L'Europe redoute de plus en plus l'arrivée de Trump

L'arrivée vendredi à la Maison Blanche de Donald Trump, novice en politique jugé imprévisible, ouvre une période de grande incertitude pour l'Europe, qui doit unir ses forces au risque de se retrouver marginalisée sur la scène internationale, estiment dirigeants et analystes.


Une Alliance atlantique "obsolète", une Union européenne qui pourrait se fragmenter encore davantage après le Brexit: les dernières déclarations de Donald Trump renforcent le sentiment d'une certaine méconnaissance, teintée de "désintérêt", du président élu américain à l'égard de l'Europe, selon ces sources.

Avec le milliardaire comme président, les Etats-Unis "concentreront leur intérêt sur la Chine, la Russie, l'Iran et l'auto-proclamé Etat islamique", prédit le think tank Carnegie Europe. 

Une alliance avec l'Europe? Au cas par cas
"Et quand bien même Washington s'engagerait avec l'Europe, cela se ferait probablement avec certains pays à titre individuel. Quand un dirigeant s'opposera à son ordre du jour, le gouvernement de Trump pourrait bien chercher à jouer un Européen contre un autre", analysent Stefan Lehne et Heather Grabbe, experts de Carnegie, dans une note publiée récemment.

D'où l'urgence pour les dirigeants européens de s'"unir" pour avoir une voix plus forte, plus assurée sur la scène internationale, comme l'ont fait remarquer nombre d'entre eux, Angela Merkel et François Hollande en tête. 

Pas de garantie de collaboration
"Ne nous berçons pas d'illusions: de la part de certains de nos partenaires traditionnels, je pense ici aussi aux relations transatlantiques, il n'y a pas de garantie éternelle d'une étroite collaboration avec nous les Européens", déclarait la chancelière allemande à Bruxelles le 12 janvier, avant même la nouvelle salve de sentences corrosives de Donald Trump.

"Par conséquent, je suis convaincue que l'Europe et l'Union européenne doivent apprendre à l'avenir à prendre davantage de responsabilités dans le monde", ajoutait-elle. Un axe tout tracé est celui du renforcement des moyens collectifs de défense, plaide-t-on à la tête des institutions européennes, en mettant en avant le "besoin de sécurité" des citoyens face à l'afflux migratoire et au terrorisme. 

Un "pilier Défense" européen ?
Reste à savoir si on le fait uniquement au sein de l'Otan (dont 22 des 28 membres le sont aussi de l'UE), l'option privilégiée jusqu'à présent, ou si on s'attache à bâtir "un pilier Défense" au sein de l'Union. Le débat continue de diviser en Europe. Si les Etats-Unis se désengagent de l'Otan, comme le président élu a pu le laisser penser, "les Etats membres de l'UE devront envisager une augmentation de son autonomie stratégique", souligne Felix Arteaga, du think tank espagnol Real Instituto Elcano.

Un processus déjà "clairement à l'oeuvre", lâche un diplomate européen, "nous ne travaillons pas qu'en fonction des déclarations de M. Trump". Paris et Berlin poussent d'ailleurs depuis l'automne 2016 les autres capitales européennes à soutenir cette capacité d'autonomie en terme de déploiements de forces, en Afrique par exemple. 

Sur l'Otan, Vivien Pertusot, expert de l'Institut français des relations internationales (Ifri) à Bruxelles, suggère de dédramatiser les positions du nouveau président américain. Mettre en cause le niveau de dépenses insuffisant des alliés européens "n'est pas un discours particulièrement novateur pour un dirigeant américain", relève M. Pertusot. 

Conséquences du comportement de la Russie
Et de fait, "le comportement de la Russie a eu des conséquences assez rapides sur les débats au sein de l'Otan mais également sur les dépenses de défense qui ont augmenté quasiment partout en Europe ces dernières années", note cet analyste, en citant "une accumulation d'irritations" provoquées par Moscou au-delà même du conflit ukrainien qui a éclaté en 2014: ingérences dans les débats politiques, manque de transparence dans les exercices militaires, etc. 

Alors, les Etats-Unis de Donald Trump voudront-ils vraiment dégeler la relation avec la Russie de Vladimir Poutine au risque d'être à contre-courant des Européens ? Difficile à dire à ce stade, répondent les spécialistes de géopolitique.

Le général James Mattis, le futur chef du Pentagone, est considéré comme "un dur sur la Russie", fait valoir un diplomate européen. Au final, une chose semble certaine, selon Vivien Pertusot, c'est que M. Trump sera "plus sélectif" en termes d'implication sur la scène internationale, et que de sa part "on sent un désintérêt pour l'Europe, pas une très grande volonté d'être particulièrement pro-actif sur une relation transatlantique renforcée".
Mercredi 18 Janvier 2017




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