FACE A L’INCERTITUDE DE L’AVENIR, L’ESPOIR EST-IL ENCORE PERMIS ?


FACE A L’INCERTITUDE DE L’AVENIR, L’ESPOIR EST-IL ENCORE PERMIS ?
L’histoire des sociétés connait des moments de silence qui débouchent irrémédiablement sur des ruptures de hautes factures. Un tel constat, fourni par le passé, trouve sa pertinence dans notre présent collectif. Nous nous retrouvons dans un moment de notre vie face à une question embarrassante : Quel sort nous réserve notre avenir ?  François Rabelais, lui, dans le Tiers Livre,  nous a montré, avec les pérégrinations de Panurge, que cette question est intrigante. Nous travaillons nuit et jour pour réussir de la manière la plus belle dans la vie. Nous envisageons de faire telle ou telle chose dans l’avenir. Mais est-ce que nous savons où nous allons ? Est-ce que notre condition de vie est prometteuse ? Curieux à savoir ! Ces interrogations nous plongent parfois dans une angoisse existentielle très poignante. Dès lors, nous nous retrouvons dans une frénésie de recherche d’une réponse précise à ce que la vie nous réserve pour demain.
Face à un Sénégal chaotique où nous vivons dans une pauvreté extrême et dans une situation précaire qui obligent des milliers de jeunes à traverser le désert pouvons-nous espérer un avenir radieux ? Dans un Sénégal où, pour reprendre Kourouma, « l’école ne vaut pas le pet d’une veille grande mère. Parce que même après la licence on n’est pas fichu d’être instituteur »,  pouvons-nous croire en une réussite ? En réalité, notre condition de vie est telle que les hommes, où, plus précisément les jeunes, s’absorbent dans une réflexion profonde.  Il y a, dès lors, une nécessité probante de s’interroger sur la précarité de la condition des gens qui aspirent à un lendemain meilleur. Devant cette angoisse existentielle, il y a lieu d’interroger la littérature et la philosophie. Dans La sagesse et la destinée, Maurice Maeterlinck souligne à juste titre : « Il faut bien que quelques−uns se permettent de penser, de parler et d'agir comme si tous étaient heureux; sinon, quel bonheur, quelle justice, quel amour, quelle beauté, trouveraient tous les autres le jour ou le destin leur ouvrira les jardins publics de la terre promise ? »
Dans l’univers complexe de notre époque, les gens, parce que désespérés, pensent, comme Camus, que « la vie est absurde ». Mais, il faut le signaler, Camus y ajoute une phrase qui est pleine de sens : « mais elle vaut la peine d’être vécue ». Donc, quelque part la vie n’a de sens que parce qu’elle est absurde. Mais que pouvons-nous espérer face à cette absurdité de la vie ? C’est de faire face à l’absurde pour lui donner un sens plein. La précarité de notre situation ne doit point  nous faire sombrer dans un désespoir total. Nous ne devons point être victime de notre condition. Il faut avoir une lecture relative de la vie pour que, malgré la précarité de nos conditions de vie, nous puissions faire face à l’avenir.
L’avenir est une promesse. Il est un horizon de possibles qui s’offre aux humains que nous sommes. Par conséquent, toute entreprise humaine qui n’intègre pas la prospective comme dimension réelle demeure dans le statu quo. L’inaction et l’attentisme sont les pires formes de fatalité. Entre le pessimisme annihilant et l’optimisme ambiant, l’homme doit tirer des ressources en lui pour avoir la posture d’un réaliste. Ce sera un réalisme qui intègre des valeurs comme l’ardeur et la constance dans le combat, la persévérance et la conviction dans l’action. Tout arrimé à un projet, un but, un idéal.
Il y a bien des raisons d’espérer. Voltaire a noté dans Candide ou l’Optimisme que « ceux qui ont avancé que tout est bien ont dit une sottise : il fallait dire que tout est au mieux. ». En effet, la lecture des œuvres de Voltaire nous apprend à être sage, pour construire autour des problèmes lancinants de la destinée, une sorte de morale philosophique dont les vacillements vont du « si tout n’est pas bien, tout est passable ». Il y a bien des raisons d’espérer dans un Sénégal où les jeunes se posent mille et une questions sur leur avenir. Oui nous pouvons espérer ! L’optimisme est un principe phare qui nous permet d’affronter l’avenir et de croire à un lendemain meilleur. Car, si, comme le pense Jacques dans Jacques le Fataliste de Denis Diderot, « le bien mène le mal, le mal mène le bien. Nous marchons dans la nuit au-dessous de ce qui est écrit là-haut, également insensés dans nos souhaits, dans notre joie et dans notre affliction », nous avons des raisons de prendre notre mal en patience et de vivre dans l’espoir. 
Loin d’être dans l’extrême fatalisme de Jacques, nous devons être dans un optimisme profond et agir sur notre destin avec abnégation. Puisque si nous croyons à Paulo Coelho qui, dans L’Alchimiste, note que « lorsque tu veux vraiment une chose, tout l’Univers conspire à te permettre de réaliser ton désir », Dieu est avec ceux qui croient en la réussite.
La jeunesse sénégalaise n’a pas à cultiver la foi du charbonnier. Elle a l’impérieuse tâche de remplir positivement son existence avec des actes qui épousent les réalités de son temps. Dans Un merveilleux malheur, Boris CYRULNIK souligne : « Un mot permet d’organiser notre manière de comprendre le mystère de ceux qui s’en sont sortis. C’est celui de résilience, qui désigne la capacité à réussir, à vivre, à se développer en dépit de l’adversité. En comprenant cela, nous changerons notre regard sur le malheur et, malgré la souffrance, nous chercherons la merveille. » Il nous faut une culture du sursaut, une philosophie de l’optimisme entreprenant.
Faire de la méditerranée un vaste cimetière de jeunes Africains est la pire bêtise de nos gouvernements dans leur politique sociale et l’offre d’emploi. Cela ne dédouane pas les jeunes que nous sommes. L’Afrique a de potentialités réelles qui ne demandent que la mobilisation de nos énergies. L’échec des politiciens sans projet ne saurait servir de raison aux jeunes qui choisissent le chemin de l’émigration clandestine. L’Afrique est le continent de l’avenir. Cet avenir ne doit pas être une simple vue de l’esprit.
Le Sénégal se fera par les Sénégalais comme jadis Rome fut faite par les Romains. La jeunesse sénégalaise est le pilier de l’espoir et du succès. Elle déborde d’énergie et de disponibilité pour engager des œuvres d’envergure. Ignorer cette donne, c’est condamner tout le pays à vivre dans le minimum voire dans la médiocrité. Sa bonne formation doit être la priorité des priorités. Aussi, trouvons-nous pertinentes ces lignes de l’auteur d’Afrotopia : « Edifier l’humain, c’est certes le soigner, le vêtir, le nourrir et l’éduquer. Mais c’est surtout en faire un individu au meilleur de soi-même, intégral, épanouissant la part lumineuse de ses facultés c’est ainsi qu’il contribuera à porter l’humanité vers un autre palier. »
El hadji Omar MASSALY (Lettres Modernes)
et Ibou Dramé SYLLA(Philosophie)
(Etudiants à l’UCAD)
Mardi 23 Août 2016




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