Exploitation de l’or de Sabodala : Pourquoi les populations de Kédougou se sentent frustrées

Depuis plus de dix ans la société aurifère Teranga Gold exploite l’or de Sabodala, une commune situé à l’extrême de la région de Kédougou, dans le département de Saraya qui fait frontière commune avec le département de Bakel.


La vie dans ce village centenaire a été perturbée depuis l’installation sur ses terres de la société aurifère Teranga gold corporation et d’autres sociétés. Les impacts sur l’environnement sont énormes, les dégâts incommensurables. En tournée dans ce coin du pays, le visiteur est pourtant surpris de l’état de délabrement très avancé des routes, des ponts qui ne le sont que de noms, du manque criard d’infrastructures dans tous les secteurs. Bref Sabodala, khossanto, Missirah Sirimana, Médina Baffé les communes les plus affectées par l’exploitation de l’or, sont pauvres.

C’est paradoxal, mais il en est ainsi. Et pourtant les missions de la Sabodala Gold sont nobles et généreuses car il s’agit pour la société « de créer de la valeur pour l’ensemble de nos parties prenantes grâce à une exploitation  minière responsable. » Les parties prenantes, c’est d’abord l’Etat mais aussi et surtout les communes hôtes. C’est dire que les communes les plus ciblées sont les quatre communes citées plus haut qui gravitent autour des mines exploitées par Teranga Gold. Les mines de Sabodala rapportent pourtant gros, très gros. Pour les dix dernières années, 12 M+ d’ONCES. En 2015 le rapport annuel produit par la société livre les informations suivantes : production d’or ; 182 281 onces ; un chiffre d’affaires de 224 620 000 dollars us, soit plus 123 milliards 541 000 000  F CFA. Cette même année, elle a fait une contribution totale à l’Etat du Sénégal de 179 840 239 dollars USsoit  plus de 98 milliards 912 131 450 F CFA, un investissement communautaire de 1 265 117 dollars Us, soit plus 695 814 350 F CFA. La société a payé au gouvernement du Sénégal 42 751 000 dollars Us, soit plus de 23 milliards 513 050 000 F CFA. La société emploie au Sénégal 1032 personnes. En 2015, les salaires brut payés au Sénégal sont arrêtés à 9 165 919 dollars Us , soit environ 5 041 255 450 milliards F CFA. La question est de savoir comment sont utilisées les contributions faites à l’Etat du Sénégal qui sont de l’ordre de 98 912 131 450 F CFA et les 23 milliards 513 050 000 F CFA payés au gouvernement du Sénégal. Pour la société, il s’agit pour le premier cas (98 milliards 912 131 450 F CFA) de participer au financement du PSE.

En effet, Teranga est impliquée dans un nombre de partenariats pour établir des projets de grande échelle structurants à long terme en soutien au Plan Sénégal Emergent. D’abord, avec le Gouvernement du Sénégal directement, la société contribue à hauteur de 10 millions USD pour financer la construction de projets comme les Domaines Communautaires d’Itato à Kédougou et le développement de pêcheries à Saint-Louis. En 2014, la société avait initié le projet White Gold for Life, avec pour but de relancer l’industrie cotonnière au Sénégal. Ce partenariat à grande échelle regroupe Teranga, le Gouvernement, les entreprises locales impliquées dans la chaine de valeur du coton. White Gold for Life intègre les producteurs de coton, les entreprises textiles et le Gouvernement du Sénégal avec l’intention de relancer l’ensemble de la chaine de valeur de l’industrie textile au Sénégal. Teranga est impliquée de différentes manières, en premier lieu au travers de son partenariat avec la SODEFITEX qui soutient plus de 500 producteurs de coton, et aussi dans les discussions liées à la relance de l’industrie. L’industrie textile est l’une des priorités du PSE et si le projet White Gold for Life est prospère, cela sera une opportunité pour créer de la valeur à long terme pour l’ensemble du pays et proposer une alternative durable à l’orpaillage traditionnel dans la région. Par ailleurs la société a donné  en 2015 sous forme de soutien institutionnel,  à la direction des mines et de la géologie 227 546 550  F CFA ; 57 873 750 F CFA, à l’institution des sciences et de la terre ; 185 680 000 F CFA en appui au ministère de l’environnement et 13 283 050 FCFA aux institutions locales (conseil départementaux et communes de Kédougou …). Le montant destiné aux institutions locales peut sembler dérisoire au regard des autres montants, car il ne représente que 2, 74% du montant global, mais la société fait bien plus pour la région. En effet, elle verse à l’Etat du Sénégal la rondelette somme de 23 milliards 513 050 000 F CFA destinées aux communes de la région de Kédougou et a versé toujours pour l’exercice 2015 la somme de 695 814 350 F CFA d’investissement communautaire. C’est dire donc que la Teranga Gold corporation fait énormément pour la région de Kédougou. Plus de 25 milliards 000 000 000  F CFA injectés en une année que les populations ne voient pas et ne sentent pas. D’après les informations disponibles dans le rapport 2015 de la société qui est disponible sur internet, chacune des quatre communes qui gravitent autour des mines exploitées par la société, devraient recevoir en moyenne 100 000 000  f cfa. Les communes ont-elles reçu cet argent ? La réponse est NON. Non seulement l’Etat ne reverse pas aux communes leur dû, mais pire encore « on tue nos enfants et on ferme nos sites d'orpaillage » avait dit un notable  lors des derniers événements malheureux de Khossanto. L'on ne peut légitimement pas comprendre que Kédougou qui est assis sur de l'or, soit l'une des régions les plus pauvres du Sénégal. Il est temps que sa  richesse qui ne profite qu'aux autres, revienne de droit à ses enfants. Fort heureusement, des changements commencent à se faire sentir, du fait du nouveau code minier.

En effet, pour cette année 2017, la commune de Sabodala aurait reçu directement des sociétés minières prés de 800 000 000 F CFA de patentes et autres taxes qui ne transitent plus par l’Etat, mais sont allés directement dans les caisses de la commune. Voilà la solution que les collectivités locales ont toujours proposée, que l’Etat trop gourmand avait toujours refusé. Pourvu que cela dure...
Mardi 14 Mars 2017




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