Entretien avec M. Riccardo Nencini, le ministre italien des infrastructures et des transports : « En Italie, les partis de droite ont joué au pyromane (…) Beaucoup de Sénégalais sont encore trop pauvres et exploités (…) »

Riccardo Nencini, 48 ans, écrivain et auteur de plusieurs ouvrages historiques et politiques, a été député au Parlement italien (1992-94) et européen (1994-99). Il est membre du Conseil régional de Toscane depuis 2000, où il exerce la fonction de président et a été élu secrétaire général du PS lors du congrès de Montecatini Terme le 6 juillet 2008. Aujourd’hui ministre des infrastructures et des transports sous le nouveau gouvernement dirigé par Matteo Renzi, Riccardo Nencini revient avec nous sur la question centrale de l’émigration, les attentes de la coopération entre nos deux pays, ses relations avec Tanor et le PS, mais aussi ce que la vision socialiste compte apporter désormais dans nos relations.


Entretien avec M. Riccardo Nencini, le ministre italien des infrastructures et des transports : « En Italie, les partis de droite ont joué au pyromane (…) Beaucoup de Sénégalais sont encore trop pauvres et exploités (…) »
DAKARACTU Monsieur Nenceni, quel rôle joue désormais votre parti sur la scène politique italienne?
 
Riccardo Nencini : La mission du parti que je dirige est commune à tous les partis qui font appel aux valeurs du socialisme démocratique et qui sont : la défense des faibles, l'inclusion, l'éternel combat de déterminer et de faire respecter les principes de l'égalité dans la liberté, mais aussi le développement économique et social d'une nation marquée aujourd'hui par de trop nombreuses faiblesses.
 
DAKARACTU : Quelles sont les positions de votre parti sur les questions relatives à l'immigration qui ont tant divisé la classe politique italienne ?
 
Riccardo Nencini :En Italie, les partis de droite ont joué au pyromane, suscitant un sentiment de peur chez les gens, faisant apparaître l'immigrant comme différent et dangereux. Ils l'ont fait avec une loi restrictive et non civilisée, la loi Bossi-Fini de 2002. Et naturellement, avec le changement rapide du paysage humain qui en a  résulté dans nos villes, avec des visages inconnus, de nouvelles entreprises, des journaux en langues étrangères, tout cela a créé un sentiment déstabilisant chez les Italiens, en partie parce que l'Italie est une nation de petites villes, où les gens avaient l'habitude de se connaître, même dans les grandes villes. Eh bien, le devoir de la politique était de rassurer les gens en leur expliquant que la mondialisation pouvait être une bonne chose, si elle était menée  avec intelligence et un sens de la justice. Au lieu de cela, cette droite italienne a fait une campagne sous la bannière de la peur, confortant l’idée vis-à-vis des populations que l'immigration est un danger, et quelque chose de temporaire qu'il était possible d'abolir ! Donc, ils ont fait très peu pour l'intégration sociale et le multiculturalisme et ont délibérément créé les conditions de marginalisation chez les immigrants, pour pouvoir dire ensuite : « vous voyez, ça ne marche pas l'immigration !»
 
DAKARACTU : Il y a encore des frictions entre Italiens et immigrés! Quelles sont vos initiatives pour remédier à cette situation?
 
Riccardo Nencini : Il nous faudra tout d'abord changer la loi sur la citoyenneté. En fait, nous avons présenté un projet de loi au Parlement pour introduire dans notre législation le droit du sol, remplacer la contrainte du «jus sanguini», le droit du sang. Aujourd'hui, un enfant d'immigrés, né en Italie et parlant italien, est culturellement italien; mais quand il va à l'école, il est considéré comme un étranger. Les autorités scolaires sont alarmées, notant qu'il y a trop d'étrangers dans les classes et que la qualité de l'enseignement en souffre. Étant nés en Italie, ils ont vu les mêmes programmes de télévision, ont la même langue et les compétences culturelles de n'importe quel garçon italien. Et pourtant ils peuvent avoir l'avantage de parler deux langues. La politique italienne est toujours portée sur la première urgence, alors qu’ils ont besoin de programmes d'intégration et de planification à long terme. Vous devez avoir une certaine idée de la société et la faire progresser.
 
DAKARACTU : Etes-vous pour le co-développement, concept visant à faciliter le retour progressif des immigrés dans leur pays d'origine par le financement de projets devant faciliter leur réinsertion?
 
Riccardo Nencini : La collaboration commerciale devient de plus en plus fréquente afin que l'Italien et le Sénégalais se croisent sur la route entre les deux pays. Je pense que c'est un partenariat à parts égales. Et le temps des riches Européens qui aident les pauvres Africains est révolu. Nous devons avoir un partenariat dans le tourisme, l'agriculture, la culture, et travailler ensemble. Et ensemble, faire des projets réussis.
 
DAKARACTU : Quelles sont vos relations avec le Parti socialiste sénégalais, et en particulier avec son secrétaire général Ousmane Tanor Dieng?                                                                        
 
Riccardo Nencini : C'est une bonne relation et une relation importante, car en plus des idéaux que nous partageons, les socialistes italiens et sénégalais se côtoient régulièrement. L’Italie est depuis longtemps l'une des principales communautés d'immigrés sénégalais; et en effet, il y a  eu depuis fort longtemps des immigrants sénégalais en Italie et des citoyens italiens d'origine sénégalaise. Beaucoup d'entre eux sont actifs dans le PSI parce qu'ils étaient auparavant inscrits, au Sénégal, au PS. L'amitié entre l'Italie et le Sénégal est donc politique, commerciale, institutionnelle...
Lundi 3 Mars 2014




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