Elle consisterait donc en des manœuvres destinées à faire perdre la liberté de jugement ; a contrario celui qui la dénonce est persuadé d’être indemne. Si, au XX° siècle, tant de pays ou de partis ont ouvertement recouru à la propagande, le mot est maintenant tabou. Seuls des extrémistes se vantent d'une « action de propagande ». Sauf dans l'usage bénin de «matériel de propagande électorale» pour désigner les affiches, tracts et autres, le mot est tabou.
Un vrai démocrate fait de la communication, des relations publiques, de la pédagogie, une campagne d’explication, ce qui n’a rien à voir. Bref, je m’exprime, tu fais de la propagande. Nous communiquons, vous endoctrinez.
La sortie d’Idy d’hier se situe plus dans la première compréhension du mot. Ouvrez grand vos oreilles !!! « Il endoctrine et ne communique pas » Nous dénonçons ici, cette tentative de manipulation de la foule par celui qu’un ami qualifié de Stalinien de Thies.
La dénonciation de cette propagande hésitera entre trois registres qui peuvent se combiner.
1) Il lui est d’abord reproché d’être mensongère. Ce seraient des « bobards » comparables à ceux que répandait la presse nationaliste et triomphaliste en 14-18 : tout va bien, nos troupes ont un excellent moral,les ennemis se débandent au premier coup de fusil. Ou encore ce sont les forgeries des régimes totalitaires qui accusent les morts et invitent les dieux : j’obéissais à un ndiguel de Sérigne Saliou … Il serait plus exact de dire que ce propagandiste rêve d’abord de rendre la réalité conforme à ses vœux, ou à défaut il veut obliger ses sujets à croire que le monde réel est tel qu’il le souhaite. Comme le notait Hannah Arendt dans Vérité et politique : «La marque de la vérité de fait est que son contraire n'est ni l'erreur, ni l'illusion, ni l'opinion, dont aucune ne rejaillit sur la bonne foi personnelle, mais la fausseté délibérée ou le mensonge... (le menteur) est l'acteur par nature ; il dit ce qui n'est pas parce qu'il veut que les choses soient différentes de ce qu'elles sont - c'est-à-dire qu'il veut changer le monde. Il tire parti de l'indéniable affinité de notre capacité d'agir, de changer la réalité, avec cette mystérieuse capacité que nous avons, qui nous permet de dire "Le Soleil brille" quand il pleut des hallebardes.»
La propagande du rewmiste en chef s’adosse a contrario sur une forme de clôture informationnelle : il faut que le destinataire ne puisse pas avoir accès à une autre source d’information, ou, à défaut, qu’il se ferme au monde extérieur, telle une huître, pour ne plus absorber que les messages conformes à la vision du propagandiste. Aucun Sénégalais libre n’était présent à rebeuss où au palais le jour de la signature du fameux « protocole de Rebeuss » De fait, certains régimes se sont longtemps montrés capables de protéger leurs citoyens contre toute nouvelle extérieure (combien de temps les Chinois communistes ont-ils ignoré que les Américains avaient débarqué sur la lune ?) voire de réécrire l’histoire (On songe à Staline faisant disparaître Trotsky des photos où il figurait aux côtés de Lénine, à la tribune…).
Dans le roman d’Orwell 1984, le héros travaille au ministère de la Vérité. Son rôle est de refaire les livres d’histoire et les journaux pour que les faits d’hier (l’alliance ou la guerre avec tel ou tel pays à l’époque par exemple) deviennent conformes à la vérité proclamée aujourd’hui par Big Brother. Le réel est ce que croient les masses. Il s'agit là d'un cas extrême, d'une situation de monopole de l'information. Chez Orwell, la falsification du réel traduit plus la nature même de la domination (le pouvoir de l'idée de rendre le réel apparemment conforme à la doctrine) qu'un réel besoin de Big Brother de convaincre les masses asservies. Le plus souvent la propagandiste a moins besoin de mentir que de présenter la réalité sous un certain angle. Même Goebbels recommandait de ne mentir que si cela est nécessaire. La propagande ne consiste pas à
donner des «nouvelles» qui entraîneraient la conviction de la population. Le processus est beaucoup plus large et joue sur les rapports du propagandé avec son milieu social autant que sur son comportement et ses valeurs.
Nous avons ailleurs émis l'hypothèse que les stratégies de direction de l'opinion se pratiquaient moins par dissimulation (cacher la vérité factuelle est de plus en plus difficile dans un monde de communication globalisée) que par stimulation de certains reflexes et affects (la pitié envers les victimes, par exemple), là se situe la justification des larmes de Idrissa Seck et de son Staff et par simulation (mise en scène d'événements destinés à être repris, production de semi-réalités par construction médiatique). Les méthodes modernes reposent davantage sur la capacité d'injecter dans le circuit médiatique des informations préconstruites pour recevoir un maximum d'écho, à diriger l'attention des médias, voire à en faire «l'agenda». Un archaïque comme le ministre de l'Information de Saddam Hussein fait venir la presse pour lui raconter des victoires imaginaires. Personne ne le croit et des images de CNN en live le démentent au moment même où il parle. Tandis que la mise en image de la chute de la statue de Saddam, reflète un événement qui a vraiment eu lieu, même s'il a été produit et scénarisé pour être filmé.
2) Second procès que nous faisons à la propagande du Maire de THIES : elle endoctrine. Elle rend les individus conformes à un modèle, leur faisant partager valeurs, préjugements, convictions. Bref la propagande est une machine à conformer : de l’idéologie gagnant des têtes et débouchant sur l’aliénation. Ce sont des mots, des slogans, des images, parfois des rites. Chez lui la référence à des versets du coran est devenue sa machine à endoctriner. j’aime tous les fils d’abram !!. De qui se moque –t-il ? De toute façon Ousmane Ngom et Farba Senghor apprécieront.
Ces références coranique qui renforcent le croyant dans sa foi et l’aident à interpréter le monde en accord avec l’idée. Elle vise à faire intérioriser des attitudes, mais aussi à faire intégrer une communauté : celle de tous les bons citoyens qui pensent de la même façon. Au-delà du faire croire, elle serait l'instrument du faire corps.
Cette critique distingue facilement une propagande dure et une autre plus douce plus insidieuse. La propagande « dure » n’est pas difficile à reconnaître : elle règne là où ne s’élève qu’une seule voix, dans les régimes (ou au sein des groupes) où s'impose un dogme officiel. On songe ici au film d’Ettore Scola « Une journée particulière » : toute la ville est à la manifestation fasciste et exprime sa dévotion envers le Duce.
Seuls une ménagère et un homosexuel sont restés dans un immeuble déserté, exclus de la chaleur des célébrations unanimes.
La propande est un outil à produire du Même. Mais la propagande « douce », voire invisible, comme la nomme Ignacio Ramonent, celle qui n’a besoin ni de haut-parleurs ni de discours exaltés, ni d'uniformes ? Qui s’exerce sous l’apparence du pluralisme, voire sous le masque de l’apolitisme ou de la distraction ? Qui s’est faite ambiance et à laquelle nous sommes si habitués que nous ne la décelons pas ? Existe-t-elle ? Ou faut-il parler d’opinions dominantes, d’air du temps, de stéréotypes ? Dans la mesure où toute société humaine repose sur des habitudes, des opinions ou des valeurs communes, où passe la frontière entre l’acculturation (tout ce qu’il y a de social en nous) et ce que Jacques Ellul appelait « propagande sociologique » ?
Dans cette dernière acception tout ce qui fait la promotion du mode de vie occidental, dont la publicité, fait en réalité de la propagande pour un modèle. Nombre de chercheurs de l’école de Francfort ont dénoncé l’action quotidienne des médias, incluant leur contenu distractifqui semblerait la plus apolitique, comme une incitation à se satisfaire du monde tel qu’il et à n’en point imaginer d’autre.
Pour sa part Noam Chomsky, persuadé que : «La propagande est aux démocraties ce que la violence est aux dictatures. », propose un « modèle de la propagande » pour expliquer le fonctionnement des médias. (Manufacturing Consent: The PoliticalEconomy of the MassMedia). Son thème est que les médias dépendant des grandes sociétés capitalistes véhiculent la propagande comme spontanément, tant leur imbrication dans le système du Marché les incite à ne produire que des informations et jugements conformes à ses intérêts. A ce titre, Jean Paul DIAZ et Djibril WAR avaient raison de dire que le groupe de presse youssou ndour fait désordre dans la dynamique actuelle.
La propagande serait la traduction d’une vision du monde : la seule forme de communication conforme à l’idéologie dominante ou du moins à la pensée et aux intérêts des élites. Dans cette optique la propagande devient moins une technique délibérée qu’une composante de la vie sociale et se confond quasiment avec ce que Bourdieu nomme pouvoir ou violence symbolique.
Ce second procès fait à la propagande, l'est au nom de la liberté violée du propagandé. Cela part d'excellents sentiments mais aboutit àconfondre les «fabriques du consentement» avec l'idée vague de Système. Et, du reste, une des caractéristiques de la propagande, n'est-ellepas de contribuer à changer de système ?
3) D’autres voient surtout dans la propagande la forme moderne ce que les Grecs appelaient une psychagogia, un art d’agir sur l’esprit. Ils soulignent son caractère conscient, stratégique, manipulatoire, souvent ses prétentions scientifiques. La propagande, ce sont d’abord des méthodes gérées par des professionnels pour produire de l’opinion. Parmi toutes les formes de communication destinées à convaincre, il en serait donc d’insidieuses et d’irrésistibles qui conditionneraient leur victime, lui feraient perdre sens critique et faculté de raisonner.
Ceux qui définissent la propagande par ses moyens adaptés à unrésultat, en énumèrent souvent les recettes. Ils espèrent que cette révélation stimulera la résistance des citoyens. À des degrés divers, Serge Thackhotine, Edward Bernays, VancePackard, Jacques Ellul ou Alvin Toffler, pour ne prendre que les plus connus, décrivent ainsi les stratégies de séduction et de persuasion. Et des chercheurs s’acharnent depuis l’entre deux guerres à mesurer l’efficacité réelle de la propagande et ses variables dans le cadre plus général du pouvoir des communications de masses.
La propagande est surtout un fait social : les recherches insistent sur le fait qu’elle s’adresse, certes, à des individus qu’elle veut amener à un acte comme un engagement ou un vote, mais que cet individu faitpartie de communautés. Celles-ci peuvent relayer la puissance du message : elles contribuent à renforcer le poids de la croyance de toute la force de la conformité aux normes du groupe. S'y ajoute la pression quepeut exercer la surveillance et l’entraînement par ce qui est proche. Mais les communautés sont aussi les filtres de la propagande, qui doit être acceptée par le groupe.
Ce sont parfois des obstacles à son action : un individu intégré est moins sensible aux messages destinés à modifier son attitude.
Cette troisième vision a l'avantage de souligner que la propagande, orchestrée, technicisée, délibérée ne se confond pas avec n'importe quel discours destiné à changer l'attitude d'autrui.
En somme, la sortie médiatique d’IDY illustre bien la présence de gourous de Marketing politique dans les états-majors des partis. Ils profitent du caractère rural de la population pour opérer « des viols collectifs des foules par la propagande politique ».
Dr Bassirou NIANG,
CCR -MATAM
CCR -MATAM
Autres articles
-
Accident Mariama NIASS: Un choc impliquant un bus TATA et un camion fait un mort
-
Tabaski 2024 / Conseil interministériel : "Les prix moyens de la viande de mouton et de bœuf ont drastiquement augmenté de 2014 à 2023", (Ousmane Sonko)
-
[ 🛑DIRECT ] Mise en circulation du BRT : Le ministre El Malick donne le coup.d'envoi...
-
Vidéos sur l'abondance de la pêche : Yarakh, Soumbédioune et Yoff assurent que le poisson se fait toujours rare
-
Retour au bercail : Amadou Ba prévoit une sortie publique dans la semaine.