Football : « Pour une régulation du marché des transferts »


Football : « Pour une régulation du marché des transferts »

Dans une tribune au « Monde », l’ancien Bleu Vikash Dhorasoo et le collectif Tatane réagissent au transfert d’Anthony Martial pour 80 millions d’euros.Anthony Martial a été acheté par le club de Manchester United pour 80 millions d’euros et la vie continue. L’explosion de la bulle spéculative n’est toujours pas survenue et le marché des transferts continue à perdre la tête. La Premier League a arrosé la Ligue 1 cet été à coups de millions et voilà qu’aujourd’hui un jeune espoir vaudrait 20 millions de plus que Zinédine Zidane. Les joueurs de football sont définitivement devenus des actifs soumis aux lois de l’offre et de la demande. Faut-il pour autant rester silencieux ? Est-il possible de critiquer ce système, de s’indigner, sans être traité d’utopiste ou de démagogue ?
 

A l’heure où l’indemnité de départ du président-directeur général d’Alcatel-Lucent s’élève à 13 millions d’euros, le football international participe à l’hégémonie des millions.

L’indécence s’empare des journaux télévisés. Le transfert d’Anthony Martial est annoncé entre la mort des migrants et l’augmentation de 2 % du revenu de solidarité active. Le football ne connaît pas la « sobriété heureuse » si chère à Pierre Rabhi.


Depuis des années la mobilité des joueurs de football professionnels s’est développée. Bosman, en brandissant l’article 49 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et la liberté des marchandises et des travailleurs, a été le déclencheur de cette évolution.Les experts en tout genre ne manquent pas d’évoquer le montant des droits télévisuels anglais pour justifier l’explosion des montants des transferts et l’étalage de cette richesse. Mais suffit-il de se cacher derrière cela ? Suffit-il de dire que l’investissement des diffuseurs justifie cette débauche d’argent. Certainement pas !

Mais aujourd’hui l’opacité qui règne autour des transferts, l’intervention de représentants obscurs, la multiplication des sociétés de paille ou écran ont confirmé les premiers symptômes du marché des transferts.
 

L’Union nationale des joueurs de football professionnel (UNFP) doit dénoncer l’incompatibilité du droit du travail français avec les règles du marché des transferts en déposant une plainte devant la Commission européenne. En attendant, Jorge Mendes, agent influent, a fait circuler à lui seul près de 400 millions d’euros au sein des grands clubs européens. Faudrait-il refuser d’en parler par peur d’être accusé de démagogie ? Toujours pas. Le marché des transferts doit être régulé. Le contrat de travail du footballeur professionnel doit être adapté à la spécificité du secteur, le rôle des interlocuteurs doit être défini, et la tierce propriété, définitivement abolie.
 

Grâce au transfert de Martial, le club des Ulis où le joueur a été formé a pu récupérer l’équivalent de trois ans de budget de fonctionnement. Et si la véritable utilité des transferts se trouvait dans la rémunération du club formateur ? La logique serait enfin trouvée. Le football deviendrait peut-être plus utile ?

Le Monde

Jeudi 3 Septembre 2015




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