Symbole des erreurs judiciaires après avoir été incarcéré à tort pendant 19 ans, l’ex-boxeur américain Rubin «Hurricane» Carter, dont l’histoire avait été chantée par Bob Dylan et portée au cinéma par Denzel Washington, est décédé dimanche d’un cancer.
«Here comes the story of the Hurricane...», entonne Bob Dylan dans le refrain de sa chanson: «Voici l’histoire de +Hurricane+, l’homme que les autorités ont blâmé pour un crime qu’il n’avait jamais commis, puis mis dans une cellule. Mais un jour il aurait pu être le champion du monde».
Le texte co-écrit en 1975 par Dylan et Jacques Levy raconte la vie de cet ancien champion de boxe noir américain, affublé pendant sa courte carrière sportive du surnom «Hurricane» (ouragan), avant d’être enfermé pendant 19 ans dans une prison du New Jersey pour le meurtre de trois Blancs, dont il a ensuite été totalement innocenté.
«Repose en paix Rubin, ton combat est achevé mais ne sera pas oublié», a réagi sur son site l’association de défense des victimes d’erreurs judiciaires (AIDWYC), dont «Hurricane» Carter a été le directeur exécutif de 1993 à 2005.
L’ancien prisonnier, qui souffrait d’un cancer de la prostate, s’est éteint à l’âge de 76 ans, «dans son sommeil» dans sa maison de Toronto, au Canada, a précisé à des médias son ami John Artis, qui avait été condamné avec lui et l’avait accompagné pendant sa maladie.
Malgré ses dénégations, Rubin Carter avait été reconnu coupable par deux fois, en 1967 et 1976, pour le meurtre de trois Blancs dans un bar du New Jersey en 1966. Un jury exclusivement blanc avait prononcé la peine de 30 ans de prison, tandis que son co-accusé, lui aussi noir, était condamné à 15 ans.
- «J’ai vécu en enfer» -
«Tous les dés étaient pipés, le procès était un cirque, il n’avait aucune chance», poursuit Bob Dylan dans sa chanson «Hurricane», dont il avait découvert l’histoire dans son autobiographie, «Le 16e Round», parue en 1976, et qu’il avait ensuite rencontré en prison. «Maintenant, un homme innocent vit l’enfer, c’est l’histoire de +Hurricane+, mais elle ne s’achèvera pas tant que son nom ne sera pas blanchi, et tant qu’on ne lui rendra pas le temps perdu».
La chanson est sortie 10 ans avant la libération de l’ancien boxeur poids moyen, qui avait remporté 27 victoires, notamment au Madison Square Garden de New York, à Paris ou encore à Londres, mais dont la carrière sportive avait pris fin brutalement avec son arrestation.
Après 19 ans derrière les barreaux, Carter avait été libéré en 1985, sur injonction d’un juge fédéral, qui avait renversé la peine de prison, l’estimant «marquée par le racisme plutôt que par la raison et par les dissimulations plutôt que par les révélations».
Plus tard, son histoire avait également inspiré le réalisateur Norman Jewison, dont le film «Hurricane Carter» en 1999 avait valu à Denzel Washington le Golden Globe du meilleur acteur et une nomination aux Oscars. Joni Mitchell et Mohamed Ali avaient également soutenu sa cause.
A sa sortie de prison, Rubin Carter avait logiquement milité contre les erreurs judiciaires, créant une association et se battant en particulier pour la libération de David McCallum, un Noir new-yorkais incarcéré depuis 1985 pour meurtre.
Dans une tribune publiée le 21 février dernier dans le New York Daily News, intitulée «L’ultime voeu de Hurricane Carter», il réclamait une nouvelle audience pour le condamné, estimant que le verdict avait été tout comme dans son cas entaché de racisme.
«Je serais très surpris de trouver le paradis après cette vie», écrivait-il, «mais pendant mes années sur cette planète, j’ai vécu en enfer pendant les 49 premières années, puis au paradis pendant les 28 dernières». Car «vivre dans un monde où la vérité compte et la justice est rendue, même tardivement, ce monde serait un paradis suffisant pour nous tous».
AFP