA.

Si les pays africains respectent la recommandation de l'UA, Kadhafi pourrait choisir de se réfugier chez ses voisins du continent africain dans l'espoir d'échapper aux poursuites judiciaires.

C'est justement ce qu'a fait le président tchadien Hissene Habre. Accusé de milliers de meurtres politiques et de torture systématique contre ses opposants alors qu'il était à la tête du Tchad de 1982 à 1990, Habre a choisi de s'enfuir au Sénégal. Il n'a toujours pas subi de procès, bien que le Sénégal ait accepté de créer une cour spéciale où le juger.

Habre est devenu un symbole de l'incapacité de l'Afrique à traduire ses propres habitants en justice. Vendredi, l'UA a tenté de cibler ce problème dans une décision parallèle, en exprimant sa frustration face à la lenteur du Sénégal dans le dossier. Le pays a entre autres dénoncé les coûts élevés d'un tel procès.

«Le procès de Hassane Habre représente un défi que l'UA et ses états membres doivent prendre très au sérieux, dans un contexte où le rejet de l'impunité est pris en compte», indique le rapport sur le progrès du dossier.

«En fonction de ses obligations internationales, il incombe au Sénégal de faire les efforts nécessaire pour traduire Habre en justice ou encore de l'extrader.»

Au total, 31 pays africains sont signataires à la CPI, ce qui représente près du tiers des nations où son mandat est applicable. Le malaise à propos de la CPI est néanmoins grandissant en Afrique, où la cour est perçue comme un instrument du néocolonialisme par certains dirigeants africains.

Mais être signataire n'a pas toujours signifié respecter les règles de la CPI. Le président soudanais Omar al-Bashir, qui a été inculpé d'accusations de génocide au Darfour, a fait un pied de nez à cette cour en se rendant dans différents pays africains comme le Kenya sans se faire arrêter.

Les diplomates présents cette semaine au Sommet de l'UA à Malabo, en Guinée Équatoriale, ont expliqué soutenir la CPI, bien qu'ils soient également d'accord avec la position de l'UA, qui estime que le mandat international qu'elle a émis complique les efforts visant à mettre un terme à la crise en Libye.

«S'il (Kadhafi) sait qu'il n'a nulle part où aller, il se battra jusqu'à la fin. Il aimerait mieux mourir que de subir un procès», a déclaré un diplomate occidental, qui a demandé l'anonymat puisqu'il n'est pas autorisé à discuter avec les membres des médias.

Le chef du cabinet de Kadhafi, Bashir Saleh, a applaudi la décision de l'UA. Pendant que les chefs d'état sortaient d'une assemblée sur la Libye tenue derrière des portes closes pendant toute la journée vendredi, Saleh brandissait une copie du document de l'UA. Les membres de l'UA ont invité les parties impliquées dans le conflit à prendre part à des discussions qui débuteront sous peu à Addis-Abeba et qui visent à mettre sur pied un gouvernement de transition qui dirigera le pays jusqu'à ce que de nouvelles élections puissent avoir lieu.

«C'est un problème libyen, a déclaré Saleh. Et ça doit rester une affaire libyenne.»

Samedi 2 Juillet 2011




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