ITV avec Serigne Mboup PDG CCBM et Président de l’Union des Chambres de Commerce

« Le secteur privé tel que représenté n’est pas compétent. C’est une coquille vide »
« Dès que j’ai déclaré ma candidature, il y a eu un bloc qui s’est dressé contre moi ».

L’OBS – Le président de l’Union nationale des Chambres de commerce du Sénégal tape sur la table. Serigne Mboup est d’attaque. Le patron de la Chambre de commerce de Kaolack veut maintenant diriger celle de Dakar. L’homme est prêt à faire face au Patronat qui, selon lui, a fait bloc pour s’accaparer la Chambre de commerce de Dakar. Dans cet entretien, il revient sur les raisons qui motivent sa candidature, les faiblesses du secteur privé, les réformes souhaitées. Il ne met pas de gants pour dire ce qu’il pense.


ITV avec Serigne Mboup PDG CCBM et Président de l’Union des Chambres de Commerce
Vous êtes le président de la Chambre de commerce de Kaolack et vous aspirez à diriger celle de Dakar, pourquoi ce choix ?
 
Je suis le président de la Chambre de commerce de Kaolack et aussi président de l’Union nationale des Chambres de commerce du Sénégal. Depuis le début, on m’avait dit de postuler à la présidence de la Chambre de commerce de Dakar, mais je me suis dit qu’il ne fallait pas sauter des étapes. C’est pourquoi j’avais décidé d’y aller pas à pas pour mieux apprendre. Je me suis intéressé à la Chambre de commerce de Kaolack et, pendant cinq ans, nous y avons fait nos preuves. L’année dernière, tous les présidents de Chambre de commerce sont venus à Kaolack assister à un forum présidé par le président de la République, Macky Sall. Ils ont vu mes réalisations avec mon équipe et m’ont porté à la tête de l’Union. Le rôle du président de l’Union, c’est d’appuyer toutes les Chambres pour leur bonne marche, mais aussi leur permettre de gérer des relations internationales. C’est là que je me suis heurté aux membres du Patronat, parce que ce sont eux qui dirigent la Chambre de commerce de Dakar (Sic). Avec ces problèmes, je ne pouvais pas continuer à faire mon boulot, puisqu’il fallait que la Chambre de commerce de Dakar soit dans les normes. Il faut faire en sorte qu’elle ne soit plus une institution dirigée par un groupe, mais qui sera là pour toutes les entreprises. La loi me le permet et j’ai décidé de me présenter pour redresser la Chambre de commerce de Dakar. Si le Patronat avait joué le jeu et qu’ensemble, ils reconnaissent mon élection à la tête des Chambres de commerce du Sénégal, il n’y aurait pas de problème.
 
Donc, ils ne reconnaissent pas votre élection ?
 
Ce n’est pas une affaire de reconnaissance, puisque cela n’a pas de sens. Le plus important, c’est qu’il ne voulait pas que cela se produise. Mais ce ne sont pas eux qui votent. Ils n’ont pas leur mot à dire sur cette question. J’ai essayé de les rencontrer pour créer un cadre de dialogue, comme le dit ma mission qui est de fédérer et d’animer. Lorsque j’ai vu que la solution pour mettre fin au problème est de venir à Dakar, j’ai fait ce choix. Si les gens me font confiance, je vais redresser l’institution. S’ils gagnent, je les laisse travailler et je m’occupe d’autres choses.
 
Pour diriger la Chambre de commerce de Dakar, il faut des élections. Est-ce qu’on est dans la période ?
 
Actuellement, nous sommes dans la phase des inscriptions. Les élections de la Chambre de commerce sont assez spéciales. Il faut être une entreprise vieille d’au moins une année, avoir un registre de commerce. Si tu es un commerçant, tu dois payer toutes tes patentes, c’est-à-dire être à jour vis-à-vis de la fiscalité. C’est après avoir rempli toutes ces conditions qu’on est accepté sur les listes. Les élections se tiendront peut-être en décembre. Nous sommes juste en campagne d’inscription.
 
Vous avez tantôt dit qu’il y avait un groupe d’individus qui s’est accaparé la Chambre de Dakar, quelles sont vos chances réelles ?
 
Ils savent que toutes les chances sont de mon côté, c’est pourquoi ils ont fait bloc. Si je ne représentais rien, il n’y aurait pas ce bloc qui se dresse contre moi. Je ne peux pas dire que je suis quelqu’un d’important, mais eux m’accordent beaucoup d’importance. Dès que j’ai déclaré ma candidature, il y a eu un bloc qui s’est dressé contre moi. Ils peuvent avoir fait plus d’années que moi dans le domaine, mais ils ne sont pas plus expérimentés que moi. Si on est à la Chambre de commerce pendant 30 ans et qu’on n’y fait aucun résultat, cela n’a pas de sens. Pour moi, l’expérience repose sur les résultats. Si c’est pour convaincre, je n’aurais pas de problème, si c’est pour prouver aussi, je serais à l’aise, mais si le vote est basé sur des esprits partisans, des lobbies, là je n’aurais pas de chance.
 
Est-ce que la loi permet le cumul ?
 
Non, c’est interdit par la loi. La loi dit qu’une entreprise ne peut pas être dans deux Chambres de commerce. Ce n’est pas un vote d’individus, mais d’entreprises. Ce sont les entreprises qui votent. Elles sont affiliées à la Chambre de commerce et choisissent un représentant.
 
Vous allez vous représenter pour le compte du Ccbm ?
 
Nous pouvons y aller avec d’autres entreprises aussi. Dans toutes les entités, le Directeur général peut se présenter. Mais moi, j’ai décidé d’y aller avec une entité. Je pense que je vais y aller avec mon entité industrielle, Ccbm Industrie.
 
Vous dites que vous pensez qu’il y aura une campagne de diabolisation contre vous, quels arguments allez-vous mettre sur la table pour convaincre les votants ?
 
Ils ont déjà commencé cette campagne, mais tout ce qu’ils disent est que je suis un illettré. Je les appelle à un débat télévisé et qu’on parle des Chambres de commerce. Ils pourront peut-être me dire que je devais dire «le» à la place de «la», mais si c’est juste pour exprimer des idées, je les battrai tous. Je n’ai aucun complexe par rapport à mon niveau scolaire. On a dépassé ce débat de diplôme. C’est même une insulte pour le pays. Ceux qui ont réussi dans ce pays n’ont pas de diplômes français. Ce sont les Français qui parlent de diplôme, mais les Américains disent «what you can do ?», quand tu leur expliques, ils te disent «just do it». Quand on parle des candidatures, on doit les baser sur les compétences. Il faut un dialogue d’idées et je suis prêt à défendre mes arguments. Il faut que le débat se base sur des résultats. Nous n’avons pas besoin de diplôme, mais de gens qui peuvent faire aller les choses.
 
Quelles sont les autres candidatures déclarées ?
 
Je ne sais pas encore. Mais il faut que je précise que les premiers votes ne visent pas à élire le Président, mais les délégués. Il faut que l’on discute des 60 délégués, c’est là que j’attends mes compatriotes. Il faut qu’ils disent les délégués qu’ils proposent pour représenter le secteur public diversifié, dirigé par quelqu’un de compétent. Après, ce sont les élus qui se regroupent pour élire le Président, les membres du bureau, trois présidents de section qui seront des vice-présidents. Si tout se passe bien, on verra une Chambre de commerce qui regroupe des entités, mais pas un individu qui veut s’accaparer de tout.
 
Est-ce que vous avez des alliés dans les autres entités ?
 
Bien sûr. Ce que je dis est un cri du cœur. Les gens ont longtemps  combattu cela et je pense que, même l’Etat ne se retrouve pas dans ce qui se passe actuellement. On ne peut pas laisser quatre ou cinq organisations représenter à chaque fois le secteur privé. Ils ont toujours été là. De Senghor à Macky Sall en passant par Abdou Diouf et Wade. Il faut qu’ils fassent un bilan pour que les gens sachent ce qu’ils ont fait pour le secteur privé. Il y a une alternance dans la politique, dans le syndicalisme, mais on ne peut pas voir toujours les mêmes visages représenter le Patronat. Il faut qu’ils sachent qu’il y a des jeunes qui sont aussi ambitieux, voire plus ambitieux qu’eux. On ne leur demande pas de partir, mais il faut qu’il y ait une ouverture.
 
Est-ce que vous ne vous engagez pas dans un combat risqué, parce que ce sont des gens influents, un lobby puissant ?
 
Ils n’ont aucune influence. S’ils avaient cette force, l’Etat allait appuyer le secteur privé qui aurait une reconnaissance locale et internationale. Quand l’Etat veut travailler sur des projets, il fait appel à l’expertise étrangère, parce qu’il sait qu’il n’y a rien dans notre secteur privé. On reproche cela à l’Etat, mais moi, je ne le blâme pas. Le secteur privé tel que représenté n’est pas compétent, c’est une coquille vide. C’est une chose visible que tout le monde peut constater.
 
Vous parliez d’une réforme qui pourrait permettre aux entreprises de presse d’avoir des représentants dans les Chambres de commerce. En avez-vous discuter ou sensibiliser les concernés sur la question ?
 
Oui, j’ai déjà commencé cela. Mais, il faut que les gens sachent qu’on cherche à retarder les élections en disant qu’ils vont créer des Chambres d’agriculture. Ils disent vouloir faire des réformes pour créer des Chambres nationales, mais c’est juste pour retarder les choses. Quand on a un combat et qu’on pense pouvoir vaincre, pourquoi vouloir reporter ? Le mieux, c’est d’aller dès maintenant à une élection et qu’on l’élargisse à tout le monde. Si la presse veut des réformes, elle doit être présente dans le circuit. Le président de la Chambre de commerce ne peut pas, à lui seul, savoir tout ce qu’il faut pour réformer tous les secteurs. Il faut des acteurs dans tous les domaines. Tout le monde doit se sentir concerné. Parfois dans le monde, il y a des réformes économiques. Nous sommes tous en prorogation de notre mandat. Et les gens travaillent au report des élections pour une autre prorogation. J’interpelle le président de la République, le Premier ministre, le ministre du Commerce, parce que c’est un danger. Le représentant du secteur privé dans un pays doit être la Chambre de commerce. Le Sénégal est le premier pays à avoir une Chambre de commerce en Afrique de l’Ouest, en 1804, mais nous sommes les plus en retard. Le Mali a une seule Chambre avec 6 milliards de FCfa de budget. Le Sénégal a quatorze Chambres et n’a même pas un budget de 2 milliards de FCfa. Le Burkina a un budget de 12 milliards de FCfa avec une seule Chambre créée en 1948. L’Etat a plus intérêt à appuyer les Chambres, parce que ce sont ses partenaires. Il faut que le lobbying et les pressions cessent.
 
CODOU BADIANE & NDIAGA NDIAYE
Lundi 23 Mai 2016




1.Posté par Guindi Askan WI le 23/05/2016 19:16



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